Bénin : un front anti-Talon autour d’Ajavon

Plusieurs figures de la scène politique béninoise se sont réunies ce weekend à Cotonou pour lancer une coalition «pour la défense de la démocratie». A la manœuvre, l’ancien allié du président Talon et désormais son principal opposant, Sébastien Ajavon. Pour l’heure, la coalition dénonce les pratiques de la gouvernance actuelle et la situation socioéconomique dans le pays. Elle pourrait toutefois devenir un tremplin pour un éventuel front anti-Talon, en prélude aux prochaines élections.
(Crédits : DR)

«Coalition pour la défense de la démocratie au Bénin». C'est sous cette appellation qu'un nouveau front politique a été porté sur les fonts baptismaux samedi dernier à Djeffa, dans la banlieue de Cotonou. A la manœuvre, des figures bien connues de l'échiquier politique national, dont les anciens présidents Yayi Boni et Nicéphore Soglo, ainsi que d'autres personnalités politiques et religieuses. C'est surtout la présence très remarquée de l'opposant Sébastien Ajavon qui a particulièrement retenu l'attention, donnant par la même occasion une première idée sur le positionnement de ce regroupement politique assez hétéroclite.

La déclaration faite au cours de cet événement a d'ailleurs confirmé les prémices d'un front anti-Talon qui se met progressivement en place autour d'Ajavon, le seul qui affiche désormais des ambitions politiques parmi les leaders de la nouvelle coalition.

Dans la ligne de mire de cette dernière, la gouvernance du président Patrice Talon.  D'ailleurs et dès l'entame de la déclaration, la coalition annonce déjà la couleur : «Le Bénin, va mal ! Notre pays est plongé dans une grave crise aux dimensions multiples, politique, économique, sociale et culturelle», annonce la coalition pour qui la cause de cette situation «est la gouvernance du pouvoir depuis deux ans».

Les signataires de la déclaration ont ainsi listé tout un chapitre de griefs qu'ils reprochent au régime du président Talon, notamment «de graves conflits d'intérêts au sommet de l'Etat» ; «une opacité totale de la gestion des affaires du pays», des «privatisations sauvages des secteurs vitaux de l'économie nationale», ainsi que les destitutions systématiques des «maires soupçonnés d'opposition au pouvoir dit de "La "rupture"». La coalition dénonce également «des attaques frontales aux libertés fondamentales» et «une véritable chasse à l'homme est ouverte, sous le couvert de la lutte contre la corruption, contre les opposants à la politique actuelle, qu'il s'agisse des hommes d'affaires, des élus locaux, des syndicalistes de proue et des femmes de marchés».

«La conséquence de cette gouvernance catastrophique, c'est que notre pays est paralysé depuis bientôt trois mois, et les rouages principaux du fonctionnement de l'Etat sont bloqués : les établissements scolaires et les universités sont fermés. Les élèves et étudiants sont dans les rues et ne savent plus à quel saint se vouer. Les hôpitaux sont fermés et la population est privée du droit élémentaire aux soins de santé. Les tribunaux sont, eux aussi, fermés avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur la vie quotidienne des paisibles citoyens. Beaucoup d'autres administrations participent également à ce mouvement général sans être formellement en grève. Le dialogue avec les partenaires sociaux est dans l'impasse: tout le peuple est en rébellion contre la politique actuelle», détaille la déclaration dénonciatrice du nouveau front.

Revendications et stratégies politiques

Face aux faits qu'elle pointe du doigt, «la coalition du 14 avril» a émis plusieurs revendications, notamment le respect de la Constitution ; la convocation des Assises nationales ; et surtout la garantie des conditions pour un processus électoral transparent.

Au-delà donc de l'appréciation du contexte politique et socioéconomique dressé par la coalition, cette sortie médiatique a été plutôt perçue comme la naissance d'un front de l'opposition qui se met progressivement en place sous l'égide de Sébastien Ajavon. Un front d'opposition anti-talon, car les différents membres qui le composent portent une critique acerbe à l'encontre de l'actuel chef de l'Etat, accusé depuis quelque temps par ses détracteurs de vouloir neutraliser tous ses adversaires politiques dans l'optique des prochaines élections.

Une alliance de circonstance comme le laissent entendre certains proches du président ? «Pas tout à fait !», fait observer un enseignant universitaire à la Faculté de droit et de sciences politiques de l'Université d'Abomey Calavi (FADESP/UAC) contacté par La Tribune Afrique : «S'il est vrai que l'opposition est aujourd'hui acculée par le pouvoir avec les nombreuses procédures judiciaires ouvertes à l'encontre de plusieurs de ses cadres, cela pourrait renforcer leur coalition en perspective également des législatives, puis de la prochaine présidentielle», analyse notre interlocuteur.

A ce jeu, c'est Sébastien Ajavon, «le roi du poulet», qui est arrivé à la troisième place lors du dernier scrutin et qui semble désormais bien positionné pour accaparer le leadership de l'opposition. Après avoir longtemps hésité, l'ancien allié de Talon a fini par lancer, il y a quelques semaines, son propre parti politique, l'Union sociale libre (USL). En politique, certains signes ne trompent pas : Ajavon montre désormais tous les signes d'un opposant monté au front contre Talon. Mais il semble qui ne prend aucun risque de faire cavalier seul...

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