Bénin : Patrice Talon peut-t-il désamorcer la bombe sociale ?

Cette fois-ci, la rencontre entre Patrice Talon et les syndicats a bien eu lieu. Adidjatou Mathys, ministre de la Fonction publique, avait déjà balisé le terrain ce lundi lors d’un conclave de six tours d’horloge. Même résultat –ou presque- lors de la rencontre des syndicats avec le président béninois qui a cédé sur tout sauf l’essentiel au bout de cinq heures de palabres. Le mouvement devrait se maintenir avec le risque de plonger encore plus le pays dans l’incertitude. Le locataire du Palais de la Marina pourra-t-il désamorcer la grève qui paralyse le pays depuis un mois ?
Ibrahima Bayo Jr.

Finalement, c'est une sorte de «1er mai» avant l'heure au Palais de la Marina. Et comme tous les ans à cette date, les travailleurs réclament, les Etats écoutent, mais ne cèdent pas aux revendications des syndicats. Le parallèle est assez caricatural, mais résume bien l'audience accordée hier par Patrice Talon aux centrales syndicales.

En dernier arbitre, Talon cède sur tout sauf sur l'essentiel

Une décision de la Cour constitutionnelle dans le classeur, les centrales syndicales ont poussé les portes du Palais de la Marina pour une audience avec Patrice Talon. Ce dernier, en «général-pompier», est venu à la rescousse de son gouvernement pour tenter d'éteindre le feu de l'incendie social qui paralyse le pays depuis plus d'un mois. Mais au terme de laborieux pourparlers, fermés à la presse et qui ont duré plus de cinq heures, tout le monde reste sur sa faim.

Si la précédente rencontre qui devrait se tenir le 23 janvier dernier a été annulée de justesse pour des raisons officielles d'agenda, cette fois-ci, le président béninois a prêté l'oreille aux huit revendications principales des syndicats. Si la question du statut des enseignants sera tranchée par une commission interministérielle qui sera mise en place, le relèvement du SMIG et l'augmentation des salaires ont été soigneusement éludés, Patrice Talon n'ayant pris aucun engagement financier.

L'hôte présidentiel n'a pas non plus réussi à convaincre les syndicalistes de reprendre le travail. Ces derniers ont indiqué que la décision revenait à leur base. Mais sur le terrain, le mouvement d'humeur se poursuit dans une partie de l'administration, des hôpitaux et des écoles. La solution ? Alors que le mouvement risque de s'étendre à d'autres secteurs, Patrice Talon affiche une volonté réelle de ne pas sortir bredouille de ce dialogue dans lequel il joue sa crédibilité et sa capacité à faire face aux crises internes, lui qui veut «révéler le Bénin».

Des risques de scénario-catastrophe

Critiqué pour l'intransigeance de son administration dans la négociation pour calmer un front social bouillonnant, Patrice Talon a peut-être mis de l'eau dans son verre de Sodabi, cette boisson très populaire au Bénin. Après le revers de la révision constitutionnelle qui a quelque peu érodé sa popularité du début de mandat, Il faudra toute habileté et tout l'entregent présidentiels pour désamorcer une crise sociale qui, même sans évaluation chiffrée, plombe l'économie du pays et inquiète la population béninoise, prisonnière hagarde de cette surenchère dans la négociation.

Dans les rues béninoises, on s'agace que les hôpitaux ne fonctionnent plus qu'au service minimum, ce qui aurait coûté la vie à des malades faute de soins, et que les tribunaux et les écoles soient désertés par les agents chargés de les animer. Avec le président en dernier arbitre après l'échec de ses ministres, les palabres vont-ils poser les jalons de la paix sociale. Deux ans après son arrivée au pouvoir, Patrice Talon y a pourtant intérêt pour ne pas continuer de chuter dans l'estime des Béninois qui, avec espoir, l'ont porté au pouvoir en 2016.

Pour l'heure, la rencontre dite de «l'espoir» avec les syndicats laisse un petit goût d'inachevé. Il n'est pas exclu que dans les prochains jours, surtout à l'approche d'une rencontre prévue dans deux semaines, les syndicats décident de passer à la vitesse supérieure pour faire pression sur le gouvernement. De l'avis de plusieurs commentateurs, face à cette perspective, le président proposerait une trêve sociale, le temps que les fruits de son plan «Bénin révélé» tiennent la promesse des fleurs.

Le locataire du Palais de la Marina pourrait aussi jouer avec le sablier du temps. Face à l'impatience des plateformes revendicatives, la grève générale pourrait se prolonger et s'étendre aux autres corps. Le pays qui suffoque déjà pourrait vivre un scénario catastrophe.

Ibrahima Bayo Jr.

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