« Siteny », le candidat à la présidentielle qui secoue le paysage politique malagasy

Siteny Randrianasoloniaiko, 50 ans, ex-champion de Judo devenu président de l'Union africaine de judo (UAJ) et vice-président de la Fédération internationale de judo (FIJ), fait de plus en plus parler de lui, à moins de six mois des présidentielles. Le député à Tuléar revient pour La Tribune Afrique sur son parcours, sa vision politique pour Madagascar et dément tout soutien politique ou financier de la Russie.
(Crédits : DR.)

La Tribune Afrique - Vous avez été formé en Afrique du Sud puis aux États-Unis avant de rentrer à Madagascar pour y développer des activités dans les télécommunications, les médias et l'immobilier. Pourquoi avoir fait le choix d'entrer en politique ?

Siteny Randrianasoloniaiko : Je viens d'un quartier pauvre de Toliara dans le district de Tuléar. J'ai perdu mon père à 17 ans. Très jeune, j'ai dû endosser des responsabilités pour subvenir aux besoins de ma famille. Nous étions 13 enfants. Comme beaucoup de Malgaches, j'ai traversé des périodes difficiles. J'ai été gardien d'immeuble, vendeur d'eau et j'ai même loué des parasols sur le marché !

Je suis un ancien judoka et grâce à mes performances sportives puis à mes affaires, j'ai pu développer des projets pour améliorer la vie de familles à Madagascar. En 2002, j'ai créé la Fondation Siteny avec ma femme (Nelly Mileva, originaire de Bulgarie, ndlr).

Nous soutenons 300 étudiants par an, en leur octroyant des bourses d'études pour qu'ils poursuivent leurs études à Madagascar ou à l'étranger. J'ai fondé la British School of Madagascar en 2014. J'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour aider les enfants à accéder à une éducation de qualité. La politique s'est finalement imposée à moi, car je voulais améliorer la vie des Malgaches.

Vous avez été réélu député de Tuléar en 2019 sous l'étiquette de l'IRD. Pourquoi avoir décidé de vous éloigner du président Andry Rajoelina ?

J'ai pris cette décision, car durant son mandat, je me suis aperçu qu'il se déconnectait des besoins de la population. J'ai donc constitué ma propre équipe pour répondre aux questions de développement prioritaires pour Madagascar (...) Je pense qu'il est urgent d'améliorer le climat des affaires, en luttant contre la corruption, comme l'a fait le président Kagamé dans son pays par exemple. Ce fléau décourage les entrepreneurs malgaches, mais aussi les investisseurs étrangers. Madagascar est un pays riche en ressources naturelles dont l'exploitation doit profiter à tous.

Quand je serai président, j'appliquerai une politique « zéro tolérance » contre la corruption. Je m'appuierai sur la digitalisation qui permettra une meilleure traçabilité des mouvements de capitaux. Il faut que les mentalités changent même si nous rencontrerons forcément des résistances, comme ce fut le cas au Ghana.

Quelles sont les autres priorités inscrites dans votre programme de campagne électorale ?

L'agriculture qui fait vivre 80% de la population sera au cœur de mon action politique. Je veux augmenter nos productions agricoles et renforcer l'irrigation pour en finir avec la famine (le « kéré », ndlr) qui frappe régulièrement notre pays. Je ferais du développement agricole, une priorité. Comment développer un pays avec une population affamée ? Je travaillerai sur l'accès à la santé, car c'est un droit fondamental. Dans le secteur de la vanille, le gouvernement prélève 4 dollars par kilogramme. Il suffirait de prélever une infime partie de cette somme pour améliorer notre système de santé. C'est ce que l'Afrique du Sud fait par exemple, en dépit des difficultés économiques qu'elle rencontre (...).

L'électrification est un autre défi que je souhaite relever. Les grands discours : ça suffit ! Il faut accélérer les initiatives pour renforcer les capacités énergétiques de Madagascar et pour baisser le coût de notre électricité qui pèse lourdement sur notre industrialisation et sur le budget des ménages. Pourquoi a-t-il fallu attendre le 26 mai dernier, avant que ne soient signés les contrats d'achat d'électricité et de concession de Volobe Amont ?

De quels soutiens politiques disposez-vous au niveau national ?

Je suis soutenu par une variété de parlementaires qui partagent mes préoccupations en matière d'éducation, de santé, d'infrastructures de base et de tous ces sujets structurants qui permettront à Madagascar de se développer. J'ai eu des discussions avec de nombreux acteurs politiques, y compris avec d'anciens présidents comme Marc Ravalomanana ou Hery Rajaonarimampianina. Bien sûr, il existe des différences entre nous, comme la décentralisation qui n'est pas une priorité pour Marc Ravalomanana, par exemple. Personnellement, je milite pour la décentralisation. C'est une question qui n'a pas été abordée à Madagascar depuis 60 ans (...) Mais en cas de second tour, l'opposition fera front commun contre le candidat de la majorité.

Quels sont vos soutiens au niveau international ?

J'ai rencontré plusieurs acteurs politiques sur le continent africain, au Moyen-Orient et en Europe. Il y a quelques semaines, j'ai rencontré Benyamin Netanyahou en Israël. Ce pays possède de solides expertises en matière d'irrigation et d'agriculture (...) Cela dit, le fait de rencontrer des personnalités étrangères ne signifie pas que j'adhère à toutes leurs orientations politiques. J'y ai aussi rencontré des entrepreneurs, notamment dans le secteur du numérique. Je me rendrai bientôt en France. Les relations bilatérales entre la France et Madagascar sont très importantes pour nos deux pays et je pense qu'elles pourraient être nettement améliorées. J'irai ensuite aux États-Unis. Il est indispensable pour quiconque aspire à devenir président de la République de pouvoir parler avec les acteurs politiques internationaux. C'est à la base de la diplomatie.

D'aucuns prétendent que vous disposez de soutiens russes. Est-ce que vous le confirmez ?

C'est faux et je démens tout soutien politico-financier russe. Vous pouvez vérifier tout ce que vous voudrez, il n'y a aucune trace d'un quelconque soutien russe dans mes activités.

En janvier 2023, vous démarriez une tournée nationale, le « Mihava Tour ». Suite à l'interdiction de toute réunion à caractère politique dans un lieu public par le ministère de l'Intérieur début avril, de quelle façon allez-vous continuer à battre campagne ?

Les 1 000 membres de mon équipe de campagne, ainsi que les centaines de milliers de Malgaches qui croient en moi et qui me soutiennent, ont bien compris ce qu'il se cache derrière cette stratégie qui empêche toute réunion politique publique. Ma priorité, notre priorité, c'est de pouvoir continuer à entendre et à rassembler les attentes de tous les Malgaches et de maintenir le contact avec eux. L'exercice du pouvoir ne devrait pas se faire toutes portes fermées et il en va de même pour une campagne politique.

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Commentaire 1
à écrit le 10/07/2023 à 13:00
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