Centrafrique : la destitution du président de l’Assemblée nationale ravive la crise

Au lendemain de la destitution du président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua, le vendredi 26 octobre dernier, des groupes armés ont menacé de reprendre les armes, ce qui ravive les tensions sociopolitiques et surtout sécuritaires. Alors que la Centrafrique est toujours engluée dans la crise, ce nouveau contexte risque de remettre en cause la relative reprise économique de ces derniers mois et de plonger de nouveau le pays dans l’incertitude.
La résurgence des tensions communautaires et des risques sécuritaires pourrait réduire à néant les efforts du président Faustin Archange Touadéra, de relancer l'économie du pays et d'instaurer définitivement la paix en RCA.
La résurgence des tensions communautaires et des risques sécuritaires pourrait réduire à néant les efforts du président Faustin Archange Touadéra, de relancer l'économie du pays et d'instaurer définitivement la paix en RCA. (Crédits : DR)

La République centrafricaine (RCA) est de nouveau en proie à des risques d'instabilité sociopolitique et sécuritaire. La destitution par la majorité des députés, vendredi 26 octobre, du président de l'Assemblée nationale, Karim Meckassoua, a ravivé les tensions ethniques et religieuses, qui ont déclenché la grave crise dans laquelle le pays est plongé depuis 2012.

Le samedi 27 octobre, plusieurs mouvements armés membres de l'ex rébellion Séléka, à dominance musulmane et qui a pris le contrôle du pays en 2012, ont fustigé la destitution de Meckassoua, tout en lançant un ultimatum de 48h aux représentants de l'Etat pour quitter les zones du pays sous leurs contrôles.

«Les représentants de l'État en poste dans les zones occupées par les groupes armés de l'ex-Séléka ont 48 heures pour partir de ces zones», a ainsi déclaré à l'AFP, Abdoulaye Hissene, leader de l'ex-Séléka et actuel président du Conseil national de défense et de sécurité (CNDS), une formation militaire regroupant différents groupes armés de l'ancienne rébellion à dominance musulmane, et qui reste très active dans une bonne partie du pays. Le vendredi 26 octobre déjà, des tirs à l'arme lourde ont d'ailleurs retenti dans le quartier du PK5, un quartier musulman de Bangui, dont l'ancien président de l'Assemblée nationale est le député.

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Tensions communautaires

Depuis le début de la procédure de destitution, plusieurs observateurs redoutaient une résurgence des tensions communautaires. Bien qu'il ne soit arrivé que 7e lors du premier tour de la présidentielle de décembre 2015, Karim Meckassoua est une puissante personnalité très influente dans la communauté musulmane, et son élection au perchoir du Parlement comme seconde personnalité du pays, a permis d'atténuer les tensions communautaires. Ancien allié du président Faustin Archange Touadéra, Meckassoua a été au centre d'une accusation de tentative de coup d'Etat en 2017, et depuis ses relations avec le chef de l'Etat ont évolué en dent de scie.

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Pour les membres de l'ancienne rébellion dont il est proche ainsi que les militants de son parti, le président de l'Assemblée nationale a été écarté du fait de son obédience religieuse, ce qui risque de briser le relatif équilibre au sommet de l'Etat. Ce que rejette évidemment le gouvernement qui met en avant une procédure légale, institué par les membres du parlement. « Ceux qui ont entamé la procédure de destitution ont évoqué des problèmes de gestion. À aucun moment la question confessionnelle n'a été évoquée », a ainsi déclaré samedi aux médias, Ange-Maxime Kazagui, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. « La démocratie a joué son rôle à l'Assemblée, nous déplorons que certains saisissent cette opportunité pour remettre en cause le dialogue et la cohésion sociale », a-t-il ajouté.

Risque de crise sécuritaire et d'instabilité politique

Pour l'heure, la situation reste sous contrôle et les appels au calme se multiplient. Dans plusieurs localités du pays, la présence des Casques bleus de la MINUSCA a permis de contenir les premières tentatives d'assaut de certains groupes armés.

Cependant, dans un pays encore meurtri par les séquelles des tensions communautaires qui se sont exacerbées en 2013, et où se s'entrecoupent de multiples enjeux géopolitiques, la situation peut déraper à tout moment. Les groupes armés restent en effet très actifs dans le nord-est du pays, et l'influence de plus en plus grandissante de la Russie pourrait attiser les tensions. Dans son communiqué, le CNDS n'a d'ailleurs pas manqué de demander le départ de «tous les agents russes» dans le pays.

Avec ces facteurs à risque, les perspectives économiques de la RCA risquent de prendre un coup alors que les efforts du gouvernement, qui bénéficie d'une assistance du FMI, ont permis de relancer la machine économique. Le maintien de cette dynamique reste conditionner par la poursuite de la stabilité politique et l'atténuation des risques sécuritaires. Autant dire qu'une fois encore, la RCA considérée comme le petit poucet de l'Afrique centrale, est à la croisée des chemins. L'épisode actuel montre que la situation politique et sécuritaire du pays est bel et bien toujours précaire, ce qui n'est pas de nature à rassurer les investisseurs que le président Touadéra essaie de faire revenir dans le pays comme en atteste son récent séjour à Genève où il a pris part, du 22 au 24 octobre, à la conférence de la CNUCED sur les investissements.

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