Tunisie : démission avec fracas du président de la commission électorale

Il s’est enfermé dans un mutisme qui tranche avec le fracas provoqué par sa démission. Sans donner d’explication sur les causes profondes, Chafik Sarsar, le président de l'Instance supérieure indépendante électorale a rendu le tablier en évoquant un manque de transparence et d’impartialité. Dans son sillage, douze de ses collaborateurs ont choisi de l’imiter, faisant craindre le déclenchement d’une crise politique qui pourrait mener au report des élections municipales 2017.
Ibrahima Bayo Jr.
Chafik Sarsar a été nommé le 9 avril 2014 à la tête de la Commissions supérieure indépendante pour les élections.

Il indique ne pas vouloir trahir son serment «d'œuvrer à des élections libres et transparentes» en Tunisie. La démission surprise, ce mardi 9 mai, de Chafik Sarsar et d'une partie de son équipe a fait grand bruit en Tunisie. Le président de l'Instance supérieure indépendante électorale (ISIE), qui s'est dit acculé à la démission, évoque des «conflits internes» au sein de son instance.

Querelle de leadership autour des «valeurs et les principes»

Les conflits évoqués auraient eu un impact sur l'indépendance de cette commission créée en 2011, après la chute du régime Ben Ali et chargée d'organiser et superviser les élections, mais aussi d'accompagner le processus de transition démocratique après la «révolution du jasmin». Entre les lignes, le renouvellement d'une partie de cette commission en février dernier n'est pas étranger à ces «conflits internes touchant aux valeurs et principes de l'ISIE».

Des membres désignés par Nidaa Tounes (au pouvoir) et le parti islamiste Ennahda auraient déclenché une guerre larvée sur les compétences entre les directeurs administratifs et les membres du Conseil de l'Instance. La démission de Chafik Sarsar serait donc le résultat de cette guerre de position interne.

A sept mois des élections municipales prévues le 17 décembre 2017, Chafik Sarsar rend le tablier sans même répondre aux appels pour qu'il revienne sur sa décision. Sur le départ également, douze de ses collaborateurs qui ont choisi de suivre leur désormais ex-président. Une démission collective qui inquiète, d'autant plus que ce sont les membres de l'ISIE qui ont organisé la présidentielle et les législatives de 2014.

Vers un report des municipales de décembre

Hasard de calendrier ou message politique en direction du Palais de Carthage ? Le timing de cette démission en séries intervient à la veille d'un message du président tunisien Béji Caïd Essebsi. Il vient ajouter du suspens dans un ciel politique chargé, alors que les municipales devraient se tenir dans sept mois.

Pour autant, les élections municipales seront-elles impactées par ces démissions ? Sans quorum, difficile de voir comment cette instance à la réputation bien bâtie pourra prendre les mesures préparatoires aux municipales cruciales pour l'avenir de la démocratie dans le pays. L'option d'une nomination de remplaçants à l'équipe dissidente semble encore plus difficile à concrétiser. Le processus de nomination est soumis à une série de validations qui vient s'ajouter aux calculs politiciens pour compliquer la tâche. Il s'y ajoute la méfiance que pourrait provoquer l'option de membres choisis par des partis acquis au président Caïd Essebsi.

 L'incertitude demeure quant à la posture du pouvoir pour éviter la crise que pourrait provoquer cette démission collective. En tout cas, la solution de Béji Caïd Essebsi sera scrutée de très près. Beaucoup craignent qu'un voile opaque vienne envelopper la démocratie tunisienne en cours de (re)construction.

Ibrahima Bayo Jr.

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