Quelle intégration de la RSE dans le droit OHADA  ?

Au moment où la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) devient une responsabilité juridique, il convient de se poser la question des mutations normatives sur le continent africain et de leur compatibilité avec les règlementations européennes.
(Crédits : Affectio Mutandi)

La RSE est déjà bien présente en Afrique. En effet, les entreprises occidentales tout comme les patronats nationaux sont conscients de l'importance des enjeux de RSE et s'engagent en la matière. L'influence des bailleurs de fonds publics tels que la Banque mondiale, la SFI ou encore la BAD n'y est pas pour rien, d'autant plus que ces dernières ont été suivies par les investisseurs privés qui sont désormais particulièrement attentifs aux impacts ESG et enjeux RSE. Une intégration de la RSE à l'échelle du continent, de façon adaptée à ses réalités, semble alors nécessaire et l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) y réfléchit déjà. Se pose toutefois la question du mécanisme par lequel une telle intégration pourrait se faire. Plusieurs options se présentent dès lors.

Une extension du traité fondateur de l'OHADA intégrant la RSE

Signé le 17 octobre 1993, il est le traité ayant institué l'OHADA. Il établit les fondamentaux du fonctionnement de l'organisation et représente en quelque sorte sa constitution. Une modification de cet instrument implique ceci dit un processus lourd qui entrainerait de forts délais, d'autant plus rallongé par la nécessaire recherche d'un consensus entre les différents États membres qui ont tous une conception propre de la RSE.

Une intégration de la RSE dans plusieurs actes uniformes OHADA

Les actes uniformes sont des actes pris pour l'adoption de règles communes à tous les États-parties au traité fondateur. À ce jour, l'OHADA en a adopté dix. L'acte relatif au Système comptable OHADA (SYSCOHADA) prend déjà en compte les enjeux RSE puisqu'il impose, à travers la note 35, la fourniture d'une liste de 26 informations relatives aux enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux des entreprises. Ainsi, l'intégration de la RSE pourrait concerner 6 actes uniformes, dont les actes relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, aux contrats de transport des marchandises par route et le SYSCOHADA. L'intégration de la RSE de façon éparpillée n'est toutefois pas idéale. En effet, elle entrainerait le dispersement des dispositions RSE et implique une révision simultanée de ces actes, processus très long et qui pourrait, notamment, engendrer de nombreuses contradictions entre les textes.

Un acte uniforme sur la RSE

La RSE étant transversale, un acte uniforme apparait comme le meilleur mécanisme pour son intégration dans le droit de l'OHADA. L'impact d'un tel acte serait comparable à celui du Traité, sans ses inconvénients et la loi serait directement applicable dans les 17 pays membres. Le processus d'élaboration d'une telle loi prévoit que le Secrétaire permanent conduise son élaboration. Cela permettrait ainsi une certaine souplesse tout en gardant un caractère très inclusif puisque les gouvernements conservent la possibilité d'amender et de consolider l'acte.

Une charte RSE

L'OHADA pourrait également développer une charte RSE reposant sur un engagement volontaire des entreprises qui pourrait toutefois être auditable et labellisable. En complément, les pays pourraient alors, sur la base de cette charte, mettre en place des dispositifs incitatifs tels que des mécanismes de défiscalisation.

Tandis qu'il est ainsi essentiel d'intégrer la RSE dans le droit de l'OHADA, quatre gestes forts peuvent, dès à présent, être mis en place afin d'encourager l'assimilation de la RSE sur le continent :

  • La modification de l'acte SYSCOHADA avec un renforcement des exigences et notamment une obligation de publication des notes 35 des entreprises à travers un observatoire OHADA RSE.
  • La reconnaissance et mise en valeur des impacts positifs des entreprises sur le continent à travers notamment la mesure de ces derniers.
  • L'encouragement des acteurs opérant sur le continent en saluant leurs engagements et accomplissements à travers le développement de trophées RSE ou encore de mesures incitatives de type fiscales ou de facilitation de l'accès aux marchés publics.
  • Des incitations pour les grandes entreprises à encourager leurs fournisseurs et les PMEs du territoire à adopter des principes et engagements de RSE, les former à ces enjeux, mais également les inviter à adhérer au Global Compact qui implique une obligation de « communication on progress ».

Alors que les règlementations imposant une prise en compte des enjeux RSE sur l'ensemble des chaînes de valeur se multiplient, avec notamment l'adoption prochaine d'une directive européenne relative au devoir de vigilance, il apparait essentiel pour l'Afrique d'intégrer ces notions dans son cadre réglementaire dès l'accélération de son industrialisation et de ses relations commerciales. Bien que le continent, notamment l'OHADA, soit déjà bien engagé sur ce chemin, de nombreuses initiatives peuvent encore être mises en œuvre pour valoriser et intégrer toujours plus ces enjeux.

(*) Président d'Affectio Mutandi et de la Commission RSE&ODD du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN)

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