La France doit régler la crise à Mayotte [ Tribune ]

Il y a un an, pendant la campagne électorale qui l'a conduit à l'Elysée, le candidat Emmanuel Macron était allé à Mayotte pour s'engager vis-à-vis des habitants de l'île, les Mahorais, à leur donner «les moyens de réussir à la fois dans la République et dans l'Océan Indien». C'était une promesse difficile à réaliser.
(Crédits : Reuters)

Depuis plus d'un mois, l'île de l'archipel des Comores, qui a choisi à plusieurs reprises, lors de référendums successifs, de rester française, traverse une crise très grave. Le territoire est paralysé et réclame davantage de moyens pour lutter contre une insécurité croissante liée à une immigration clandestine massive venue des îles voisine.

La pression migratoire est telle que quarante à quarante-cinq pour cent de la population est constituée d'étrangers en situation illégale. Il s'agit, en fait, de Comoriens attirés par le différentiel de richesse entre Mayotte et les autres îles qui ont accédé à l'indépendance en 1975 et dont le PIB par habitant reste huit à neuf fois moindre que celui des Mahorais qui bénéficient, eux, des avantages dus à leur citoyenneté française.

La situation ne cesse de se dégrader avec l'arrivée quotidienne de petites embarcations de pêcheurs, appelées kwassa-kwassa, qui parcourent les 70 kilomètres entre Anjouan et Mayotte chargées de Comoriens. Lorsque ces clandestins sont refoulés, les autorités des Comores qui revendiquent la souveraineté sur Mayotte refusent de les prendre en charge et les renvoient d'où ils viennent, encourageant le flux migratoire à s'amplifier. Comme l'avait souligné Emmanuel Macron pendant la campagne électorale, ce statu quo n'est pas tenable.

Il l'est d'autant moins que sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les autorités françaises ont accordé à Mayotte un statut de département assurant à l'île la continuité territoriale et juridique avec les autres départements de la république. On comprend que la population locale ait pu être considérée comme un réservoir de voix pour des élections présidentielles, mais on se demande comment un tel arrangement peut convenir à un territoire aussi éloigné des autres par sa culture, son histoire et son niveau de développement. Cette départementalisation hâtive ne peut se substituer à une réelle politique de développement et d'intégration dans l'environnement régional.

En visite récemment dans l'île pour tenter de résoudre la crise, la ministre des Outre-Mer Annick Girardin a pu prendre la mesure des difficultés. Elle a pu constater combien le système scolaire et les hôpitaux étaient surchargés malgré des investissements importants. Parmi ses propositions, l'une est significative et juridiquement osée. Elle suggère que la principale maternité de Mayotte, la plus grande de France, qui assure près de dix mille naissances par an, soit dotée d'un statut d'extraterritorialité pour éviter que le droit du sol ne s'y applique et que les enfants de clandestins ne soient automatiquement déclarés Français. Ainsi, espère-t-elle sans doute, le pouvoir d'attraction de Mayotte sur les candidats à l'immigration clandestine sera moindre.

Un laboratoire de la crise migratoire

La crise n'a pas que des répercussions dans l'île. Nombre de Mahorais sont incités par la déstabilisation de leur environnement immédiat à chercher fortune ailleurs. Beaucoup se rendent dans l'île de La Réunion, autre territoire français de l'Océan Indien qui, à son tour, se trouve confronté à une surpopulation que l'économie locale ne parvient pas à absorber.

Mayotte est un territoire lointain et de taille modeste. Mais c'est plus que cela. C'est, en miniature, un laboratoire de la crise migratoire qui se noue entre l'Afrique et l'Europe,à bien plus grande échelle.

Sans un accord avec les Comores, qui doit être profitable aux deux parties, on ne voit pas comment l'avenir de Mayotte peut être assuré dans le cadre de la République française. Un tel accord est d'autant plus indispensable que l'intégration à la France du territoire est contestée non seulement par les Comores, mais aussi par l'Union africaine et ne tient devant les Nations Unies que par le recours de Paris à son veto au Conseil de sécurité. La France peut revoir le statut accordé à l'île ; elle peut même envisager de se passer de sa présence à Mayotte ; par négligence, naïveté ou ignorance, elle ne peut se permettre de laisser se développer une crise durable sur les flancs de l'Afrique australe.

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