La menace est à peine voilée derrière le langage diplomatique choisi avec soin. A l'ouverture d'un huis-clos des chefs d'Etat ce jeudi 20 octobre, les chefs d'Etat et de gouvernement des 28 pays membres devraient exiger des pays africains "des résultats mesurables en ce qui concerne la prévention de l'immigration illégale et le retour des migrants en situation irrégulière", selon un projet de déclaration révélé par l'agence britannique Reuters.
Aide conditionnée pour l'Afrique
Pour le conseil européen, organe exécutif de l'organisation régionale, l'objectif d'avoir le contrôle sur les flux de migrants outre-méditerranée est une nécessité même s'il faut "créer et de mettre en œuvre les incitations nécessaires, en ayant recours à toutes les politiques et instruments européens pertinents, y compris le développement et le commerce".
Traduit en termes plus directs, cette langue de bois signifie deux choses pour les pays africains. D'un côté, elle oblige les pays africains à collaborer avec l'UE pour identifier les migrants présents sur le sol européen afin que ceux-ci puissent être rapatriés. De l'autre, l'UE indique clairement que les pays qui se risqueront à ne pas collaborer, verront l'enveloppe de leur aide considérablement réduite mais le volume de leurs échanges avec l'UE constamment rabaissé.
La menace, à peine voilée, est à l'origine une proposition de l'Italie à destination de cinq pays africains notamment le Nigeria, le Niger, le Sénégal, l'Ethiopie et le Mali. Mais cette injonction de l'Union européenne devrait être élargie aux autres pays d'Afrique d'où sont issus les migrants qui affluent sur les côtes européennes.
Deux poids, deux mesures
De façon concrète, l'Union européenne compte signer, officiellement ou officieusement, des accords avec les pays africains. Ceux-ci pourraient prévoir de conditionner l'aide européenne au degré de collaboration du pays sur la question migratoire. Il s'agit aussi de faire venir des responsables africains qui participeraient à l'identification des migrants pour pouvoir les renvoyer dans leurs pays d'origine s'il était établi que leur vie n'est pas en danger dans le pays de leur provenance. A noter que cette nouvelle approche européenne (si elle est suivie) est déjà appliquée avec l'Afghanistan où l'aide politique et financière évolue avec la courbe de ses ressortissants refoulés qu'il accepte de recevoir sur son sol.
Cette nouvelle approche constitue cependant un système de deux poids, deux mesures. Avec la Turquie par exemple, c'est seulement la carotte qui est maniée avec tact par l'Union européenne. Cette dernière a conclu en mars dernier, un accord qui prévoit à terme, l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne et l'exemption de visa pour les Turcs qui souhaitent se rendre en Europe. La seule condition à cet accord est qu'Ankara accepte de bloquer le départ de migrants de son sol vers les îles grecques, véritables portes d'entrée pour les candidats à l'immigration.
Reste à savoir la réaction des pays africains à la nouvelle injonction européenne. Vont-ils utiliser les flux migratoires pour tirer un meilleur parti de cet accord. Se plieront-ils à l'exigence européenne sans protestation ? Réponse à la clôture de la réunion des chefs d'Etat européens.
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