Offensive diplomatique : le Qatar en quête d’alliés africains

Signe de l’importance de ce déplacement, c’est l’émir du Qatar en personne qui conduit cette mini-tournée ouest-africaine. Après une visite de 48 heures où il a rencontré le Sénégalais Macky Sall, le Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani doit rencontrer Ibrahim Boubacar Keïta au Mali, Alpha Condé en Guinée, Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire, Roch Marc Kaboré au Burkina Faso et Nana Akufo-Addo au Ghana. Face à son isolement par les pays arabes, le Qatar a décidé de regarder en direction de l’Afrique.
Ibrahima Bayo Jr.
L'émir du Qatari Sheikh Tamim bin Hamad al-Thani, lors de son arrivée à l'aéroport de Bole à Addis Abeba pour une visite officielle en Ethiopie, le 10 avril 2017.

Après une visite de 48 heures à Dakar, la capitale sénégalaise où il est arrivé mercredi 20 décembre au soir, le Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani est reparti avec deux protocoles d'entente sur la jeunesse et les sports et un accord sur la coopération culturelle entre Dakar et Doha.

Desserrer l'étau diplomatique avec des alliances africaines

La moisson n'est pas indigente pour l'émirat dans le premier pays d'Afrique avec lequel le Qatar a eu des relations diplomatiques. D'autant plus que le Sénégal est acquis à la cause de l'Arabie-Saoudite aux côtés de laquelle les soldats sénégalais sont engagés contre le Yémen, mais aussi dans la coalition anti-Qatar. Le tête-à-tête au Palais de la République entre le Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani et Macky Sall, le chef de l'Etat sénégalais, a donc dû  avoir le goût d'une demie-victoire diplomatique.

Depuis la crise du Golfe il y a six mois, le Qatar est isolé diplomatiquement par la coalition par ses voisins des pétromonarchies arabes auxquels se sont joints plusieurs, notamment africains comme l'Egypte, le Sénégal, la Mauritanie, le Niger, le Tchad ou encore le Gabon, sur pression de Riyad, allant jusqu'au chantage sur les quotas de pèlerins pour le «hajj». Pour desserrer l'étau de sa mise au ban, le Qatar semble se lancer dans une course aux alliés sur le Continent.

Dans une tournée inédite, c'est donc l'émir al-Thani en personne qui effectue entre le 20 et le 24 décembre ce tour ouest-africain dans six pays de la sous-région où l'émirat va signer des accords dans les domaines de l'éducation, des mines, de l'énergie, de la sécurité alimentaire ou encore de la santé. Du «soft-power» pour engranger des soutiens africains, infléchir leur position ou les pousser à adopter une posture de neutralité.

Après l'étape dakaroise, le chef d'Etat qatari va se rendre au Mali chez Ibrahim Boubacar Keïta, puis en Guinée chez Alpha Condé qui s'est fendu d'une lettre au roi d'Arabie-Saoudite dès le début de la crise du Golfe pour se poser en médiateur entre le royaume wahhabite et l'émirat «rebelle».

Et si la solution à la crise du Golfe se trouvait en Afrique ?

Au Burkina Faso, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani pourra compter sur un allié sûr. Le président Roch-Marc Christian Kaboré, qui va le recevoir à Ouagadougou, s'est rendu en mai dernier au Qatar pour séduire des investisseurs pour le financement du Plan national de développement économique et social (PNDES) porté par le président du Faso. Au vu de la délégation accompagnant l'émir, des confirmations pourraient se dégager.

Au Ghana où il aura un tête-à-tête avec Nana Akufo-Addo et en Côte d'Ivoire chez Alassane Ouattara, l'émirat espère compter sur deux puissances diplomatiques et économiques. Il n'est pas exclu que le Qatar compte sur leur potentiel agricole pour sécuriser son approvisionnement en matières premières pour l'agroalimentaire, les étagères des supermarchés qatariens étant déserts depuis l'arrêt de la livraison par les voisins de produits de base.

En coin, en se montrant aux côtés de chefs d'Etat engagés contre l'extrémisme, l'offensive diplomatique de l'émir du Qatar est sans doute destinée à rejeter les accusations de financement du terrorisme. C'est donc avant tout un polissage de l'image du Qatar au niveau international. Dans une  partie de l'Afrique se trouve peut-être la solution pour amorcer le début du dénouement de la crise du Golfe.

Ibrahima Bayo Jr.

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