Mix énergétique : le filon du renouvelable

L'Afrique reste le continent le plus touché par le déficit énergétique, alors que ses sous-sols regorgent d'énergies fossiles et que son potentiel en énergies renouvelables est pratiquement sans limites. Le solaire, l'éolien, le géothermique ou encore la biomasse pourraient subvenir aux besoins énergétiques du continent, alors que la demande en énergie devrait croître graduellement de 8,9% par an, jusqu'en 2040.
Amine Ater

L'approvisionnement en énergie reste l'un des chantiers prioritaires d'Afrique, un continent riche en ressources énergétiques, mais qui abrite plus de 500 millions de personnes n'ayant aucun accès à l'électricité. En effet, le continent enregistre le niveau de consommation d'énergie par habitant le plus bas au monde (3,3% de l'énergie primaire mondiale), alors que l'Afrique abrite 16 % de la population mondiale.

Parallèlement à la déficience en approvisionnement électrique, l'Afrique connaît une hausse démographique non négligeable et un effort sur la croissance qui devrait mettre encore plus de pression sur le secteur énergétique. Un secteur dont le mix reste largement dépendant du pétrole avec 42 % de sa consommation totale en énergie, suivi du gaz naturel (28 %), du charbon (22 %), et de l'hydroélectricité (6 %), alors que les énergies renouvelables (EnR) et le nucléaire ne représentent respectivement que 1 % de ce mix énergétique.

Des sources d'énergie «illimitées»

L'Afrique est connue pour sa dépendance aux énergies fossiles qui contraste avec le potentiel que recèle le continent en termes d'énergies renouvelables, et surtout des sources d'énergies «propres» assez diversifiées et en grandes quantités, selon l'Atlas de la production en énergie africaine (réalisé conjointement par l'UNEP et la BAD). Pour preuve, le potentiel solaire quasi illimité du continent (10 TW), auquel s'ajoutent des sources hydroélectriques importantes (350 GW), l'éolien (110 GW) et le géothermique (15 GW). Des ressources renouvelables encore peu exploitées à ce jour.

Il n'empêche que le continent reste l'un des plus grands consommateurs d'énergies renouvelables, avec une part de près de 70 % en Afrique subsaharienne. Cette forte pénétration relève plus de l'usage traditionnel de la biomasse, tant par les industriels que les ménages, que d'une intégration des technologies renouvelables dans les réseaux de distribution existants. En témoignent le décalage entre croissance démographique et l'accès aux sources d'énergies (hors fuel): là où la population a augmenté de 48 millions de personnes, seuls 9 millions ont accès à l'électricité.

En plus de pâtir d'un accès réduit à l'énergie, les tranches les plus pauvres déboursent jusqu'à 20 fois plus pour la même consommation en électricité que les autres tranches sociales raccordées au réseau. Selon l' «Atlas de l'énergie», l'Afrique ne pourrait atteindre, au regard de la conjoncture actuelle, une électrification totale qu'en 2080. Si l'on se fie aux mêmes estimations, un accès universel à l'électricité en Afrique nécessiterait entre 43 et 55 milliards de dollars d'investissements par an jusqu'en 2040, alors que l'investissement actuel dans le secteur se situe entre 8 et 9,2 milliards de dollars.

Des investissements qui pourraient être dirigés vers la production hydroélectrique dont 93 % des capacités restent inexploités. En théorie, le potentiel continental en énergies renouvelables serait de 470 PWh pour le solaire, 660 PWh pour le photovoltaïque et 460 PWh pour l'éolien.

Biomasse, la technique ancestrale

De l'ensemble des énergies alternatives dont regorge le continent, la biomasse reste la plus utilisée. Cette source d'énergie représente 30 % de la consommation continentale et atteint les 80 % dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne. La biomasse compte plusieurs dérivés, comme le biofuel, un combustible qui permet de générer de l'énergie et de produire des combustibles liquides, comme le bioéthanol et le biodiesel. Des carburants alternatifs à base de canne à sucre, sorgho, cassave, coton, noix de coco, huile de palme, etc. Ces combustibles ne représentent qu'une part minime dans le mix énergétique africain, avec une production de 318 935 ktoe (kilo tonne d'équivalents pétrole) en 2013. Un carburant utilisé par le Malawi dès le début des années 1980 comme substitut au pétrole.

Le développement de la filière du biofuel a longtemps été freiné par l'absence de politique en la matière. Une situation qui a changé suite à la hausse des prix du pétrole et qui a encouragé plusieurs pays à développer ce segment et à attirer des investisseurs visant à stimuler l'importation de biofuel depuis l'Afrique. Un intérêt qui a poussé des pays comme le Mali, le Nigéria, le Sénégal, la Tanzanie, l'Ethiopie, l'Angola, le Mozambique et l'Afrique du Sud à mettre en place une réglementation dédiée au biofuel en 2011. Le même choix sera adopté par 14 autres pays, dont la Côte d'Ivoire, le Sénégal ou encore le Kenya en 2013. Cet intérêt pour cette source d'énergie s'explique par le potentiel de production du biofuel, estimé à 70,8 tonnes par hectares en 2013 par le cabinet Johnson & Seebaluck. Toutefois, cette estimation qui sera vite dépassée sur le terrain, dans des pays comme la Tanzanie, le Malawi, l'Ethiopie ou encore la Zambie où les niveaux de production ont enregistré des hausses entre 5 % et 79 %. L'Ethiopie compte par exemple sur une production moyenne qui dépasse de 59 % la production brésilienne qui affiche 80 tonnes par hectares. En 2012, le continent a enregistré une production de 125 millions de litres de bioéthanol. Le segment est aujourd'hui tributaire d'une montée en régime de la production de la canne à sucre qui a atteint 10,6 tonnes métriques pour une consommation de sucre de 10,1 tonnes métriques.

L'hydraulique, un segment mal exploité

L'hydraulique est l'une des plus importantes sources d'énergies renouvelables que compte le continent, avec une capacité de production estimée à 1,5 million de GWh par an, soit 12 % de la capacité de production mondiale. A ce jour, seuls 8 % de cette source d'énergie propre sont exploités avec 4 grands hubs hydroélectriques au niveau de l'Afrique subsaharienne : la zone Ouest avec les fleuves Niger et Sénégal ; l'Afrique centrale compte sur la rivière Congo ; l'Est africain avec le bassin du Nil et la zone australe avec les lacs Orange, Limpopo et Zambezi. Cette dernière région reste la mieux lotie avec 37 % des ressources hydrauliques du continent.  Sauf que cette richesse hydraulique reste loin d'être exploitée à sa juste mesure. Vers la fin 2014, le continent ne disposait que de 28 GW de production d'énergies hydrauliques installées, alors que la capacité réelle africaine est estimée à 283 GW qui permettraient de générer près de 1 200 TWh par an. Selon l'Atlas de l'énergie, une exploitation complète des ressources hydrauliques permettrait de produire jusqu'à trois fois le taux de consommation actuelle en électricité de l'Afrique subsaharienne. Pour l'heure moins de 10 % du potentiel technique de ce mode de production en énergie n'ont été exploités. Ce qui fait de l'hydroélectricité l'une des plus importantes sources en énergies renouvelables dans le processus de génération d'électricité déployé en Afrique. En témoigne, le site d'Inga sur la rivière Congo qui disposerait d'un potentiel de production électrique estimé entre 39 000 et 44 000 MW, soit trois fois la puissance générée par le barrage des Trois gorges en Chine, qui fait partie des plus importants barrages au niveau mondial. L'Afrique comptait par ailleurs en 2011, pas moins de 588 «petites» unités hydrauliques avec une capacité de génération électrique moyenne de 2,5 MW. Des centrales qui, malgré leur taille réduite, ont un effet positif avéré sur l'électrification rurale, l'inclusion sociale et le développement des zones qu'elles fournissent en électricité.

Le filon du géothermique

L'énergie géothermique est tirée de la chaleur contenue dans la terre, puis récupérée sous forme de vapeur et d'eau. Cette source d'énergie est très présente en Afrique de l'Est, une région située au-dessus de l'une des principales structures tectoniques de la planète où le flux en énergie thermique remonte de l'intérieur de la terre sous forme d'éruptions volcaniques et de tremblements de terre. Cette zone est connue sous le nom de Système de rift de l'Afrique de l'Est (EARS). Elle s'étend sur 6 500 km, traversant des pays comme le Mozambique, l'Erythrée, Djibouti, l'Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, l'Ouganda, en passant la RDC, la Zambie ou encore le Malawi. Le potentiel énergétique de l'EARS est estimé à plus de 20 000 MW.

Cette énergie est exploitée pour la génération d'électricité au Kenya avec une capacité installée de 674 MW, répartis entre 5 centrales à travers le pays, alors que l'Ethiopie dispose d'une centrale géothermique pilote avec une production de 7,3 MW. En 2016, la production annuelle des sources géothermiques s'est établie à 5 669 GWh, dont 5 609 provenant du Kenya.

En plus de l'EARS, six autres pays africains ont la possibilité d'utiliser directement des ressources géothermiques: l'Algérie, l'Egypte, l'Afrique du Sud, le Maroc, la Tunisie ou encore le Kenya et l'Ethiopie (ces 2 derniers pays disposants de sources autres que l'EARS). Ces six pays disposeraient d'une capacité de production de 683 GWh, destinée principalement à l'agriculture et au tourisme. Ce type d'énergie pourrait être mutualisé par les différents pays d'Afrique de l'Est, notamment Djibouti, l'Erythrée, l'Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie et l'Ouganda qui espèrent attendre 100 MW de production électrique d'ici 2020, en mettant en place des centrales électriques régionales.

L'éolien, une technologie capricieuse

L'éolien fait partie des sources d'énergies renouvelables ayant connu le plus de croissance. Un succès qui s'explique par la capacité de production annuelle d'une seule turbine, estimée entre 1,5 et 4 millions de kWh de courant électrique par an. Une capacité de production qui peut dépasser cette estimation si la turbine est placée dans une zone en hauteur où la puissance du vent ne rencontre aucun obstacle.

Le potentiel de l'éolien en Afrique ne peut se comparer à celui du solaire. Les zones côtières et montagneuses dans le sud et le nord du continent restent les zones où l'éolien a le plus de potentiel. Une limitation géographique qui s'explique par la vitesse minimum du vent qui doit être de sept mètres par seconde (m/s) pour que la turbine de l'éolienne puisse fonctionner de manière efficace. Cette vitesse minimum n'est enregistrée qu'au Maroc et en Egypte, avec quelques zones en Tunisie, en Afrique du Sud et en Tanzanie. La capacité de production de l'éolien au niveau africain est estimée à 8 500 MW à l'horizon 2020, sachant qu'en 2015, le continent comptait sur une capacité installée de 1 GW, tiré notamment de l'Algérie (10 MW), de l'Egypte (60 MW), du Maroc (300 MW) et de l'Afrique du Sud qui a réussi l'exploit de faire passer sa production de 10 à 570 MW en une seule année. Des champs d'éoliennes sont également en chantier au Kenya, au Ghana, au Sénégal et en Tanzanie.

Le solaire séduit

L'énergie solaire est le générateur d'électricité «verte» qui a le plus de chances de réduire le gap en énergie qui ralentit le continent. Une unanimité sur le potentiel du solaire qui s'explique par la répartition uniforme du «rayonnement» sur la surface du continent, où 80 % des terres africaines reçoivent l'équivalent de 2 000 kWh par mètre carré/an. D'ailleurs, pour le Département américain des énergies renouvelables, le potentiel solaire africain équivaut à 90-100 millions de tonnes de pétrole par an. Les radiations solaires en Afrique de l'Ouest varient entre 3-4 kWh/m2/jour à Cotonou (Bénin) et 6,2 kWh à Agadez (Niger). En Afrique du Nord, le sud algérien enregistre un niveau de radiation solaire moyen équivalent à 6,1 kWh/m2/jour, alors qu'en Afrique australe, cette moyenne passe à 5-6 kWh/m2/jour.

Le continent compte actuellement quelque 17 centrales CSP (concentrating solar power) qui génèrent un courant dont la puissance varie de 7 TWh/an en Erythrée à 40 500 TWh/an. Côté photovoltaïque, le potentiel électrique varie entre 33 TWh/an en Gambie à 8 700 TWh/an au Soudan, en Algérie et en RDC. Cette dernière technique comptait sur une capacité installée de 1 334 MW en 2014, un segment où l'Afrique du Sud avance très rapidement, comme le témoigne les 780 MW tirés du photovoltaïque entre 2013 et 2014.

Le Maroc et le Kenya font également partie des pays ayant fortement misé sur le duo CSP et photovoltaïque dans leur mix énergétique. Entre Rabat, Nairobi, Alger et Prétoria, la capacité installée en énergie solaire était de 180 MW en 2015 et les projets en cours devront permettre à ces pays d'atteindre une capacité installée de 6,4 GW. N

La houlomotrice, prochaincréneau de l'énergie verte ?

L'Océan devrait bientôt devenir une source d'énergie aussi importante que le solaire ou l'éolien. La puissance des vagues représente un énorme potentiel en termes de génération d'électricité, sachant que les vagues concentrent une densité en énergie estimée entre 30 et 40 Kw par mètre. Ce qui représente une grande opportunité pour l'Afrique qui est bordée par l'Océan indien à l'Est et l'Atlantique à l'Ouest. Une position qui permettrait au continent de répondre à l'ensemble de ses besoins en énergie, simplement en disposant de turbines sous-marines sur les 2 000 km de côtes entre le Maroc et le Sénégal.

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