« Repatriation » en Afrique de l'Ouest : un retour qui se prépare

[OPINION] De Dakar à Abidjan, de Lomé à Cotonou, en passant même par Yamoussoukro ou de nombreuses autres villes de la sous-région, les « repats » sont légion ! En famille forts de belles années d'expériences professionnelles, seul armé d'un diplôme universitaire européen ou canadien fraichement obtenu, en couple avec la volonté d'investir dans toutes sortes de domaines, les Ouest-africains, partis ou même souvent nés en Europe, sont un nombre croissant à tenter l'aventure sur leur continent d'origine. Une aventure qui n'a pas volé son nom : si les perspectives sont alléchantes, il s'agit, comme l'expliquent des spécialistes du recrutement, de bien préparer son retour.
(Crédits : Reuters)

Depuis une décennie maintenant, parmi les pays ouest-africains présentant une économie en pleine croissance, la Côte d'Ivoire et le Sénégal attirent investisseurs et entreprises en nombre... La sous-région abonde d'opportunités pour les talents internationaux, plus particulièrement les cadres supérieurs, dans des secteurs comme l'industrie, la finance, l'IT et le digital. Nombreux sont les profils à déjà en avoir profité ! Découvrons les parcours significatifs de « repats » ayant posé leurs valises en Côte d'Ivoire.

De parfaits exemples

Paul-Harry Aithnard est directeur général d'Ecobank Côte d'Ivoire - directeur régional exécutif de la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine). Son curriculum vitae illustre parfaitement un retour au pays réussi. Titulaire d'une maîtrise en histoire de l'Université Sorbonne Paris VI, d'un diplôme de troisième cycle en Administration des affaires et d'un master en finance de la prestigieuse école HEC Montréal, Paul-Harry débute son parcours dans la finance en 1998, chez BNP Paribas Securities au Canada au poste d'Analyste.

En 2000, il intègre le groupe BBSP en qualité de responsable Equity, avant de devenir sept ans après directeur des Matières premières. En 2008, Paul-Harry revient en Afrique et fait son entrée au groupe Ecobank en qualité de directeur de la Recherche. Il y occupe ses fonctions actuelles depuis 2018... Une belle ascension et surtout un atterrissage sur les terres qui l'ont vu naître dans de parfaites conditions.

Djienaba Fall occupe, quant à elle, la fonction de Chief of Staff People Operations chez Wave Mobile Money Group. D'origine sénégalaise, malienne et mauritanienne, Djienaba est diplômée d'un master en Gestion et management à l'IFAG de Toulouse et a ensuite pratiquement fait toute sa carrière en Afrique. Armée d'un diplôme assez généraliste, elle a mis ses compétences au service de différents domaines (commercial, projets, ressources humaines...) dans de nombreux pays : France, Maroc, Côte d'Ivoire, Sénégal, Bénin, Togo, Mali, Burkina Faso et Ouganda...

Des choix que Djieneba ne regrette absolument pas : « La qualité de vie que l'on a en Afrique et le fait de vouloir contribuer au développement du continent ont été les raisons de mon retour. J'ai cru très vite que travailler en Afrique, après des études et une expérience en Europe, pouvait constituer une opportunité de carrière... Une autre réelle motivation a été le fait que le coût de la vie est plus abordable dans les pays africains qu'en Europe ou aux Amériques, ce qui permet de bénéficier d'un cadre de vie plus confortable et d'avantages qui ne sont pas toujours accessibles ailleurs ».

Pas d'emballements

Si Paul-Harry et Djieneba représentent des exemples inspirants pour des candidats au retour en Afrique, Youssouf Camara tient à rappeler que « si l'on a l'impression que de plus en plus d'Africains retournent ou veulent retourner dans leur pays d'origine, cette tendance n'est en réalité pas si forte... ».

Le directeur de la Maison de l'Afrique précise tout de même que « c 'est vraiment le bon moment pour lancer des projets et se lancer dans une telle aventure dans des pays comme le Sénégal ou la Côte d'Ivoire... Tous les feux sont au vert ! ».

Youssouf Camara, à travers les activités et les projets menés par la structure qu'il dirige, connaît particulièrement bien la question des repats et, pour lui, un point commun les unit : « La volonté de trouver sa place ».

Toutes et tous ont, en effet, le sentiment qu'aujourd'hui, ils peuvent jouer un rôle dans la création de richesse en Afrique. « Nous avons donc affaire à des populations d'entrepreneurs. Alors le premier conseil que j'ai envie de leur donner, c'est de prendre le temps de connaître le pays visé. On ne décide pas de rentrer au Sénégal ou en Côte d'Ivoire parce qu'on est originaire de Dakar ou d'Abidjan. La Côte d'Ivoire, qu'on s'est vu conter par son père ou sa mère, il faut l'analyser sous le prisme de ce qu'on va y faire. Il faut connaître l'environnement dans lequel on désire s'installer. Mon deuxième conseil : ne pas se laisser guider uniquement par le côté émotionnel d'un tel retour ».

Djienaba Fall prévient également : « Il est utile de se poser beaucoup de questions avant de se lancer. Je pense qu'en fonction de ses ambitions, la première est de savoir quelles sont la stratégie, la mission et la vision de la société... Quels problèmes essaient-ils de résoudre ? Il faut également savoir si le rôle que j'accepterai est en lien avec mes valeurs personnelles : comment l'entreprise traite-t-elle ses employés ? Aujourd'hui, grâce à des outils comme Glassdoor, Linkedin ou Twitter, nous pouvons connaître les retours d'appréciation des employés de la plupart des entreprises sur les marchés ivoiriens et sénégalais. Enfin, j'essaie de comprendre ce que ce nouveau rôle peut m'apporter d'un point de vue professionnel, ainsi que son impact sur ma vie personnelle. C'est une relation gagnant - gagnant et l'intérêt doit être mutuel...

« Mon conseil est de bien négocier son offre initiale et d'accepter qu'il y ait des compromis à faire. Les entreprises offrent de moins en moins de contrats d'expatriés avec des avantages tels que les frais de logement ou la prise en charge de la scolarité des enfants. Les postes sont maintenant locaux, et correspondent à un salaire net et des avantages classiques qui diffèrent d'une entreprise à l'autre. Il convient donc de bien se renseigner sur le coût de la vie dans ces pays, et de négocier son offre en fonction de ses futures charges et besoins », ajoute-t-il.

Au sein du continent

Paul-Harry Aithnard insiste, quant à lui, sur le fait qu'un retour sur le continent africain est une belle première étape... Avant de se lancer dans une mobilité au sein de ce dernier : « Le sujet de la mobilité africaine est plus récent. C'est devenu un véritable mot d'ordre dans la manière de gérer la banque : on essaie, en effet, de privilégier le partage d'expérience en envoyant, par exemple, des banquiers qui ont travaillé en Afrique de l'Ouest vers l'Afrique australe ou centrale. Ces partages de connaissances se font sur des métiers nouveaux, comme les nouvelles technologies. La mobilité est devenue réellement essentielle pour nous ».

Mais attention, pour Youssouf Camara, la démarche n'est pas toujours simple : les retours dérangent parfois, « parce qu'ils remettent en question les us et coutumes, le fonctionnement de la société... Et ça peut faire peur ! Ce n'est alors pas toujours évident de trouver sa place ».

En revanche, à partir du moment où cette place est trouvée, de nouvelles expertises et compétences s'invitent, et permettent d'avancer et de faire progresser son environnement : « Les expériences au sein d'économies développées, les notions fondamentales et basiques qu'elles apportent, comme la ponctualité, l'obligation de rendre des comptes, de dire ce qu'on fait, de demander des moyens, de s'engager... Les candidats au retour au pays apportent très souvent ces notions dans leurs bagages et ça ne peut que faire du bien à l'Afrique ! ».

(*) Managing Partner de Grey Search Africa.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.