Congo : le renouveau économique passe par le partenariat public-privé

La République du Congo avance sur une ligne de crête : elle doit tenir compte des attentes de sa population, éprouvée par l'austérité et renchérissement du coût de la vie, relancer l'investissement pour combler le gap des infrastructures et diversifier son économie, tout en préservant les équilibres budgétaires. La loi du 30 décembre 2022 sur les partenariats publics-privés (PPP) peut apporter une solution à cette équation en apparence impossible.
Pierre Masquart, Charles-Stéphane Marchiani  (*) etLionel Kalinka Menga.
Pierre Masquart, Charles-Stéphane Marchiani (*) etLionel Kalinka Menga. (Crédits : LTA)

Pendant de longues années, le Congo a financé ses infrastructures sur fonds propres, via la commande publique. Cette politique présentait plusieurs inconvénients : une charge pour les finances publiques, matérialisée par une hausse de l'endettement, des délais de réalisation trop aléatoires, car indexés sur l'évolution des cours des hydrocarbures, et des projets parfois mal calibrés et difficiles à rentabiliser. L'expérience a montré que l'État ne dispose pas du même savoir-faire que le privé en matière d'exploitation et d'amortissement.

La loi du 30 décembre 2022 sur les partenariats publics-privés (PPP) a pour objectif d'insuffler un nouveau dynamisme de l'investissement au Congo, et de permettre la signature de nouveaux PPP. Des partenariats qui auront vocation à financer des infrastructures du PND, le Plan national de développement 2022-2026. L'enjeu est de taille : le plan quinquennal prévoit de lever 8000 milliards de francs FCFA, au profit de six secteurs de développement prioritaires : l'agriculture, le développement industriel, les zones économiques spéciales, le tourisme, l'économie numérique et la promotion immobilière.

Les PPP, un virage stratégique

Voulu par la Présidence de la République congolaise et par le Gouvernement, le virage stratégique des PPP a été orchestré par le nouveau ministre de la Coopération internationale et de la promotion du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou Nguesso. La loi du 30 décembre 2022, novatrice, traduit un vrai changement de cap. L'État va recentrer ses financements sur l'essentiel - le régalien, les missions de service public, l'extension de la protection sociale, l'éducation. Il va encourager le privé et les investisseurs internationaux à prendre le relais, en leur offrant un cadre juridique moderne et attractif.

Les premiers contrats de PPP ont été signés en 2011, mais le besoin d'institutionnaliser, de pérenniser et de sécuriser le recours à ce type de contrats se faisait de plus en prégnant. La loi pose le cadre dans lequel un PPP est signé entre un organisme public et une entreprise privée avec pour objectif de permettre une répartition des ressources, des risques, des responsabilités et des avantages entre les deux parties. Il s'agira le plus souvent de contrats de construction, de maintenance et d'exploitation d'équipements publics (routes, hôpitaux, centrales, aéroports, chemins de fer, etc.) d'une durée de 20 à 30 ans. Le législateur congolais a su tirer profit des expériences étrangères et notamment française. Il est acté dans la loi que le contrat de PPP pourra confier au prestataire privé l'exploitation d'un service public.

La loi distingue entre les PPP à « paiement par les usagers » (la rémunération du partenaire privé provient de l'exploitation de l'ouvrage ou du service public), et les PPP à « paiement public » (la rémunération provient de versements de l'entité publique). La trame sous-jacente de ces contrats de PPP restera unique : un financement de l'infrastructure lissé dans le temps, une rémunération du cocontractant lié à la satisfaction d'objectifs de performance fixés dans le contrat. La loi laisse une grande liberté aux parties pour organiser leurs relations. Elle prévoit quatre types de procédure de passation : l'appel d'offres, le dialogue compétitif, l'offre spontanée à l'initiative d'un partenaire privé et l'entente directe qui permet à la personne publique d'engager directement les discussions avec un candidat pré-identifié à l'avance et attribuer ensuite le contrat. Le choix de la procédure retenue relèvera d'une commission de passation des contrats de PPP, qui doit être installée très prochainement.

Contenu local et potentiel minier

La loi favorisera le transfert de compétences et de technologies et augmentera le « contenu local » des projets. Le titulaire désigné d'un contrat de PPP aura en effet obligation de constituer une société de droit congolais. La transparence de ses mécanismes et des organes de gouvernance devraient également favoriser un climat de confiance dans les affaires, et renforcer encore l'attractivité de la destination Congo.

Plusieurs importants projets sont d'ores et déjà gérés en PPP : citons le contrat de concession et de développement des zones économiques spéciales de Pointe-Noire, Oyo-Ollombo et Ouesso, avec le groupe Arise, la concession en BOT du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO), également avec Arise, les barrages de Mourala et Nyanga, avec le consortium sino-congolais Energaz-CGGC, ou encore le développement du nouveau quai à conteneurs du Port Autonome de Pointe-Noire, avec le groupe émirati Abu Dhabi Ports. La société suisse 3PRS vient d'obtenir la concession pour la production d'eau potable avec La Congolaise des Eaux (LCDE), dans les villes de Pointe-Noire et Dolisie.

La dynamisation de la pratique des PPP favorisera, à coup sûr, la diversification d'une économie congolaise restée trop longtemps tributaire de la seule rente pétrolière. Elle pourrait aussi donner un coup d'accélérateur à la mise en valeur du potentiel minier du pays. Le sous-sol congolais dispose d'un potentiel plusieurs milliards de tonnes de réserves de fer, dont 517 millions pour le seul méga-gisement du mont Nabemba, de 3,2 milliards de tonnes de potasse et d'importants gisements de cuivre, dont l'exploitation requiert des investissements lourds, désormais rendus envisageables par la nouvelle loi.

(*) Avocat au Barreau de Paris (Cabinet Briard)
(**) Avocat au Barreau de Pointe-Noire (Cabinet LKM)
(***) Avocat au Barreau de Paris (Cabinet Marchiani)

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