Financement libyen : cinq questions sur le cas Sarkozy

L’ombre de Mouammar Kadhafi continue-t-elle de planer sur la carrière politique de Nicolas Sarkozy ? Dans un scénario digne de «House of Cards», l’ancien président français est placé depuis ce 20 mars en garde à vue au sein des locaux de la police judiciaire de Nanterre, en région parisienne. Mais il avait pu regagner son domicile vers minuit. Ce mercredi sa garde à vue a été prolongée. Pour la première fois, Nicolas Sarkozy est entendu dans le cadre de l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.
Ibrahima Bayo Jr.
(Crédits : Reuters)

Pourquoi Nicolas Sarkozy est en garde à vue ?

Les premiers soupçons ont été soulevés par une enquête du site d'investigation français Mediapart en 2011. Depuis, le dossier erre dans les couloirs des services français spécialisés dans la traque de la délinquance financière. Une information judiciaire tente depuis avril 2013 -donc après les révélations de Mediapart- de démêler l'écheveau de cette affaire complexe, largement documentée par un livre des journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske (Avec les compliments du Guide).

Dans le dossier, une question centrale : alors candidat à la course à l'Elysée, Nicolas Sarkozy a-t-il usé d'argent (notamment en espèces sous valises) en provenance de Libye pour financer la campagne qui lui a permis de devenir président de la République française ? Oui, répondent des dignitaires libyens dans leurs témoignages dont Ziad Takieddine, l'homme d'affaires franco-libanais et Abdellah Senoussi, l'ex-chef des services secrets libyens. Jamais, répliquent Nicolas Sarkozy et ses proches. Il semblerait que certains dignitaires libyens aient remis à la justice française de nouveaux éléments sur lesquels les policiers de l'Office anticorruption (OCLCIFF) de Nanterre se basent pour entendre l'ancien président français.

Pour sa grade à vue, Nicolas Sarkozy bénéficie d'un régime dérogatoire qui lui permet de passer la journée dans les locaux de l'OCLCIFF la journée et de rentrer à son domicile du XVIe arrondissement de Paris.

Combien de temps va durer la garde à vue ? Pour déboucher sur quoi ?

Normalement, la garde à vue dure 48 heures en France. La période d'audition de Nicolas Sarkozy devrait donc s'achever ce mercredi. Mais si l'on compte le temps passé à son domicile, cette garde à vue devrait se prolonger de quelques heures dans la matinée ou même l'après-midi du jeudi 22 mars 2018, pour respecter la durée complète de cette garde à vue.

A l'issue de cette garde à vue, plusieurs suites sont possibles dans le dossier. Soit l'ancien président français est déféré devant un juge d'instruction qui se baserait sur des éléments probants pour décider d'une mise en examen ;soit le juge d'instruction estime que les éléments rassemblés ne constituent pas des preuves tangibles pour instruire le dossier, auquel cas il pourrait prononcer un non-lieu.

De quelle somme parle-t-on pour le financement libyen ?

Mars 2011, en pleine crise libyenne. Au moment même où Nicolas Sarkozy recevait à l'Elysée deux représentants du Conseil national de transition (CNT), Seïf Al-Islam, un des neuf fils de Mouammar Kadhafi, lançait une déclaration ahurissante ! «Tout d'abord, il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve», affirme-t-il évoquant détenir «les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert».

Choukri Ghanem, chef du gouvernement de 2003 à 2006 et ministre du Pétrole de 2006 à 2011, note dans son carnet une somme de 6,5 millions d'euros en plusieurs versements pour la seule campagne de Nicolas Sarkozy. En avril 2012, avant qu'il ait eu le temps de témoigner, il est retrouvé mort noyé dans le fleuve Danube à Vienne (Autriche).

Puis les «enchères» se multiplient rapidement par dix. Jean-Charles Bisard, président d'une société privée de renseignements, évoque qu'un deal entre Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et Mouammar Kadhafi, aurait été conclu en octobre 2005 lors de la visite de Sarkozy en Libye. Le guide libyen aurait approuvé un financement de 50 millions d'euros pour la campagne de Sarkozy.

Qui sont les intermédiaires présumés?

Après ce «pacte», l'argent aurait ensuite transité en cash sous mallettes entre Tripoli et Paris, via un système ayant recours aux intermédiaires Bachir Saleh, alors directeur de cabinet de Kadhafi et de Ziad Takieddine. Dans son témoignage, le second affirme avoir fait transiter la somme de 5 millions d'euros entre les deux pays. Des mallettes qu'il aurait remises à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant, son bras droit. Un autre intermédiaire présumé, Alexandre Djouhri, franco-algérien, aurait aidé aux transferts d'argent via des ventes et achats. Il est aujourd'hui en attente d'extradition pour la France depuis Londres où il est cloué sur un lit d'hôpital après plusieurs malaises cardiaques.

Le 27 avril prochain, la justice britannique qui l'a arrêté se prononcera sur son extradition. Bachir Saleh, l'homme-lige de Kadhafi, réfugié depuis la veille de l'élection de François Hollande à Johannesburg, où il a été agressé malgré sa protection par les services sud-africains. La malédiction Kadhafi contre tous les acteurs de cette affaire ?

Ibrahima Bayo Jr.

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