"L'écosystème de la tech en Côte d'Ivoire a fait des progrès, mais il reste des défis à relever" (Ibrahim Kalil Konaté)

Dotée d'une forte croissance, la Côte d'Ivoire accélère inévitablement sur le volet numérique, brique indispensable pour favoriser l'émergence d'entreprises, réduire la fracture entre territoires urbains et ruraux et pour jouer sur l'attractivité internationale. Présent à Vivatech, le ministre de la Transition numérique et de la digitalisation du gouvernement détaille la stratégie et les ambitions du pays et comment la collaboration avec l'Europe doit se structurer.
Présent à Vivatech, Ibrahim Kalil Konaté, ministre de Transition numérique et de la digitalisation, a accompagné une délégation de startups ivoiriennes
Présent à Vivatech, Ibrahim Kalil Konaté, ministre de Transition numérique et de la digitalisation, a accompagné une délégation de startups ivoiriennes (Crédits : DR)

LA TRIBUNE AFRIQUE - L'écosystème ivoirien de l'innovation a accéléré sa structuration ces deux dernières années. Comment cette accélération s'est-elle faite ? Quel rôle de l'Etat et de la sphère privée ?

IBRAHIM KALIL KONATÉ - Cette accélération s'est faite surtout grâce à une combinaison de facteurs institutionnels, économiques et sociaux. Le gouvernement ivoirien a mis en place plusieurs initiatives pour soutenir l'innovation et l'entrepreneuriat. Par exemple, la création de la Zone Franche de Biotechnologie et des Technologies de l'Information et de la Communication (ZBTIC) à Grand-Bassam offre des avantages fiscaux et des infrastructures pour les entreprises technologiques. De plus, des programmes comme le Fonds pour l'Innovation et le Développement Technologique (FIDT) fournissent un financement crucial pour les startups.

La Côte d'Ivoire a investi massivement dans les infrastructures numériques, notamment avec le déploiement de la fibre optique à travers le pays et l'amélioration de la couverture Internet mobile. Nous en sommes aujourd'hui à un taux de pénétration de la téléphonie mobile de 172%. Par ailleurs, plusieurs incubateurs et accélérateurs ont vu le jour, offrant aux entrepreneurs un accès à des ressources essentielles telles que des espaces de travail, des mentorats et des opportunités de networking. Jokkolabs Abidjan, Seedspace Abidjan et Incub'Ivoire - pour ne citer qu'elles - accompagnent les startups.

La collaboration entre le secteur public et le secteur privé a aussi renforcé l'écosystème d'innovation. Des grandes entreprises et des multinationales ont investi dans des programmes de formation, des hackathons et des concours d'innovation.

L'accès au financement s'est amélioré grâce à l'augmentation du nombre de fonds d'investissement permettant à davantage de startups d'obtenir les capitaux nécessaires pour se développer.

L'écosystème de la tech est-il aujourd'hui suffisamment mature ?

L'écosystème de la tech en Côte d'Ivoire a fait des progrès considérables ces dernières années, mais il reste des défis à surmonter. Ainsi, bien que l'accès au financement se soit amélioré, il reste limité par rapport à des écosystèmes plus matures. Les startups ivoiriennes ont encore du mal à lever des fonds auprès d'investisseurs locaux et internationaux.

Par ailleurs, malgré les progrès, certaines zones du pays manquent encore d'infrastructures physiques adéquates, ce qui peut freiner le développement technologique.

Enfin, la culture entrepreneuriale est en phase de maturation. Il faut davantage de succès visibles et de « role models » pour inspirer la prochaine génération d'entrepreneurs.

Le nerf de la guerre est, comme pour de nombreux sujets, le financement. Plusieurs fonds européens s'intéressent à l'Afrique. Mais le besoin est aussi d'avoir des fonds « locaux ». Comment favoriser cela ? Quels dispositions réglementaires peuvent concourir à attirer les capitaux en soutien à l'innovation en Côte d'Ivoire ?

Pour attirer les capitaux locaux et soutenir l'innovation en Côte d'Ivoire, il est essentiel de créer un environnement propice à travers des réformes réglementaires, des incitations fiscales, des infrastructures financières robustes et un soutien éducatif et logistique. En combinant ces efforts avec des initiatives de promotion, notre pays développe un écosystème de financement local dynamique et durable pour ses startups.

De nombreux incubateurs aussi, ont fait le choix de la Côte d'Ivoire. Faut-il percevoir cela comme un signe de la vitalité économique bien plus large du pays ?

Oui, bien sûr. N'oublions pas que la Côte d'Ivoire à elle seule fait environ 40% du PIB de l'UEMOA, l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, qui compte huit pays.

Plus largement, la formation des talents est majeure. Comment conserver ces compétences sur le territoire national ?

Pour retenir nos talents, les incitations fiscales et les subventions aux entreprises sont essentielles. Nous encourageons les entreprises à offrir des programmes de formation continue et de développement professionnel pour permettre aux employés de développer leurs compétences et de progresser dans leur carrière. Il faut aussi et surtout s'assurer que les salaires offerts par les entreprises locales soient compétitifs. Enfin, nous mettons en place des politiques facilitant le retour des talents de la diaspora, y compris des incitations fiscales et des aides à la réinstallation.

Les priorités du gouvernement auquel vous appartenez est notamment de réduire la fracture numérique. Par quels moyens combler cette fracture ?

La réduction de la fracture numérique est une priorité stratégique pour notre gouvernement. Nous travaillons activement à l'extension du réseau de fibre optique pour couvrir l'ensemble du territoire. A ce jour, 5.207 km de fibre optique ont été déployés par l'Etat. Nous collaborons avec les opérateurs privés pour améliorer la couverture 4G/5G et garantir un accès Internet de qualité pour tous.

Les autres priorités de notre gouvernement relèvent de l'accès à une électricité stable, y compris en zones rurales via par des projets d'énergies renouvelables, mais aussi de l'éducation numérique dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge.

L'Europe et l'Afrique ont des sujets en commun dont l'inclusion numérique et la fracture entre zones urbaines et reculées mais aussi des sujets liés au climat. De quelles façons les deux continents peuvent-ils collaborer ?

Effectivement, l'Europe et l'Afrique peuvent collaborer de nombreuses façons pour aborder des enjeux communs tels que l'inclusion numérique, la fracture entre zones urbaines et reculées, ainsi que les défis climatiques.

Nous encourageons les partenariats entre entreprises européennes de télécommunications et les gouvernements africains pour améliorer l'accès à Internet.

Il est essentiel d'instituer ou de renforcer les partenariats entre les universités et les centres de recherche européens et africains pour le développement de technologies inclusives.

La collaboration sur des projets de développement des énergies renouvelables devrait permettre à l'Afrique de tirer parti de l'expertise et des technologies européennes. En outre, l'accent devrait être mis sur des accords de financement pour les projets d'énergie propre et durable, incluant des prêts à taux réduits et des subventions.

La gestion durable des ressources en eau, l'agriculture résiliente au climat et la reforestation sont autant de projets d'adaptation au changement climatique. La facilitation du partage de connaissances et de technologies entre les chercheurs et les experts de nos deux continents va aider à développer des solutions innovantes face aux défis climatiques.

L'innovation, ce n'est pas seulement le digital, c'est aussi de l'innovation de service, par exemple. Comment travaillez-vous plus largement sur cette thématique ?

Cette question touche à l'importance de l'innovation dans tous les secteurs de notre économie, au-delà du seul domaine numérique. Notre gouvernement reconnaît que l'innovation de service est cruciale pour améliorer la qualité de vie de nos citoyens et pour stimuler la croissance économique.

Dans notre feuille de route 2024, nous avons différents projets de déploiements de plateformes de services publics en ligne pour simplifier les démarches administratives, réduire les délais et améliorer l'efficacité des services publics. La mise en place de guichets uniques pour centraliser les services administratifs et faciliter l'accès des citoyens et des entreprises à ces services est déjà une réalité à travers le CEPICI (Centre de Promotion des Investissements en Côte d'Ivoire).

Nos projets de connectivité rurale prévoient aussi la création de centres de services dans ces zones reculées pour assurer que tous les citoyens aient accès aux services essentiels sans se déplacer sur de longues distances.

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