« L'intérêt de l'Europe est de se rapprocher davantage de l'Afrique » (Pascal Lorot, Institut Choiseul)

ENTRETIEN - Avec une quatrième édition organisée au Maroc sur la thématique centrale de souveraineté économoque, Choiseul Africa Business Forum se confirme de plus en plus comme une plateforme de partage pour bâtir de nouveaux ponts entre les entrepreneurs d'Europe et d'Afrique. Entretien avec Pascal Lorot, président de l'Institut Choiseul.
Mounir El Figuigui
(Crédits : Institut Choiseul)

LA TRIBUNE AFRIQUE - Vous avez organisé les 16 et 17 novembre la 4e édition du Choiseul Africa Business Forum à Casablanca au Maroc. Quelle est la particularité de cette édition par rapport aux précédentes ?

PASCAL LOROT - Pour cette quatrième édition, nous avons programmé une série de thématiques liées au continent africain, notamment les partenariats public-privé, la coopération inter-régionale, et l'agriculture, avec comme fil rouge la question de la souveraineté économique qui est aujourd'hui au cœur des préoccupations des États et gouvernements, et pas seulement pour l'Afrique (...) La crise de Covid et la guerre russo-ukrainienne ont imposé aux Etats de se saisir de la question centrale de résilience économique afin de faire face à tous chocs exogènes qui menaceraient leurs économies.

Le Bénin était présent à cette édition avec une importante délégation menée par la vice-présidente Mariam Chabi Talala. Qu'est-ce qui vous a motivés à choisir cette année le Bénin comme invité d'honneur ?

Durant ces dernières années, le Bénin a adopté des politiques publiques qui ont permis à l'économie béninoise d'être plus résiliente, notamment dans le secteur des industries de transformation dans les secteurs agricole et minier. Nous avons donc considéré que le Bénin est un des pays africains précurseurs dans cette stratégie et qu'il était fort intéressant d'alors un retour sur ce bel exemple de transformation économique.

Vous êtes notamment l'auteur de l'ouvrage Le choc des souverainetés (Nouveaux Débats, juillet 2023), dans lequel vous considérez « les dirigeants des États et des entreprises ont la responsabilité conjointe de mettre la promotion de la souveraineté au cœur de leurs priorités ». Pensez-vous que l'Afrique peine encore à prendre son envol en termes de souveraineté économique, notamment dans des secteurs jugés aujourd'hui stratégiques, comme l'agriculture par exemple ?

Jusqu'à récemment, le monde était face à un schéma économique assez simple : libre-échange absolu, circulation des biens et de produits, des chaînes de valeur très étirées avec des produits de base provenant notamment de Chine. Avec la survenu des crises de Covid et de la guerre en Ukraine, les États ont finalement pris conscience d'opter pour des politiques qui les mettraient à l'abri d'un nouveau choc qui d'une manière ou d'une autre interviendra (...).

Je pense que nous sommes arrivés à un point de rupture entre « le monde d'avant » et « la nouvelle ère » où les États, notamment africains, devront définir de nouvelles modalités pour renforcer leur résilience dans des secteurs-clés comme l'agroalimentaire, la santé ou encore l'industrie de transformation (...). Cela ne se fera évidemment pas du jour au lendemain, puisqu'il s'agit d'investir et peut-être de changer certains modes de fonctionnement.

Cette perturbation des chaînes de valeur mondiales va-t-elle, selon vous, durer dans le temps ?

Le scénario des perturbations qui reviennent n'est plus à exclure et donc les États se doivent d'être dans une démarche d'anticipation. Aujourd'hui, certains pays travaillent sur de nouvelles formes de partage et d'échange avec d'autres géographies. Avec, la perspective d'un marché commun continental en Afrique et les complémentarités naturelles qui existent entre l'Afrique et l'Europe, nous assisterons certainement à des souverainetés partagées, puisque chaque pays ne peut plus remplir seul les objectifs qu'il s'est fixé pour assurer sa résilience en cas de choc exogène.

L'un des objectifs de l'Institut Choiseul est de mettre en avant le leadership africain. Sur quels critères ont été choisis les entrepreneurs du Choiseul 100 Africa de cette année ?

Le choix des entrepreneurs n'a pas été fait de manière spontanée. Cela fait dix ans que nous cherchons à monter que le continent africain est riche de sa jeunesse qui est bien formée, ouverte sur le monde et outillée de pratiques managériales de qualité et qui mérite d'être mise en avant. La méthodologie pour le classement des entrepreneurs du Choiseul Africa est identique à celle du Choiseul France. Parmi les critères exigés pour la sélection des lauréats, nous retenons notamment la formation, le parcours et l'expérience professionnelle et chaque année, nous enrichissons notre base qui regroupe aujourd'hui quelque 700 candidats alumni. Cette génération, aujourd'hui aux commandes, ambitionne de changer l'Afrique par la création d'un avenir propice au développement du continent.

L'économique n'étant jamais loin du politique, les entrepreneurs français sont-ils toujours confiants dans l'Afrique, malgré les crispations avec certains pays africains ?

L'Afrique est plurielle. Il arrive que des tiraillements surviennent dans telle ou telle géographie à un moment donné, mais globalement, il y a un intérêt économique français pour l'Afrique. On sait que l'Afrique et l'Europe ont un destin lié et les deux continents sont appelés à renforcer leur coopération. D'ailleurs le Choiseul Africa Business Forum se présente aujourd'hui comme une plateforme pour rassembler les entrepreneurs des deux continents et permettre la création de synergies, l'identification de projets en commun et d'avancer dans la même direction. L'intérêt de l'Europe est de se rapprocher davantage de l'Afrique qui est aujourd'hui un continent d'avenir.

Mounir El Figuigui

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