Ces compétences sectorielles qui devraient faire rayonner les régions africaines selon l’OCDE

Numérique, mines, agriculture… Dans son rapport annuel sur les dynamiques de développement en Afrique, l’OCDE braque les projecteurs sur les compétences qui pourraient faire de chaque sous-région une référence mondiale dans certains secteurs. Tour d’horizon.
Ristel Tchounand
(Crédits : DR)

Bonne nouvelle pour les entreprises présentes et à venir. La population africaine en âge de travailler va presque doubler d'ici 2050 à 1.556 millions d'individus, dont une portion de plus en plus importante sera faite de profils hautement qualifiés, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui vient de publier son rapport annuel sur les dynamiques de développement en Afrique sur le thème des Compétences, l'emploi et la productivité. Reconnaissant que les « marchés africains du travail s'adaptent aux nouvelles tendances », les experts estiment toutefois que tirer parti de cette manne de talents potentielle implique pour les pays des politiques stratégiquement élaborées, afin d'orienter les formations académiques et professionnelles vers des secteurs clés sources de croissance exponentielle et de rayonnement pour chaque région, tout en réduisant le chômage.

Energies vertes au Nord, agriculture à l'Ouest, mines au Centre ...

Ainsi, les énergies renouvelables sont identifiées comme le domaine dans lequel l'Afrique du Nord devrait multiplier les compétences les plus pointues sur toute la chaîne de valeur, le Maroc et l'Egypte montrant déjà des ambitions fortes. En Afrique de l'Ouest, le zoom est mis sur l'agriculture au regard du potentiel de ces pays dont 5 à 9 font régulièrement partie 20 des plus grands producteurs mondiaux d'une dizaine de produits agricoles. Les compétences dans le domaine des mines devraient les plus fines et les plus nombreuses en Afrique australe et en Afrique Centrale, selon les experts de l'OCDE, ces deux régions étant caractérisées par leurs importants réservoirs de diamants (...), de cobalt (la République démocratique du Congo étant le garant de 69% de la production mondiale, mais seulement 1% de la transformation), d'or, de manganèse... Ces pays pourraient se positionner sur des marchés d'avenir comme celui des batteries pour véhicules électriques. L'Afrique de l'Est, star du numérique sur le continent, devrait ne plus compter les compétences dans ce domaine. « Ce sont parmi les secteurs les plus stratégiques pour ces régions, mais évidemment, nous ne sommes pas exhaustifs », déclare à La Tribune Afrique Arthur Minsat, Chef de l'Unité Afrique, Europe et Moyen-Orient au Centre de développement de l'OCDE.

D'après lui, l'accent est mis sur ces secteurs en raison de leur potentiel et des acquis de ces régions dans ces divers domaines. « En Afrique du Nord à titre d'exemple, on estime qu'avec une augmentation de 1% de la surface dédiée aux énergies renouvelables, on pourra avoir une augmentation de 24 fois la production actuelle des énergies renouvelables du continent tout entier. Il y a donc un énorme enjeu stratégique aussi bien pour l'autonomie énergétique, l'approvisionnement et la transformation locale de ces énergies et la création d'emplois », explique cet économiste. « Le numérique, poursuit-il, va être très important pour les économies qui sont déjà bien avancées dans l'économie numérique comme le Kenya avec Safaricom et le mobile banking ou le Rwanda qui est plus récent mais qui avance rapidement aussi, ou encore l'île Maurice. Après il y a encore des inégalités dans la région, que ce soit avec le Soudan du Sud ou l'Ethiopie, mais ce sont donc des éléments stratégiques pour la région ». Le développement de compétences stratégiques devrait favoriser des partenariats inter-régionaux au sein du continent et ainsi favoriser la montée en puissance de l'ensemble des économies africaines dans ces différents domaines.

Quand les talents africains redessine la main d'œuvre mondiale

L'autre avantage de la multiplication des profils hautement qualifiés réside dans le fait que la croissance de la population africaine plus instruite redessinera la main‑d'œuvre mondiale, selon le rapport. Selon Arthur Minsat, ce nouveau schéma serait possible grâce à la croissance démographique importante attendue en Afrique, tandis que les autres continents connaîtront un vieillissement de leur population. « Cela fera qu'il y aura plus de gens qui sortiront de l'école avec un niveau d'éducation élevé en Afrique que dans d'autres régions du monde », explique-t-il. Au-delà, les compétences vertes et numériques apparaissent comme incontournables sur l'ensemble du continent, ce qui devrait s'accentuer à mesure que le temps passe.

Dans ses recommandations aux régions africaines, l'OCDE insiste sur l'élaborer et implémenter des visions stratégiques claires qui permettent de maximiser la productivité économique et mobiliser les investissements nécessaires à l'émergence de compétences alignées aux meilleures pratiques mondiales et aux besoins des entreprises. Cela d'autant que le continent se rapproche de l'échéance 2030 des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies et fait son chemin vers le l'Agenda 2063 de l'Union africaine (UA). Commentant d'ailleurs le rapport, le président de la Commission de l'UA Moussa Faki Mahamat et le Secrétaire général de l'OCDE Mathias Cormann ont souligné l'importance d'un changement de l'éducation dès le plus bas âge. « Le PIB de l'Afrique pourrait être multiplié par 22, soit une augmentation d'environ 154 000 milliards de dollars, si tous les enfants du continent parvenaient à une maitrise de base des compétences fondamentales », ont-ils rappelé, soulignant que cela garantirait davantage de talents encore plus performants pour des économies tout aussi performantes.

La fuite des cerveaux, l'autre problématique

Cependant, dans cet océan d'optimisme pour l'avenir des compétences en Afrique sous réserve des bonne politiques, un autre challenge non négligeable persiste: la fuite des cerveaux. En 2020, 74% des travailleurs africains hautement qualifiés ont choisi de quitter le continent, selon le rapport. Une problématique à laquelle les pays africains ne pourront faire face qu'en améliorant les conditions de travail pour cette catégorie de professionnels, selon les experts.

Ristel Tchounand

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