Etienne Giros : « L’air de rien, le centre de gravité du CIAN se déplace vers Bruxelles »

Contexte sanitaire oblige, le Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) faisait sa rentrée par voie de vidéoconférence, mardi 22 septembre. Entre mobilisation du secteur privé pour endiguer les effets de la pandémie de Covid-19 et stratégie européenne concertée, le CIAN cherche à maintenir ses positions sur le continent, tout en évitant le « French bashing » ambiant...
(Crédits : DR.)

« Malgré une période économique difficile et incertaine, le CIAN poursuivra ses efforts de plaidoyer avec une détermination intacte au service des entreprises », a déclaré Alexandre Vilgrain, le président du CIAN, à l'occasion de l'Assemblée générale ordinaire, qui fut suivie d'un point sur l'Afrique. La santé était à l'ordre du jour et les acteurs du secteur privé impliqués dans « l'effort de guerre sanitaire », ont rappelé leurs engagements pris dans le cadre du programme Santé Entreprise Afrique (SEA) qui permet depuis 2018, de mener des opérations de dépistage et de promotion des soins en entreprises pour des pathologies comme le VIH-Sida, la tuberculose, le paludisme, les maladies non-transmissibles (cardiovasculaires, diabète) et depuis peu, les hépatites et la Covid-19. Son opérationnalisation a été confiée à l'association Santé en Entreprise (SEE) dirigée par Erick Maville, qui n'est autre que le président de la Commission Santé du CIAN. Pour l'heure, ce programme entré en phase-pilote en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Sénégal et en Guinée, a bénéficié à plus de 1,2 million de personnes entre 2018 et 2020.

Alors que l'image des membres et invités du CIAN réunis à Paris et dissimulés derrière leurs masques rappelle le risque pandémique élevé dans l'Hexagone, c'est l'optimisme sanitaire qui prévaut sur le continent. « L'Afrique est l'un des continents les moins touchés par la pandémie avec 1,4 million de personnes infectées selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) contre 30 millions à travers le monde [...] 1,2 million de personnes sont guéries et nous avons enregistré 33.000 décès. Le désastre annoncé au début de la crise ne s'est pas produit », a déclaré Erick Maville, le président de la commission Santé du CIAN.

Entre jeunesse des populations et immunité croisée (exposition passée à d'autres formes de coronavirus qui aurait permis à des populations africaines de développer des défenses immunitaires), cet optimisme ne doit cependant pas masquer certaines réalités. En effet, pour 6 des économies africaines les plus dynamiques, le scénario catastrophe s'est bien produit et 75% des cas détectés sur le continent, se sont concentrés en Afrique du Sud, au Maroc, en Egypte, en Ethiopie, au Nigeria et en Algérie...

Les entrepreneurs tricolores engagés sur la voie d'une stratégie euro-africaine

« Depuis le début de la crise sanitaire, l'Afrique est dans l'Agenda de l'UE  », s'est réjoui Patrick Sevaistre, président de la Commission Institutions européennes du CIAN. « C'est la fin d'une approche fragmentée de l'Europe à l'égard de l'Afrique [...] le budget qui sera alloué à l'Afrique à travers le fonds européen de développement 2021-2027, devrait s'établir entre 30Mds € et 40Mds » a-t-il estimé, sans masquer par ailleurs, ses inquiétudes liées à l'avenir des Accords de partenariat économiques (APE) avec l'opérationnalisation programmée de la zone de libre-échange continentale africaine (Zleca).

Malgré ce regain d'intérêt européen pour le continent, « le vrai sujet aujourd'hui, repose sur une plus forte implication du secteur privé dans l'aide publique au développement (APE) de l'Europe » a-t-il prévenu, regrettant que l'UE n'ai pas encore « dépassé le stade des bonnes intentions ». Un cheval de bataille que porte désormais Etienne Giros à Bruxelles, en qualité président du Conseil européen des Affaires pour l'Afrique et la Méditerranée (European Council for Africa ou « EBCAM »). « L'air de rien, le centre de gravité du CIAN se déplace vers Bruxelles » a d'ailleurs indiqué ce dernier, confirmant l'orientation stratégique du président Macron d'instaurer une relation renouvelée avec l'Afrique. La France entend impliquer davantage ses partenaires européens pour faire face aux menaces sécuritaires ainsi qu'au défi migratoire, tout en cherchant à s'extirper d'une image altérée par « un passé qui ne passe pas », en particulier dans le Sahel où le sentiment antifrançais va grandissant...

Des entrepreneurs français inquiets par la poussée du « French-bashing »

Dans le panorama des risques rencontrés par les entrepreneurs français en Afrique, le terrorisme et le risque sanitaire représentent les principales menaces. En effet, bien que l'impact sanitaire lié à la pandémie de SARS-CoV-2 soit plus modéré que prévu, il a néanmoins affecté l'organisation interne des entreprises en profondeur, bloquant parfois tout déplacement des collaborateurs pendant plusieurs semaines. Parallèlement, l'essor de la dématérialisation pendant les confinements décrétés çà et là, a fait apparaître des risques de cyber-menaces accrus pour les entreprises (ransomware ou phishing en particulier) tandis qu'Internet s'est parfois imposé comme un vecteur de campagnes de dénigrement antifrançaises. « Nous avons constaté une augmentation manifeste des menaces contre les entreprises étrangères, notamment françaises à travers des actions de relations publiques ou sur Internet via les réseaux sociaux » a déclaré Arnaud Kremer, le président de la Commission Sûreté du CIAN.

Ce constat vient nourrir le dernier baromètre Africaleads, publié en février par l'Institut Immar Research & Consulting qui faisait apparaître un « French bashing » ambiant. Depuis, la situation sécuritaire dans le Sahel ne s'est guère améliorée, pas davantage que l'image de l'hexagone dans la région. « Le sentiment anti-français est de plus en fort au Sahel, mais aussi dans l'ensemble du monde francophone africain [...] l'intervention militaire française est constamment dénoncée par des segments de l'opinion publique malienne, mais aussi par des Intellectuels, comme une intervention qui a pour vocation de s'accaparer les ressources naturelles nationales [...] Ce discours est pris très au sérieux au Mali, y compris dans le monde académique et sécuritaire », prévient Alain Antil, le Directeur du Centre Afrique subsaharienne de l'Institut français des relations internationales [IFRI] qui avertit par ailleurs, des initiatives de déstabilisations venues d'acteurs extérieurs comme la Turquie ou la Russie.

Enfin, à la veille d'un certain nombre de rendez-vous électoraux (élections présidentielles en Guinée le 18 octobre 2020, en Côte d'Ivoire le 31 octobre 2020, au Burkina Faso le 22 novembre 2020 et en République centrafricaine le 27 décembre 2020), Arnaud Kremer a exhorté les entrepreneurs français « à bien anticiper ces échéances » en matière de sécurité des biens et des personnes. L'appel semble déjà avoir été entendu par nombre d'expatriés français qui préfèrent, par mesure de sécurité, plier bagage à la veille des prochains grands rendez-vous électoraux...

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