Quel potentiel du digital pour les agriculteurs traditionnels en Afrique ?

La digitalisation offre un grand potentiel pour augmenter la productivité et la production agricole. Toutefois, les petits exploitants agricoles en Afrique qui représentent, selon la FAO, 60% de la population et produisent 80% des besoins alimentaires du continent, ont généralement un faible niveau de maturité digitale. Cela constitue un frein à l’adoption de solutions digitales permettant d’améliorer la production, la transformation et la vente des produits agricoles. *Par Jean-Michel Huet, Lennart Ploen, Ayawo Bruno Akakpo, Thibaud Revel de Bretteville et Thomas Michel, BearingPoint.
(Crédits : DR)

La digitalisation peut représenter un atout même pour la population des agriculteurs traditionnels  avec une faible maturité digitale en termes de compétences ou équipements.

Les petits exploitants agricoles (« agriculteurs traditionnels ») font face à plusieurs défis auxquels le numérique peut répondre. Le premier est la diffusion de l'information et de conseil. Le partage en continu de bonnes pratiques concourt de façon décisive à l'amélioration de la résistance des systèmes agro-pastoraux et à l'augmentation durable des revenus et de la production agricole. La digitalisation permet de répondre à ce besoin avec le partage d'informations par radio, appel téléphonique, SMS ou messages WhatsApp, sans nécessiter le déplacement d'un conseiller agricole. A tire d'exemple, le service 3-2-1 conçu par la GIZ, l'agence de coopération allemande, en partenariat avec un opérateur télécom, Airtel, à Madagascar offre par exemple, à travers une hotline, la possibilité aux agriculteurs d'accéder à des conseils agrométéorologiques ou encore à des informations sur les marchés.

L'exploitation de données de télécommunication et de paiement mobile permet d'offrir de nouveaux services aux agriculteurs tels que le micro-crédit ou la micro-assurance. Depuis la fin des années 2000, le continent africain connait une véritable révolution grâce à la mise en place de systèmes de paiement par mobile. La solution KilimoSalama est un système de micro-assurance exploitant les données liées au transfert de fonds par téléphone mobile et provenant de stations météorologiques. Elle est utilisable grâce à un simple téléphone mobile et donc bien adaptée aux contraintes des agriculteurs traditionnels. Cette solution a été proposée par le GIIF (Global Index Insurance Facility) qui est une fondation, multi bailleurs de fonds, soutenue par l'Union Européenne, le Japon, les Pays-Bas et porté la Banque Mondiale. Ces exemples illustrent aussi, même si les opérateurs télécoms privés ou les start-ups sont aussi clé dans l'écosystème, l'importance des banques de développement

Soutenir l'activité des petits exploitants agricoles

Les petits exploitants agricoles ont également le besoin de transformer et vendre de manière plus efficace leurs produits agricoles. Pour répondre à ce besoin, la création d'interfaces numériques peut offrir des opportunités pour augmenter l'accès aux marchés et les revenus des agriculteurs. Une solution digitale qui pourrait répondre à ce besoin est une plateforme digitale multi service telle que celle conçue pour le ministère de l'Agriculture à Madagascar en 2020. Il s'agit d'un système numérique offrant des fonctionnalités et des services spécifiquement conçus pour les exploitants agricoles. Ce type de solution permet notamment de fournir des informations sur les prix des intrants, leurs modes d'utilisation ou encore de faciliter la mise en relation des agriculteurs avec des revendeurs locaux. La mise en place d'une plateforme applicative implique des prérequis en termes d'accès à l'électricité, à internet et en équipement en smartphone. Pour favoriser le développement de ces plateformes, il convient aussi de gagner la confiance des agriculteurs, de pallier leur méfiance vis-à-vis du digital et de s'appuyer sur les autorités locales clés pour favoriser l'adhésion. La plateforme applicative possède un réel potentiel auprès de ce public mais il est nécessaire de mettre en place des dispositifs d'appui, en cas de manque d'équipement en smartphone de la population. Des paysans référents peuvent notamment être formés et assurer la diffusion des pratiques et des conseillers de la plateforme pourraient être recrutés afin de faciliter son usage.

Il parait enfin utile de renforcer le partage d'outils pour favoriser et mécaniser l'agriculture assurée par les petits exploitants. La mécanisation est un enjeu essentiel de la transformation de l'agriculture, permettant de réduire les coûts et produire à l'échelle et ainsi de passer d'une agriculture de subsistance à une agriculture durable de rente. Le numérique permettrait de connecter les agriculteurs pour faciliter l'organisation de partage d'installations et équipements agricoles modernes. La plateforme indienne EM3 AgriServices offre par exemple la possibilité de mettre en relation des propriétaires d'équipements avec des agriculteurs. EM3 permet également aux agriculteurs qui possèdent des équipements tels que des tracteurs, des moissonneuses et d'autres outils mécaniques de les louer pour les aider à payer leurs achats ou générer des revenus supplémentaires. Le prérequis à l'utilisation de cette plateforme est la nécessité pour le franchisé de disposer d'un smartphone pour enregistrer les transactions.

Plusieurs dimensions

La bonne mise en œuvre de ces solutions nécessite de prendre en compte plusieurs dimensions, notamment le financement et la mise en place de campagnes de sensibilisation auprès des agriculteurs traditionnels. Bien qu'il soit souhaitable de disposer d'infrastructures TIC performantes, d'une couverture téléphonique étendue et d'un taux de pénétration mobile élevé, les exemples évoqués montrent qu'un minimum d'infrastructures digitales peut déjà permettre d'accomplir des avancées significatives en termes d'accès à l'information, au marché ou encore de collaboration entre acteurs du secteur agricole. Un soutien des Etats et des financeurs internationaux font aussi parti des facteurs clés de succès mais qui ne doivent pas freiner les initiatives privées mais plutôt permettre de les lancer. Les enjeux économiques et sociaux sont importants, dans un contexte où le petit exploitant gagne en moyenne moins de 1.000 euros par an sur l'ensemble du continent.

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