Crise Covid : l'Afrique face au défi hydrique

L'épidémie de Covid-19 a mis en lumière les faiblesses en matière d'accès à l'eau potable dans certaines zones du continent africain. Une pénurie qui bénéficie pour l'heure au marché des eaux minérales en bouteille, en attendant que les investissements dans les infrastructures permettent un accès de tous à l'eau courante.
(Crédits : DR)

Quatre Africains sur dix n'ont pas accès à l'eau potable. D'ores et déjà critique au quotidien, cette situation s'est aggravée depuis l'épidémie de Covid-19, engendrant une crise sanitaire et économique mondiale qui pourrait encore amplifier les inégalités en termes d'accès à l'eau en Afrique : ainsi , les deux tiers (66%) des pays du continent n'offrent une couverture en services hydriques de base qu'à moins de 75% de leur population ; et si 82% des habitants des villes d'Afrique subsaharienne ont accès à l'eau potable, ce n'est le cas que de 43% de la population rurale. En tout, ce sont près de 700 millions d'Africains qui ne bénéficient toujours pas d'une eau traitée à usage alimentaire.

Comment, dans ces conditions, mettre en place les fameux « gestes barrières » protégeant contre la transmission du coronavirus - et des autres maladies véhiculées par l'eau, comme le choléra ? Comment se laver efficacement, et plusieurs fois par jour, les mains ? Comment, sans accès à l'eau potable et à l'assainissement, respecter les mesures d'hygiène les plus élémentaires au sein des métropoles surpeuplées, bidonvilles, zones périurbaines et camps de réfugiés ?

Le décalage entre les recommandations des instances sanitaires mondiales et la situation dans certaines régions du continent a mis en exergue les difficultés d'accès à l'eau dans certains territoires africains. Qu'on ne se méprenne pas : des efforts considérables ont été entrepris ces dernières années, par les ONG, mais aussi et surtout par les pouvoirs publics des différents pays. Mais la gestion, le traitement et la distribution d'eau potable requièrent des investissements lourds et sur le long terme. Une amélioration réelle et globale de la situation sur le continent n'empêche pas le maintien - voir parfois l'aggravation - de certaines difficultés dans l'accès à l'eau dans de nombreux pays et de nombreuses villes. Dans ces conditions, d'autres solutions émergent, principalement les eaux minérales en bouteille.

L'eau en bouteille, une alternative incontournable, bien que transitoire

Les raisons de cette pénurie sont connues de longue date. Elles tiennent, selon les Nations Unies, d'abord et avant tout à l'insuffisance des infrastructures de traitement et d'acheminement du précieux liquide et, enfin, à la mauvaise gestion des ressources en eau. Ce n'est pourtant pas faute de réserves : au contraire de certaines idées reçues, l'Afrique regorge d'eau ! Ses nappes phréatiques contiennent ainsi quelque 5 000 milliards de mètres cubes. Et ce n'est pas non plus faute de capitaux : le continent est la région du monde qui, en vingt ans, a attiré le plus gros volume d'investissements destinés à l'eau, estimés à près de 2,5 milliards de dollars.

En l'absence d'accès à l'eau potable et courante, le recours à l'eau en bouteille s'impose comme une solution transitoire, mais incontournable, principalement dans les aires urbaines. Les grandes marques du secteur l'ont bien compris et abreuvent un marché africain promis, explosion démographique oblige, à de beaux jours. La montée en puissance d'une véritable classe moyenne africaine et le développement du secteur touristique leur assurent, pour quelques années encore, une croissance à deux chiffres : de 90 millions de bouteilles par an et par pays d'Afrique centrale et de l'ouest en 2015, on devrait passer au double d'ici à la fin de l'année 2020. Cette domination des multinationales de l'eau n'est cependant pas sans partage, et laisse la place à des acteurs locaux faisant jouer la concurrence et tirant les prix vers le bas - comme en témoigne, en Côte d'Ivoire par exemple, le succès fulgurant des entreprises qui proposent à moindre coût de l'eau en sachets. Un format qui permet de proposer au consommateur quelques centilitres d'eau minérale, selon ses besoins.

Un effort colossal, mais pas impossible

Si le recours à l'eau en bouteille représente, pour des millions d'Africains, une solution provisoire, il ne saurait se substituer aux efforts, colossaux (estimés à 64 milliards de dollars par an par la Banque africaine de développement), qu'il reste à entreprendre pour atteindre le niveau d'infrastructures attendu. Seuls, les États du continent ne peuvent subvenir au financement de projets souvent complexes et dispendieux. Il leur faut donc se tourner vers des investisseurs privés ou des bailleurs de fonds institutionnels internationaux, comme à Yaoundé, où le français Suez et le chinois Sinomach-CMEC ont investi 650 millions d'euros pour moderniser les installations de la capitale camerounaise. Il nous faut, surtout, compter sur les talents, la jeunesse, l'esprit d'innovation qui caractérise les Africains. L'Afrique a son destin en main. Comme je l'écris dans mon dernier ouvrage[1], « notre continent doit s'arrimer à son siècle (...) Personne ne le fera à sa place ». Et cela vaut, sans doute plus encore que pour ses autres problématiques, en ce qui concerne l'accès de tous les Africains à de l'eau potable de qualité.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.