Les implications culturelles dans les secteurs d’avenir : l’écologie et le numérique [Tribune]

« Une meilleure intégration des composantes culturelles au sein de plusieurs modèles de croissance va permettre d'identifier des secteurs d'avenir. La culture peut donc être conçue comme un moteur de croissance à part entière... ». Tribune de Khaled Igué, Président du think tank Club 2030 Afrique.
(Crédits : DR)

Le développement global du continent africain doit passer par une revalorisation de sa culture et des savoirs endogènes des populations. Trois principes structurels permettent d'en saisir l'unité : le système de parenté et d'interdépendances, l'appropriation d'une histoire et de savoirs spécifiques et le phénomène d'oralité. Ils reposent sur une conception cosmogonique de l'homme. Ce dernier, microcosme au sein d'un macrocosme, ne peut agir sur ce qui l'entoure sans ignorer le principe de causalité. Ainsi, une meilleure intégration des composantes culturelles au sein de plusieurs modèles de croissance va permettre d'identifier des secteurs d'avenir. La culture peut donc être conçue comme un moteur de croissance à part entière, sachant qu'elle rayonne de multiples façons et doit donc être exploitée, à la marge, par les institutions et les collectivités.

L'écologie, l'affaire de tout le peuple africain

Pour ce qui est de l'écologie, nous le voyons bien, les cosmogonies africaines traditionnelles, faisant état d'une relation symbiotique entre l'homme et la nature, s'écartent fortement de la vision occidentale établissant la nature comme un stock de ressources à exploiter. La nature étant, par essence, ouverte et dynamique, il est primordial de maintenir un équilibre qui perdure depuis toujours dans ce grand ensemble vivant qu'est notre planète.

Le philosophe algérien Mohammed Taleb remarque que, en Afrique, l'écologie n'est pas l'affaire des classes aisées, mais bien de l'ensemble des populations qui défendent une écologie de survivance, socialement enracinée. La conduite écologique est donc, pour les pays du Sud, culturellement enracinée, notamment autour de personnalités socio-culturelles de premier plan : religieux, chamans, griots. Il y a donc une assise très forte pour que la pensée écologique se développe à grande vitesse sur le continent.

Ainsi, le 6 mars dernier, la directrice du Bureau Afrique de l'Organisation des Nations unies pour l'environnement, Juliette Biao Koudenoukpo, ancienne ministre de l'environnement de Guinée, a soutenu la politique environnementale marocaine lors d'une allocution devant la Commission permanente des transports, de l'industrie, des communications, de l'énergie, des sciences et de la technologie du Parlement Panafricain (PAP). Elle enjoint donc l'ensemble des pays membres de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à s'inspirer de l'exemple marocain en matière d'écologie et notamment avec la mise en place d'une nouvelle Constitution, qui garantit au peuple marocain le « droit à un environnement sain ».

Ainsi, l'Agence marocaine pour l'efficacité énergétique (AMEE) annonce comme objectifs de produire 42% de l'électricité nationale avec les énergies renouvelables et d'effectuer des économies d'énergie de 12% à 15% en 2020 et de 20% en 2030, que ce soit par le biais de la construction de centrales solaires comme celle de Noor qui est une des plus puissante au monde, ou bien par l'établissement de parcs d'éoliens.

Le numérique, créateur de croissance endogène

A ce secteur d'avenir il convient d'adjoindre une nouvelle étoile montante du développement d'avenir : la croissance 2.0. Autrement dit l'apport du numérique à la transformation des méthodes de production des biens et services. Nous l'avions dit, la culture africaine est fondée sur l'oralité. Quoi de plus normal que de vouloir mettre cette appétence à la communication et à la relation entre proches, au service des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Ainsi, la géographie africaine des NTIC est aussi contrastée qu'elle connait un essor formidable ces 15 dernières années.

On ne compte plus aujourd'hui le nombre de création de start up dans ces secteurs sur le continent africain, les futurs « licornes » du domaine des nouvelles technologies. Sur ce terrain-là, le continent africain conserve une avance confortable sur le reste du monde. Pensons que dans le secteur du mobile banking, c'est-à-dire de la possession d'un compte en banque sur téléphone, 12% de la population au Sud du Sahara détient ainsi un compte bancaire sur son mobile, quand cela ne dépasse pas 2 % de la population dans le reste du monde. Un chiffre finalement peu étonnant, si l'on s'en réfère aux prévisions de cette année rapportées par le cabinet Deloitte, selon lequel le continent comptera 660 millions d'habitants équipés d'un smartphone en 2020, soit le double qu'en 2016 et un taux de pénétration de 55 %.

Ces filières sont particulièrement bien adaptées à un mode de vie rapide, mobile et averse au technologies traditionnelles souffrant de problème de fiabilité. Le secteur de la croissance 2.0 laisse ainsi espérer une croissance endogène, un emploi des jeunes élevés et une montée en compétences progressive. L'exportation de modèles occidentaux, adaptés aux spécificités régionales, est également une grande réussite, en témoigne l'implantation de Jumia, qui se rêve en Amazon africain. Internet se généralise, notamment en milieu rural et participe à l'établissement d'un réseau global cartographiant l'ensemble des zones et populations. C'est le cas, par exemple de l'application mobil SnooCode, lancé à Accra, qui doit permettre, en générant un code unique pour chaque lieu d'une zone délimitée, grâce au système de géolocalisation des smartphones, de remplacer les adresses et d'indiquer un itinéraire, quand bien même la signalétique est inexistante.

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