Trois défis pour préparer un avenir urbain plus durable en Afrique

« La ville africaine durable n’est pas uniquement une ville verte ou une Smart City : c’est d’abord et avant tout une ville qui aura su apporter des réponses aux défis locaux et aux besoins essentiels des territoires », une ville résiliente qui aura engagé sa transition écologique.
Souad El Ouazzani est directrice des services aux bailleurs internationaux en Afrique francophone chez Deloitte.
Souad El Ouazzani est directrice des services aux bailleurs internationaux en Afrique francophone chez Deloitte. (Crédits : DR.)

Selon des estimations de l'ONU, l'Afrique comptera 2,5 milliards d'habitants en 2050, et les villes absorberont 70 % de cette population. Une explosion urbaine d'une telle ampleur, en un laps de temps si court, est un phénomène inédit. Il n'existe donc pas de solutions toutes faites, et les villes africaines devront inventer leurs propres solutions face aux défis à venir. Elles devront ainsi s'approprier le concept même de « villes durables » et adapter les standards internationaux ou « tendances du moment » à leurs réalités locales et spécificités socio-culturelles. A l'instar de toutes les villes, elles devront engager leur transition écologique et renforcer leur résilience face aux effets du changement climatique, mais leur transformation vers des modèles plus durables passera également par la mise en place de trois chantiers prioritaires : le développement des infrastructures, la densification urbaine et l'amélioration des modes de déplacement.

Investir dans les infrastructures et les services essentiels

Avec une croissance démographique annuelle de 4,5 % (contre 2 % dans le monde), l'Afrique fait face à des besoins colossaux en termes d'infrastructures de transport, de logements, de réseaux d'électrification, d'eau et d'assainissement, de gestion des déchets et de réseaux TIC. Une étude du Global Infrastructure Hub, réalisée sur 10 pays africains, estime qu'il faudra investir 2400 milliards de dollars d'ici 2050 pour financer les infrastructures nécessaires. Pourtant, les engagements actuels se portent à 1400 milliards. Soit un écart de financement de 1000 milliards de dollars...

Pour pallier ce manque d'investissement, les gouvernements africains et les bailleurs du développement se tournent de plus en plus vers la mise en place de nouveaux mécanismes de financement, tels que les Partenariats publics-privés (PPP) et les financements mixtes. En 2018, la Banque Mondiale recensait 460 PPP en Afrique subsaharienne depuis 25 ans, soit 10% du total des PPP conclus dans le monde.

Cependant, la fragmentation institutionnelle observée dans la plupart des pays, la faiblesse du cadre législatif encadrant l'environnement des affaires et les déficits de compétences techniques spécifiques à ce type de mécanismes, au niveau des ministères et agences publiques, entravent le renforcement de la participation du secteur privé au financement des infrastructures du continent. L'analyse des expériences passées montre par ailleurs que ces nouveaux mécanismes de financement, et plus particulièrement les PPP, sont complexes à négocier et mettre en œuvre.

Les villes africaines durables de demain seront donc celles qui sauront mettre en place la bonne gouvernance institutionnelle et le cadre législatif adapté, permettant de trouver la meilleure méthode de financement des infrastructures et services sociales et économiques.

Favoriser la densité urbaine

Les villes africaines ont un développement urbain fragmenté. Les constructions urbaines sont souvent réalisées loin des concentrations urbaines existantes et notamment des pôles économiques et marchands. Cet étalement urbain constitue une entrave à la productivité économique lorsque les emplois sont éloignés des populations et que la faiblesse des infrastructures et des moyens de transport limite leur accessibilité. Il crée également de fortes inégalités, les zones périphériques étant le plus souvent marginalisées alors même que ces dernières concentrent souvent une large part de la population urbaine.

Les villes africaines durables de demain investiront donc massivement dans la densification urbaine et dans le renforcement des institutions urbaines. Quatre pistes sont à explorer en priorité : la mise en cohérence de l'occupation des sols et des infrastructures de transport ; le renforcement des cadres juridiques mis en place pour améliorer le régime foncier et sa gestion ; le renforcement des cadres institutionnels et de la coordination entre autorités compétentes en charge de la planification des investissements dans les infrastructures et celles en charge de la prestation de services ; la mise à profit des nouvelles technologies numériques afin de renforcer la participation des citoyens et du secteur privé à la gouvernance des infrastructures urbaines.

Mettre la mobilité au service de la qualité de vie urbaine

La congestion des villes africaines pèse lourdement sur leur habitabilité, leur qualité de vie et s'explique en grande partie par la faiblesse et la dégradation des infrastructures routières, ainsi que par l'héritage du développement urbain fragmenté des villes.

Bien souvent, les problèmes de mobilité en Afrique sont adressés via des solutions inspirées des modèles occidentaux, principalement fondées sur le renforcement des systèmes de transport public classiques (réseaux de bus, métro, tramway, taxis). Le système de transport artisanal déjà existant est rarement pris en considération. Or ces systèmes de transport en commun informels, avec tous les problèmes sociaux et de sécurité propres au secteur informel, répondent la plupart du temps aux besoins de mobilité de la population et s'inscrivent dans une véritable logique d'organisation des flux économiques associés au service des transports, assez proches des filières économiques formelles.

Plusieurs villes africaines ont aujourd'hui recours aux nouvelles technologies pour comprendre les schémas de mobilité des populations, les dispositifs informels existants et définir sur cette base les grands axes de développement des transports en commun. Par exemple, l'utilisation d'informations anonymisées associées à l'utilisation de téléphones mobiles (ce que l'on appelle statistiques d'appels) permet de mieux comprendre où se situent les emplois et les personnes dans la zone urbaine, et même les heures de déplacement. La cartographie de ces itinéraires et la collecte des durées de trajets et des tarifs peuvent fournir des informations cruciales sur les zones urbaines sous-desservies. C'est le cas des villes d'Accra, avec l'initiative Accra Mobility et de Nairobi avec l'initiative Digital Matatus.

La ville durable africaine de demain saura capitaliser sur les nouvelles technologies pour renforcer l'existant, formaliser ses secteurs économiques de transport et créer les conditions d'une mobilité fluide des personnes.

(*) Directrice des services aux bailleurs internationaux en Afrique francophone chez Deloitte.

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