Gilles Yabi  : «Une monnaie unique est un symbole fort pour une intégration politique»

Eco, la future monnaie commune aux seize pays de l'espace CEDEAO devrait être mise en circulation dès 2020. Sur fond d'un débat, parfois passionné, notamment sur le franc CFA et la monnaie unique, Gilles Yabi, président du think tank Wathi, revient sur la question du franc CFA en termes de stabilité, de contrôle de l'inflation, mais aussi de flexibilité et de production locale.
Gilles Yabi est président du think tank Wathi.
Gilles Yabi est président du think tank Wathi. (Crédits : DR.)

Le débat sur le franc CFA a tendance à occulter celui de la création d'une monnaie de la CEDEAO, l'Eco, prévue en 2020. Peut-on lier la question du franc CFA à celle de la monnaie commune ?

Je considère que l'horizon, c'est l'interaction économique et politique de l'Afrique de l'Ouest dans son ensemble au-delà de l'espace francophone qui utilise le franc CFA. Je suis en faveur du projet de création d'une monnaie unique dans l'espace ouest-africain. C'est un projet existant, officiellement validé par les chefs d'Etat de la CEDEAO depuis de nombreuses années. La question reste désormais sa faisabilité et une réelle volonté politique pour en faire une réalité. La création d'une monnaie unique en Afrique de l'Ouest sera un symbole fort pour une intégration politique. Les pays jusque-là récalcitrants devraient développer une vision sur le long terme, car le développement économique et politique de la sous-région passera par l'interaction, le développement des échanges.

Vous estimez donc que le franc CFA en tant que tel n'est pas le problème ; que les pays de la CEDEAO ont juste besoin d'une monnaie unique pour réussir leur intégration économique et politique...

Le franc CFA existe depuis très longtemps. Or depuis une année ou deux, tout le monde en parle : c'est comme si l'on venait de découvrir le franc CFA, dont l'histoire est liée à la colonisation française. Je considère le franc CFA comme un lien économique ayant une forte dimension politique et symbolique. Il a un côté positif en termes de stabilité, de contrôle de l'inflation, mais aussi un côté négatif en termes de flexibilité et d'encouragement de la production locale. Comme tout système, cette monnaie a des avantages et des inconvénients. L'un de ses inconvénients symboliques importants est qu'elle est liée à la colonisation et aux conditions de la décolonisation. De ce fait, je suis favorable à l'idée d'une prochaine sortie où de la mise en place d'une monnaie différente. L'erreur serait de considérer que l'objectif est tout simplement de sortir du franc CFA. Il s'agit plutôt de se doter d'une monnaie qui permettrait d'avoir des objectifs économiques et surtout de favoriser l'intégration humaine de la sous-région.

Quel serait l'impact de la mise en place de l'Eco, la future monnaie unique de la CEDEAO ?

Il faut à la fois mettre l'accent sur la monnaie unique et l'économie réelle au sein des pays d'Afrique de l'Ouest. La monnaie est importante. Elle a un impact sur l'économie réelle. Mais aujourd'hui, tout le débat est posé comme si seule la monnaie expliquait la situation économique de la sous-région. Or, il existe de nombreuses autres contraintes structurelles, liées à la diversification économique que nous connaissons tous, en termes d'infrastructures, de capital humain, de gestion politique et économique, etc. Je pense que ces questions sont beaucoup plus importantes et influent davantage sur l'absence d'une dynamique économique dans les pays de la sous-région. Il faut poser la question de la monnaie en relation avec tous les chantiers qui permettront à la sous-région de produire plus et de diversifier son économie.

Propos recueillis par Maimouna Dia

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