« L'Afrique a besoin de plus d'argent, mais a davantage besoin d'une meilleure organisation »

Miguel Azevedo est à la tête de l'«investment Banking» en Afrique pour Citibank. Il rejoint la banque en 2012 en tant que patron du «corporate» et «investment banking» au Portugal. Ce banquier qui a également fait ses armes dans les rangs de Merril Lynch et Goldman Sachs, revient pour «La Tribune Afrique» sur la problématique du financement sur le Continent. Pour lui, les fonds sont disponibles, mais juste pour des projets viables. Dans cet entretien accordé en marge de la conférence internationale «Africa Convergence», tenue le 29 septembre dernier à Casablanca, Azevedo nous explique comment les pays africains peuvent accéder au marché international des capitaux.

LTA : Les ressources financières sont importantes pour accompagner le développement de l'Afrique. Comment évaluez-vous les solutions de financements proposées sur le Continent ?

Miguel Azevedo : L'argent est disponible, si vous comptez en faire un bon usage. Tout ce dont vous avez besoin est un bon projet. Cela concerne à la fois les gouvernements et les entreprises. Si les gouvernements sont responsables de la manière dont sera dépensé cet argent, ces gouvernements auront accès aux marchés des capitaux.

Nous avons permis à plusieurs pays africains d'accéder au marché international des obligations, parce que les investisseurs savaient qu'ils utiliseraient ces fonds à bon escient. Idem pour les entreprises. Récemment, nous avons accompagné une entreprise Liquid Telecom pour lever 700 millions de dollars. Les investisseurs les ont suivis, car ils avaient un projet viable.

Si l'argent est là, doit-on en conclure que le Continent manque de projets viables ?

Nous devons être réalistes. Nous avons besoin de projets portés et soutenus par les gouvernements, où les investisseurs africains mettent de l'argent. Les investisseurs étrangers suivront nécessairement. Cela existe aujourd'hui, mais nous avons besoin de beaucoup plus. Si vous faites le tour de l'Afrique, vous trouverez de nombreuses institutions (les banques de développement, Africa50, les banques régionales,... NDLR) et en même temps, il y a encore un grand besoin en infrastructures. Le Continent a besoin de plus de fonds, mais je pense qu'il a davantage besoin d'une meilleure organisation. Et je crois sincèrement que nous sommes sur le bon chemin.

N'y a-t-il pas aussi un effort d'adaptation à faire du côté des bailleurs de fonds internationaux, car sur le Continent, de grands projets sont encore à mener dont le retour sur investissement ne répond pas toujours aux critères de rentabilité classiques. Comment concilier développement, financement et rentabilité ?

C'est justement la question clé. En fait, il existe plusieurs niveaux de financement : lorsque l'on parle de développement, cela suppose d'abord économiser et investir pour pouvoir récolter bien après les fruits. C'est une question intergénérationnelle. Il faut se trouver les fonds aujourd'hui, généralement à travers les taxes ou l'épargne, et les investir pour le futur. Et bien sûr, cela n'est pas toujours évident : les gouvernements exécutent leur mission durant un mandat déterminé dans le temps, alors que les projets de développement dépassent généralement la durée d'un mandat quadriennal quinquennal. Il faudra donc dépasser cet aspect.

Par ailleurs, le Continent a aussi besoin de l'aide des autres Etats. Mais cela suppose que le Continent a déjà surmonté certaines contraintes et applique certaines règles. L'Europe, les Etats-Unis et l'Asie ne peuvent pas être condescendants pour dire aux pays africains ce qu'ils doivent faire. C'est aussi vrai pour un pays -ou un continent- qui a besoin de fonds : il doit présenter assez de garanties assurant que ces fonds seront utilisés pour le bien de tous. Nous avons actuellement le G20 compact, une initiative lancée par Angela Merkel [dans le cadre de la présidence allemande du G20 et qui accorde une grande importance à l'engagement des pays du G20 auprès des pays en développement] dont le principe est simple :  il faut suivre un certain nombre de règles avant de pouvoir bénéficier du soutien financier. Certains pays africains acceptent de jouer le jeu, d'autres non.

A votre avis, la gouvernance pose-t-elle problème ?

Bien sûr. Le sujet de la gouvernance ne concerne pas que l'Afrique. La gouvernance est importante partout. Quand la communauté européenne donne des fonds à certains de ses pays, elle y met des règles très strictes. Nous ne sommes pas dans une logique de l'Europe versus Afrique. Je vous donne un autre exemple, quand Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) veut prêter de l'argent et il y met les règles à suivre.

L'idée que l'Europe doit sortir son chéquier pour aider l'Afrique est-elle toujours d'actualité ?

Elle l'est toujours. Je pense que la crise des réfugiés, aussi dramatique qu'elle puisse être, est en train d'aider en ce sens qu'elle apporte le problème au cœur de l'Europe et permet de sensibiliser les gens qui voient la crise autour d'eux. Ils prennent conscience que le problème est bien réel. Je pense que l'Europe a intérêt à trouver un moyen pour canaliser les fonds vers l'Afrique pour créer des infrastructures, des emplois, réduire l'immigration. Et en créant de l'emploi, on crée une nouvelle économie pour le Continent, ce qui est bien pour l'Afrique, mais pour être honnête c'est aussi bien pour l'Europe.

Comment Citigroup accompagne-t-elle la dynamique que connaît le Continent ?

Nous sommes une banque internationale. Notre travail consiste à connecter les investisseurs et les entrepreneurs autour du monde de plusieurs façons. En Afrique, nous aidons les multinationales à faire du business sur le Continent en mettant à leur disposition les informations, les flux financiers, des lignes de crédits,... Mais plus important, nous aidons les gouvernements à accéder aux marchés internationaux des obligations et nous levons des milliards de dollars utilisés dans le développement des pays. Notre mission consiste également à accompagner les entreprises africaines à aller à l'international.

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Commentaire 1
à écrit le 31/01/2022 à 22:35
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