Le Maroc, tête de proue d’une intégration énergétique euro-africaine

Depuis 2009, le Maroc s'est engagé dans une profonde transformation énergétique pour porter la part du renouvelable à 52 % à l'horizon 2030. Toutefois, les ambitions nationales ne se limitent pas aux frontières du royaume chérifien qui entend déployer sa stratégie sur l'autre rive de la méditerranée et devenir la prochaine plateforme industrielle des énergies propres en Afrique.
(Crédits : Reuters)

A ce jour, les programmes intégrés développés au Maroc lui ont permis d'installer 3 685 MW de puissance électrique dont 700 MW pour le solaire, 1.215 MW pour l'éolien et 1.770 MW pour l'hydroélectrique, selon l'Agence marocaine des énergies renouvelables (Masen). « La naissance de l'agence il y a 10 ans représente le point de départ d'une nouvelle stratégie engagée par le Maroc en matière de développement durable », se félicite Rachid Bayed, directeur du Pôle opérations de Masen. En effet, l'agence a accompagné la montée en puissance du renouvelable au niveau national, et la part des énergies renouvelables (ENR) représente aujourd'hui 34% de la puissance électrique installée, dont 11 % d'énergie éolienne, 16 % d'hydroélectricité et 7 % de solaire.

Fin 2019, on dénombrait une quinzaine de projets en exploitation parmi lesquels le pharaonique projet solaire Noor Ouarzazate (580 MW), mais aussi Tarfaya (301 MW), Aftissat (200 MW), Akhfennir 1 & 2 (200 MW). Actuellement, l'agence nationale porte les projets Noor Midelt I (800 MW) et Noor Midelt II (800MW) qui viendront soutenir les ambitions solaires du royaume, en parallèle au plan éolien intégré (PEI) de 850 MW qui, entre autres projets durables, devrait permettre au Maroc d'atteindre 42% d'ENR à l'horizon 2020 et 52 % en 2030. Toutefois, les ambitions énergétiques marocaines sont loin de se limiter aux seules frontières nationales.

Le Maroc se positionne en Hub des ENR sur le continent

« Le Maroc entend soutenir les ENR au niveau national, continental et international, car plus la dynamique sera importante, plus grande sera la possibilité de réaliser des économies d'échelle et de réduire le prix du KWh », explique Ali Zerouali, en charge de la Coopération et du Développement international de Masen.

A la tête de l'Autorité arabe sur les énergies renouvelables depuis le mois d'août dernier, le Maroc dispose de 4 lignes d'interconnexion avec l'Algérie, pour une capacité d'échange globale de 1.200 MW. Toujours sur le front oriental, le pays accueillera en avril 2020, le prochain Forum arabe des énergies renouvelables. Un rôle qui tombe à pic, au cœur d'une région dont « les projets à venir se comptent en milliards de dollars d'ici 2030, du Maroc aux Emirats en passant par l'Egypte ou l'Arabie Saoudite », souligne Ali Zerouali.

Au niveau continental, le Maroc nourrit également de vastes projets d'interconnexion avec les pays subsahariens via la Mauritanie. « Les études techniques, mais aussi de coûts et bénéfices en cours, démontrent la pertinence et la rentabilité d'une interconnexion qui n'est plus à prouver (...) Plus largement, Masen est aujourd'hui impliqué sur 4 axes principaux: le partage de connaissances et de savoir-faire, le renforcement des capacités, l'assistance technique et le co-développement, dans 14 pays d'Afrique subsaharienne », poursuit-il.

Le Maroc a également rejoint l'African Coalition for Sustainable Energy Access (ACSEA), lancée en septembre dernier, à l'occasion du Sommet des Nations Unies pour le Climat, pour accélérer l'accès à l'énergie durable sur le continent. Par ailleurs, le pays vient de signer un accord-cadre avec Djibouti pour un projet de co-développement solaire. Il accompagne le Rwanda sur l'assistance technique du projet hydraulique Nyabarongo 2 et conduit le projet solaire Safal (100MW) dans le cadre du programme ENR de 450 MW prévu avec la Zambie. Le Maroc intervient également dans les pays du G5 Sahel, à travers le programme «Desert to power» (10 GWh d'énergie solaire d'ici 2025). « La dimension sécuritaire ne nous a jamais empêchés d'intervenir en dépit des mesures de sécurité que nous respectons scrupuleusement. De plus, le risque zéro n'existe nulle part », ajoute Ali Zerouali.

Vers un renforcement de la coopération entre le Maroc et l'Union européenne

Au-delà du périmètre arabo-africain, les initiatives marocaines s'orientent aussi de l'autre côté de la Méditerranée, comme en témoigne le programme d'action 2020-2021 signé le 6 décembre dernier à Paris, entre le Maroc et l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) pour dynamiser la coopération euro-marocaine en matière d'ENR, de sécurité énergétique et de renforcement des capacités...

En 1998, une première interconnexion électrique voyait le jour entre l'Espagne et le royaume, une seconde fut inaugurée en 2016 et la troisième ligne est actuellement à l'étude, tout comme le projet de ligne directe entre le Maroc et le Portugal, d'une capacité de 1 000 MW.

La stratégie d'intégration énergétique européenne du Maroc a connu une nouvelle étape suite à l'accord (Set Roadmap ou Sustainable Energy Trade Roadmap), signé pendant la COP22 à Marrakech, relatif au renforcement des échanges d'électricité d'origine renouvelable pour accompagner l'opérationnalisation de l'Accord de Paris sur le Climat, entre le Maroc l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal et la France. « En décembre 2018, les 5 pays ont signé à Bruxelles, un accord commun sur l'échange d'ENR. L'un des premiers marchés identifiés a été les Green Corporate PPA (Power Purchase Agreement) », précise Ali Zerouali. La mise en place du cadre réglementaire de cette stratégie devrait voir le jour dans les semaines à venir.

Le Maroc avance ses pions en matière d'intégration euro-méditerranéenne, bénéficiant des bons auspices des bailleurs internationaux et notamment de la Banque européenne d'investissement (BEI) qui s'est fixé l'objectif ambitieux au niveau mondial, d'investir 1 000 milliards d'euros dans l'action climatique entre 2020 et 2030.

Trouver des solutions « en Afrique, pour l'Afrique »

« Il est fondamental de développer la formation sur l'énergie en Afrique », estime Badr Ikken, directeur général de l'Institut de recherche en énergie solaire et en énergies nouvelles (IRISEN) basé sur le Campus de l'Université Mohammed VI Polytechnique de Ben Guérir, inaugurée en 2017 et financée par le groupe OCP (leader mondial sur le marché des phosphates). « Aujourd'hui, de nombreuses entreprises marocaines sont capables de travailler sur les technologies de pointe », poursuit-il, rappelant l'excellence nationale illustrée par Rachid Yazami, le Prix Draper 2014, à l'origine des batteries au lithium.

« L'IRISEN développe une plateforme de tests et de formation dans les technologies solaires, adaptées aux conditions climatiques semi-tropicales à Yamoussoukro, avec l'Institut national Polytechnique Houphouët-Boigny. Elle sera finalisée d'ici la fin de l'année (...) En Afrique, 624 millions de personnes n'ont toujours pas accès à l'électricité, ce qui représente un marché considérable sur lequel nous souhaitons nous positionner au niveau des ENR », poursuit Badr Ikken.

« Nous comptons 1 400 étudiants dont 120 venant de l'étranger », se félicite quant à lui, Khalid Baddou, directeur de la communication de l'Université Mohammed VI Polytechnique, qui accueille professeurs et chercheurs venus du monde entier. « Nous avons entrepris une collaboration avec le MIT (Massachusetts Institute of Technology) reposant sur des programmes menés avec des laboratoires de recherche miroir et depuis l'année dernière, nous sommes membres du RU Forum  qui regroupe 120 universités africaines », souligne-t-il, pour illustrer la dimension transnationale des cursus proposés.

Entre investissements massifs et stratégie d'interconnexion transnationale, la formation devrait donc supporter l'ambition du Maroc pour s'imposer à terme, comme l'un des fers de lance des ENR sur le continent.

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