L’industrialisation et les fonds privés, facteurs privilégiés de l’aide au développement en Afrique ?

C’est l’idée que défend Francis Journot, fondateur de Africa Atlantic Axis et du programme pour l’industrialisation de l’Afrique subsaharienne en moins de 20 ans et que confirme un sondage mené par Opinion Way selon lequel 60% des Français partagent cette vision. Une façon d’envisager les liens entre les deux continents qui est surtout un changement de paradigme. Avec les opportunités et les limites que cela sous-tend.
(Crédits : DR)

L'industrialisation est-elle une réponse mieux adaptée aux besoins de l'Afrique pour accélérer son développement ? Oui répondent 60% des Français interrogés par Opinion Way sur la question d'une aide publique au développement qui céderait la main à des capitaux privés tournés vers l'industrialisation. Un sujet qui est loin d'être neutre pour un continent considéré comme le levier de croissance mondiale des prochaines années.

L'Afrique riche de son potentiel en énergie, en innovation, en capital humain aussi, est très regardée par les investisseurs. Les besoins de financement des infrastructures, propres au développement du continent sont conséquents, à la hauteur des enjeux. Ainsi, la Banque africaine de développement (BAD) a-t-elle injecté 44 milliards de dollars en 7 ans, dédiés aux routes, aéroports, ponts et autres projets ferroviaires. La Banque mondiale, elle, chiffre à 2.400 milliards de dollars par an les besoins des pays africains pour faire face, entre autres, aux défis climatiques.

Opinion Way Afrique Journot

Ne pas omettre d'étapes

De son côté, la France a consacré en 2022 un budget à l'aide publique au développement pour le monde de l'ordre de 15,9 milliards d'euros. Le 22 février dernier, le gouvernement français a officialisé par décret une coupe de 742 millions d'euros dans cette aide publique. Ce qui est de nature à contrarier certains acteurs dont les ONG. Mais l'aide publique n'est pas la seule voie estime Francis Journot. Fondateur de Africa Atlantic Axis, il a développé un programme qui vise l'industrialisation de l'Afrique subsaharienne en moins de 20 ans. Une approche qui vient donc en résonnance avec une aide publique qui, selon lui, n'est pas la bonne réponse aux besoins de cette partie du continent.

« Tout est à faire », assure Francis Journot qui voit, par ailleurs, d'un œil assez critique, les tentatives de réindustrualisation en France, estimant que lorsque la désindustrialisation est opérée, il est quasi-impossible de faire machine arrière. Un phénomène qu'il convient de ne pas reproduire donc, justement en ne refaisant pas les erreurs qui ont conduit l'Europe à se battre désormais pour reconstruire son tissu industriel.

Francis Journot qui se place du côté de ceux qui plaident pour un développement de l'industrie qui se fait en respectant chaque étape et en n'omettant aucunes d'elles. Les différentes phases d'industrialisation qui sont, dit-il, nécessaire à la montée en puissance des compétences comme du tissu industriel. Passer directement à la case industrie 4.0 ? Surtout pas.

« Il est indispensable de passer par les différentes étapes. Cela n'est pas équitable sinon et amènerait à produire des inégalités. Si on supprime une étape, les seules bénéficiaires seraient les startups, ceux qui disposent déjà d'une compétence numérique ». Francis Journot qui, de la même façon, pointe les objectifs de développement durable de l'ONU, les ODD précieusement regardés par de nombreux acteurs africains qui tendent à y correspondre et à y répondre. « Ces objectifs amènent l'Afrique à se priver d'une partie de ses réserves », affirme-t-il.

Du besoin de créer des écosystèmes

Ce qui « importe alors c'est d'avoir un programme cadre, suffisamment large », pour n'oublier personne. « Le programme d'industrialisation doit fédérer toute l'Afrique », plaide encore Francis Journot, « pour construire une industrie, il faut créer des écosystèmes », ce qui signifie aussi répondre aux besoins en ressources humaines et donc, entre autres, en formation. Une formation qui doit prendre la forme de cycles courts pour embarquer autour des projets et répondre, vite, à ces derniers.

Mais quels segments industriels choisir ? Existe-t-il des secteurs dont il faudrait privilégier le développement et le déploiement ? Difficile aujourd'hui d'en distinguer certains plutôt que d'autres, « le projet cadre compte avant tout et il est prématuré de rentrer trop dans le détail. Cependant, pour être exact, la nature des industries qui s'implanteront, dépendra surtout des grands donneurs d'ordres internationaux que nous parviendrons à convaincre car ce sont eux qui détiennent technologies, brevets, savoir-faire et marques de commercialisation », note le dirigeant de Africa Atlantic Axis. L'agenda 2063 de l'Union Africaine ne favorise-t-elle pas cette industrialisation souhaitée ? Non, répond Francis Journot, estimant qu'il s'agit davantage de bonnes intentions plutôt qu'une « réelle volonté industrielle ».

Quant à l'investissement, c'est là où une partie des fonds privés doit venir suppléer voire supplanter les aides publiques. Des fonds à la vision long termiste autant que possible et géographiquement étendus aussi pour venir nourrir les immenses besoins et l'appétit de croissance. Si changer de paradigme n'est jamais chose aisée, l'Afrique dispose d'un potentiel qui lui donne les moyens d'être ambitieuse. Et l'Afrique est plus que jamais un partenaire de l'Europe qu'il faut privilégier.

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