Clash USA/Rwanda sur le textile : Kigali réussira-t-elle à tenir ?

Ce que beaucoup craignaient est arrivé. En réponses au relèvement des droits d’exportations de vêtements de chaussures de seconde main au Rwanda, Donald Trump a décidé de suspendre les avantages commerciaux dont bénéficient les vêtements importés du pays est-africain. Pourtant jusqu’ici, le Rwanda exporte plus qu’il n’importe vers le marché américain. Situation difficile.
Ristel Tchounand
(Crédits : DR)

Dans le domaine du café, l'influent producteur et transformateur de café rwandais Pierre Kamere Munyura voit le Rwanda comme « le prochain grand partenaire des Etats-Unis », argumentait-il il y a quatre jours dans une tribune publiée sur le site américain The Hill, se basant sur une récente sortie médiatique du Représentant au commerce des Etats-Unis, Robert Lighthizer. Mais ceci, en cas d'accomplissement, risque de n'être vrai que pour le café. Car en matière de coopération bilatérale dans le textile, le torchon brûle et Washington se veut radical.

Jeudi 29 mars, le président Donald Trump a décidé de suspendre les avantages commerciaux dont bénéficient les vêtements importés du Rwanda, a annoncé dans un communiqué le bureau du représentant américain au commerce. Une décision qui devrait prendre effet dans 60 jours.

Projet de 3 pays, un seul sanctionné

Tout est parti de la décision l'an dernier du Rwanda et ses voisins la Tanzanie et l'Ouganda d'interdire l'importation de friperie de vêtements et de chaussure qui, selon eux, ruinent leurs industries locales de textile. Le Rwanda est passé à l'acte, multipliant par 20 le taux des douanes sur ces produits. La nouvelle est tombée comme un coup de poignard chez les professionnels américains, principaux fournisseurs. L'Association américaine des matériaux et des textiles recyclés est alors montée au créneau. Alertées, les autorités ont tout de suite, lancé un examen pour déterminer l'admissibilité des trois pays à conserver les avantages garantis par de la Loi fédérale américaine sur le développement et les opportunités africaines (AGOA) qui offre des facilités d'entrée sur le marché américain aux pays africains entreprenant des réformes économiques et de gouvernance.

Actuellement seul le Rwanda est sous sanction. La Tanzanie et l'Ouganda sont épargnés. Désormais, le président américain impose comme seul condition au retour sur sa décision, que le Rwanda lève les barrières imposées à l'importation de friperie.

Le Rwanda exporte plus qu'il n'importe

Pour l'heure, Paul Kagame n'a pas encore réagi à la sortie de son homologue américain. Mais au Rwanda, un malaise règne. D'autant plus que les barrières aux importations de vêtements et chaussures de seconde main ne faisaient pas l'unanimité, les commerçants se plaignant de la mise au chômage d'un grand nombre d'entre eux.

Mais face aux plaintes et critiques, Kigali a toujours fait valoir le besoin de développement du pays.

« L'objectif est de voir beaucoup plus d'entreprises produire des vêtements ici au Rwanda. Il s'agit aussi de protéger notre population en matière d'hygiène. Si le Rwanda produit ses propres vêtements, notre peuple n'aura pas à porter des T-shirts ou des jeans utilisés par quelqu'un d'autre. Les gens doivent passer à [ce] genre de mentalité », déclarait récemment à la presse un responsable du ministère du Commerce et de l'industrie du Rwanda.

En pratique, cette fronde met en suspens un business assez dynamique entre les deux pays. En 2017, le Rwanda a importé des Etats-Unis 130 000 dollars de textiles, soit une chute de 60% par rapport aux 330 000 dollars de 2016. En revanche, les exportations rwandaises vers le marché américain ont atteint les 2,16 millions de dollars contre seulement 460 000 dollars environ en 2016.

C'est certainement conscient de ces données que le président américain s'en est tenu pour l'instant à une suspension et non une sortie du Rwanda de l'AGOA. D'ailleurs selon le communiqué du représentant américain au commerce, Trump espère une prise de conscience de la part de Kigali qui ouvrira la porte aux négociations.

Et alors que le gouvernement rwandais mise gros sur l'AGOA afin de booster davantage ses exportations dont le potentiel est jugé prometteur pour la croissance économique du pays, Kigali réussira-t-elle à tenir ferme ? Le compte à rebours est lancé. A compter de ce samedi 31 mars en tout cas, il lui reste 57 jours pour se décider.

Ristel Tchounand

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.