JooL International, la startup ivoirienne qui ubérise l'utilisation des drones en Afrique

Grâce à sa solution de drone « in the box », JooL International, l'entreprise ivoirienne qui a racheté la startup française Drone Hive, s'impose progressivement dans les secteurs de la surveillance, de l'agriculture, des mines et du BTP en Côte d'Ivoire et projette une extension régionale de ses activités. Entretien avec Lancine Doumouya, son co-fondateur.
(Crédits : DR.)

La Tribune Afrique - De quelle façon votre parcours vous a-t-il conduit à concevoir des drones made in Côte d'Ivoire ?

Lancine Doumouya - Je suis diplômé de l'Institut national polytechnique d'Abidjan. J'ai suivi des études en mécanique, électronique, informatique, robotique et systèmes complexes. J'ai rencontré Joseph-Olivier Biley, le co-fondateur de JooL International, alors que j'étais encore étudiant, en 2017. Il cherchait des compétences pour développer les drones au sein de l'entreprise WeFly Agri qui était alors la pionnière du secteur. Je suis arrivé dans cette entreprise à l'âge de 19 ans, comme stagiaire.

Trois ans plus tard, alors que je m'employais à améliorer des drones achetés à l'étranger qui étaient limités en termes de performance, nous avons décidé de créer nos prototypes en créant une nouvelle entité, JooL International. Nous avons lancé l'entreprise en août 2001. Peu après, nous avons racheté Drone Hive pour sa technologie de pointe, ce qui nous a permis de gagner beaucoup de temps en termes de recherche et développement.

Comment avez-vous financé ce projet ?

Nous avons lancé JooL International avec des fonds propres, en investissant plus de 400 millions de francs CFA (environ 600.000 euros, NDLR). Nous cherchons aujourd'hui à agrandir notre chaîne de production, tout en renforçant notre département de recherche et développement. Nous voulons être en mesure de produire des drones d'épandage à la demande et pour ce faire, nous cherchons à lever 500 millions de francs CFA (environ 750.000 euros, NDLR).

JooL International a reçu plus de 30 prix, dont celui de la meilleure startup de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en 2021. Qu'apporte votre solution en matière d'agriculture ?

Nous disposons de plusieurs offres, dont JooL Monitor, un logiciel en traitement de données agricoles collectées par drone, qui s'appuie sur l'Intelligence artificielle (IA) pour effectuer des missions de surveillance à distance. Nous avons aussi développé JooL ID, une application experte dans l'identification, la collecte et le traitement de données des planteurs. Nous avons développé des services d'audit et d'analyse pour permettre aux propriétaires de plantations de connaître l'état de leurs exploitations et nous leur proposons un plan d'action pour optimiser leur productivité. Nous disposons aussi d'un service de location, de maintenance et de fabrication de drones.

Enfin, JooL Spray est notre service de pulvérisation de produits phytosanitaires par drone qui permet un épandage rapide, efficace et précis et qui n'expose pas l'agriculteur aux produits.

Nous avons eu la chance d'être récompensés par plusieurs prix, dont l'un venant de Harvard University, car nous offrons une solution clé en main, qui permet de démocratiser l'utilisation du drone en Afrique. Nos drones sont adaptés au contexte local en termes de connectivité, d'autonomie et de performance globale. Nous avons créé des drones pour l'Afrique qui prennent en compte nos températures, dotés de systèmes de refroidissement adaptés à nos latitudes. Nous contrôlons aujourd'hui toute la chaîne de valeur.

De quelle façon assurez-vous la maintenance des drones que vous produisez ?

Nous disposons d'un laboratoire de production qui assure également la maintenance des drones. Depuis l''année dernière, nous avons ouvert une académie de formation destinée aux télépilotes, à Abidjan. Nous sommes dotés d'un espace de dix postes de travail avec la capacité de former plusieurs cohortes par mois. La formation coûte 400.000 francs CFA (environ 600 euros, NDLR). Actuellement, JooL International est composée d'une petite équipe de trente personnes qui comprend des développeurs, des chercheurs et des techniciens. Je suis à la tête du département recherche et développement et j'assure aussi la maintenance des drones si nécessaire.

Quelle est la valeur ajoutée de la JooL Box que vous avez récemment développée ?

Il y a deux mois, nous avons fini de développer une JooL Box qui permet d'automatiser toute la chaîne de production. Elle pallie aux missions que les télépilotes ne peuvent pas réaliser par eux-mêmes dans les zones éloignées. Cette box est compatible avec n'importe quel drone du marché. Le service qui se rapporte à l'utilisation des drones en Afrique reste couteux, mais grâce à notre « boîte magique », nous permettons à nos clients de réaliser des économies importantes liées au salaire du télépilote, à son transport sur le site et à ses frais de bouche.

Par ailleurs, le télépilote ne peut pas travailler toute la journée et peut être exposé à des risques dans certaines zones dangereuses. Le drone est placé dans la station d'accueil automatisée (JooL Box) sur un site donné et décolle sur demande, à distance. Une fois la mission terminée, il retourne dans sa boîte où il se recharge sur secteur ou grâce à l'énergie solaire. La JooL Box est inviolable, protégée de la faune et des intempéries et permet de récolter de la data sur l'environnement dans lequel elle se trouve, grâce à différents capteurs. Elle se fond dans le décor et se bloque automatiquement si nécessaire.

De quelle façon souhaitez-vous faire évoluer la JooL Box ?

La JooL Box coûte entre 15.000 et 20.000 euros ce qui est relativement cher, donc nous souhaitons produire à plus grande échelle pour faire baisser les coûts. Nous souhaitons aussi la miniaturiser pour la rendre mobile et accessible à un plus grand nombre d'utilisateurs. Nous sommes en pleine recherche et développement pour identifier la meilleure option.

Qui sont vos principaux clients à ce jour ?

Nous travaillons avec des clients très divers : des institutions, des États et des acteurs privés. Nos solutions de sécurisation à distance concernent aujourd'hui des sites comme les forêts, les exploitations agricoles, les chantiers de construction ou les sites miniers. Nous travaillons notamment avec les ministères des Eaux et forêts et de la Défense, pour ce qui relève de la surveillance territoriale, du contrôle des forêts, de la lutte contre la déforestation et contre le braconnage. Nous touchons également les coopératives agricoles. En deux ans, nous avons déjà plus d'une cinquantaine de clients en Côte d'Ivoire.

Cette JooL Box adaptée aux drones intéresse-t-elle déjà d'autres pays africains ?

Nous sommes en discussion avec plusieurs pays. Dernièrement, lors du salon Vivatech à Paris, nous avons rencontré plusieurs interlocuteurs de la sous-région qui se sont montrés intéressés, du Togo, au Cameroun en passant par le Bénin. Nous avons d'ailleurs signé deux nouveaux mémorandums d'entente, l'un avec le Sénégal et l'autre avec la Côte d'Ivoire. Pour assurer la maintenance de nos drones à l'extérieur de la Côte d'Ivoire, nous prévoyons de développer d'autres académies de formation au niveau régional. Nous souhaitons à terme nous développer sur tout le continent africain. Par ailleurs, nous avons récemment rencontré des interlocuteurs originaires d'autres continents, qui semblent intéressés par nos solutions.

Parallèlement à JooL International, vous êtes en pleine diversification de vos activités...

Je mène plusieurs activités en parallèle. Je suis agriculteur et je possède un cheptel de moutons et de bœufs du côté de Bouaké. Je m'intéresse à des solutions de smart cities et je suis impliqué dans une nouvelle entreprise, que j'ai co-fondée avec des amis pour vulgariser les impressions 3D en Côte d'Ivoire. Nous développons un volet formation pour renforcer les compétences locales en informatique et en robotique. A titre personnel, j'ai formé bénévolement plus de 600 jeunes filles depuis 2019, dans le cadre de différents programmes numériques en Côte d'Ivoire (...) Nous allons bientôt nous lancer dans le recyclage de déchets plastiques pour les transformer en matières premières de fabrication numérique. Nous voulons, dans un premier temps, fabriquer des coques de voitures.

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