Aziz Kountché ambitionne d’ouvrir une « Drone Academy » au Niger en 2021

Abdoulaziz Kountché n’est autre que le petit-fils du général Séni Kountché, à la tête du Niger de 1974 à 1987. En quelques années, le jeune entrepreneur est devenu l’un des innovateurs les plus en vue du pays en créant le premier drone 100% nigérien. Du rêve brisé de devenir pilote à la création de Drone Africa Service, une success story « made in Niger » : retour sur le parcours d’un jeune Nigérien qui prouve que la réussite en Afrique est possible.
Aziz Kountché, fondateur de Drone Africa Service.
Aziz Kountché, fondateur de Drone Africa Service. (Crédits : DR)

La Tribune Afrique - De quelle manière votre parcours vous a-t-il conduit vers la conception de drones ?

Aziz Kountché -  Tout jeune, j'étais passionné par l'aéronautique. Je me suis inscrit dans un aéroclub que je finançais en donnant des cours à domicile. Avec l'argent économisé, j'ai réussi à financer mes heures de vol pour obtenir ma licence de pilote. J'ai réalisé tout mon cursus scolaire au Niger et comme les options en aéronautique étaient rares, je me suis orienté vers une licence en gestion commerciale après mon baccalauréat. Je pensais pouvoir intégrer une compagnie aérienne dans les fonctions supports, à défaut de devenir pilote. Le déclic est arrivé autour de 2010 lorsque j'ai décidé de me concentrer sur ma passion. J'ai créé le 1er drone nigérien à cette époque et cela a suscité un certain engouement dans le pays. J'ai vite compris son utilité dans les zones reculées du Niger en proie au terrorisme où les organisations internationales ne pouvaient plus se rendre car le drone permettait de réaliser du monitoring à distance. Je me suis donc improvisé consultant indépendant.

Quelle a été la première mission qui vous a été confiée ?

Ma première mission reposait sur la cartographie de plusieurs villages sensibles aux inondations dans la ville de Gaya. Mon premier client avait besoin de ces informations pour valoriser les digues de rétention d'eau et réaliser son rapport. A l'origine en 2010-2011, je devais cartographier 2 ou 3 villages. Finalement, j'en ai cartographié une dizaine. Avec mes premiers revenus, j'ai investi dans du matériel plus performant (...) Peu à peu, j'ai été approché par de nouveaux acteurs comme le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). L'ONU m'a missionné en 2016 pour cartographier tous les villages situés dans la région de Diffa, en particulier les sites de réfugiés. Avec le temps, il a fallut que je structure mes activités et je me suis aperçu qu'avec moins de 50 euros, il était possible de créer sa propre entreprise au Niger. C'est ainsi qu'en 2016, j'ai fondé Drone Africa Service.

Depuis sa création, comment Drone Africa Service a-t-elle évoluée ?

Elle a beaucoup grandi. Je suis toujours surpris car à l'origine, l'entreprise proposait des prestations de services mais la demande était tellement forte qu'il est devenu de plus en plus difficile d'y répondre. C'est alors qu'il m'est venu l'idée de proposer des formations à mes clients et de les équiper avec nos outils, afin de répondre à cette demande (...) Je me suis orienter vers l'optique produit, en créant un drone adapté aux besoins. Aujourd'hui, nous fabriquons les produits, nous formons nos clients et nous assurons le service après-vente. Par ailleurs, en 2019, nous sommes entrés dans l'aviation légère. Nous utilisons les drones dans le cadre des prestations de service ainsi qu'un aéronef léger pour réaliser des photos aériennes (...) Nous sommes 3 collaborateurs à temps plein et nous travaillons avec de nombreux experts externes, lorsque l'on doit répondre à des appels d'offre par exemple. Notre chiffre d'affaires est passé de 10.000 en 2016, à 150.000€ environ aujourd'hui.

Quels sont vos clients et quel est le périmètre de vos activités ?

Nous travaillons essentiellement au Niger mais nous avons des prestations en cours au Mali et nous avons réalisé des missions au Bénin et au Burkina-Faso. Nous avons également mené des missions transfrontalières dans le cadre de la lutte anti-braconnage à travers le projet « Réserve de biosphère transfrontalière de la région W-Arly-Pendjari » destiné au suivi écologique de la girafe et de son environnement dans la zone de Kouré (...) Pour l'instant, nous ne travaillons qu'avec des partenaires étatiques, des ministères ou certaines ONG qui travaillent avec l'Etat. Nous fabriquons les drones en fonction des demandes (...) Cette année, nous voulons nous orienter davantage vers la formation.

Comment évoluent vos activités de formation engagées il y a 2 ans ?

A ce jour, nous formons une quinzaine de Nigériens en entreprise par an. Nous voulons ouvrir notre projet à d'autres frontières, d'où l'objectif de créer une école, la « Drone Academy » (...) J'ai réalisé tout mon cursus au Niger et je pense qu'il n'est pas nécessaire d'aller chercher le savoir ailleurs. Il est possible de réaliser ses rêves depuis l'Afrique et d'ailleurs, le continent a besoin de garder ses forces vives. Nous voulons toutefois, que la « Drone Academy » soit reconnue à l'échelle régionale et internationale. Le projet avance vite et devrait voir le jour en 2021.

Quelles sont les applications et usages des drones que vous produisez ?

Ils sont multiples comme la cartographie aérienne qui nous permet d'obtenir des données actualisées par rapport aux images satellitaires, dans le cadre de l'agriculture de précision par exemple. Nos applications permettent de calculer la quantité d'engrais ou de pesticides nécessaires aux exploitations. Nous travaillons aussi beaucoup sur le transport car notre objectif est d'optimiser les délais de déplacement de nos drones afin qu'ils puissent à terme, être en mesure de larguer des médicaments et pourquoi pas des vaccins demain...

Quels sont les différents modèles proposés par Drone Africa Service ?

Nous avons décidé de produire un appareil multi-rôle, un drone de série avec des pièces puissent être agençables d'un modèle à un autre. Nous avons ainsi développé des drones série T dont le drone 350 et le drone 400. Chaque drone est décliné en plusieurs sous-catégories. Le T400 est disponible en version S pour la Surveillance, la version M comme « Mapping » pour la cartographie, la version C (Cargo) pour le transport et enfin, la version AG pour l'agriculture de précision. C'est le même drone mais les capteurs diffèrent. La version M par exemple, est dotée d'un appareil photo dédié à la cartographie tandis que la version AG dispose d'un appareil photo spécifique doté d'un capteur NDVI. La version S peut être équipée d'une caméra à usage nocturne.

Où sont conceptualisés et produits les drones que vous commercialisés ?

Ils sont créés et produits au Niger. Nous disposons de notre propre atelier à Niamey, qui ressemble plus ou moins à un makerspace (...) Les pièces détachées que nous utilisons viennent du monde entier. Nous utilisons la colle que l'on retrouve dans l'aéronautique et la fibre de carbone qui vient d'Europe. Par ailleurs, il n'existe pas aujourd'hui d'industries capables de produire de caméra high-tech au Niger. Nous avons donc des fournisseurs répartis à travers le monde, que ce soit en France, en Allemagne, en Australie, aux Etats-Unis, au Japon...

Avez-vous des projets de drones pour transporter des personnes physiques ?

Bien sûr, ce sont des projets qui sont dans les cartons. La technologie ne nous est pas inconnue néanmoins, le plus important, c'est la demande. Produire ce type de drone aujourd'hui correspondra t-il à la demande ? Aux besoins du Niger ? La réglementation s'y prête t-elle ?

La situation sécuritaire au Niger est incandescente : vos drones sont-ils appelés à être utilisés dans le cadre d'un usage militaire ?

Nous ne travaillons pas encore avec le département de la Défense, nous nous focalisons surtout sur l'agriculture, la cartographie et la gestion des risques et des catastrophes, mais cela est possible dans le futur...

Propos recueillis par Marie-France Réveillard.

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