Le développement de l’Afrique passera par l’employabilité de sa jeunesse

La statistique est frappante : en Afrique, six jeunes sur dix sont au chômage. Alors que l’on assiste à l’explosion démographique du continent, l’enjeu de l’employabilité de la jeunesse africaine n’a jamais été aussi important. Par Pierre d'Herbès, expert en intelligence économique.
(Crédits : DR)

On présente souvent, à raison d'ailleurs, les chiffres du chômage en Afrique comme un problème de manque de formation. L'explication est pourtant insuffisante. Le problème de fond réside en réalité dans le décalage entre les formations suivies et les besoins des marchés du travail de pays en voie de développement. C'est pourquoi l'accent doit être mis sur la formation professionnelle et l'apprentissage, aussi bien par les États africains eux-mêmes que par le biais de l'aide publique au développement (APD).

L'Afrique concentre près de 1,3 milliard d'habitants, dont 33 % sont des jeunes âgés de 15 à 35 ans. A l'horizon 2050, on estime que le continent verra sa population doubler, mais surtout rajeunir. Problème : la croissance économique de ces pays ne crée pas assez d'emplois pour absorber la demande.

Corréler offre de formation et besoins des entreprises

Parmi les élèves qui poursuivent une scolarité dans le secondaire puis dans le supérieur, les formations proposées sont très souvent héritées du système français, très généralistes. À titre d'exemple, au Bénin, "le quartier latin de l'Afrique", dont le système scolaire jouit d'une bonne réputation, près de 97% des lycéens sont en filière générale. Dans le même temps, la maintenance du réseau internet est assurée par des travailleurs ivoiriens, faute de compétences locales. Or, une économie peu tertiarisée doit diversifier les cursus.

Les entreprises des secteurs primaires et secondaires peinent à trouver des jeunes disposant d'une formation adaptée, tandis qu'un grand nombre de diplômés sont au chômage. Les problèmes qui en découlent sont nombreux, notamment l'immigration dans l'espoir d'un avenir meilleur, la radicalisation et le banditisme, la pauvreté, la fuite des cerveaux, l'instabilité sociale et politique ou encore la pression sur les systèmes de sécurité sociale. Dans un rapport il y a vingt ans, l'ONU s'inquiétait déjà de la corrélation entre le nombre de jeunes sans emploi et le taux de criminalité du pays hôte.

À la question de l'employabilité de la jeunesse africaine, la formation professionnelle et de l'apprentissage sont des éléments de réponse essentiels. En tout premier lieu, il revient aux États de déployer des politiques adaptées.

Un enjeu pour chaque nation

Si beaucoup marquent un retard, d'autres ont pris le problème à bras-le-corps et en ont fait une priorité nationale. Au Bénin, les initiatives en faveur de la formation technique se sont multipliées, notamment à travers un grand projet lancé en 2022, d'un montant de 300 millions de dollars, en partenariat avec la Banque mondiale (Projet de Formation Professionnelle et d'Entrepreneuriat pour l'Emploi du Bénin). Il prévoit notamment la création et l'équipement de 46 lycées techniques et la formation de plus de 80 000 jeunes d'ici à 2026.

Au Sénégal, un grand projet retient l'attention : celui des formations organisées autour du futur grand gisement gazier offshore de Grand Tortue Ahmeyim. Afin de limiter au maximum le nombre d'emplois occupés par des étrangers, le pays - sous l'égide d'un Président géologue de formation - a très en amont du projet organisé un système de formation qualifiée. Ce dernier a conduit à la création de plus de 3 000 emplois locaux, impliquant 350 entreprises locales. C'est une petite révolution dans la mesure où les pétrolières internationales peinent en général à mobiliser des employés locaux, notamment qualifiés.

La France a multiplié ses aides de formation professionnelle à destination du continent en appui des programmes nationaux les plus volontaristes, avec un volet notable dédié aux femmes. L'efficacité de ces aides, et le fait qu'elles s'inscrivent dans une vision long terme du développement économique, doit inciter non seulement l'APD française, mais également celles des autres pays et des institutions internationales à accentuer leurs efforts. L'enjeu, à terme, est de maintenir une croissance économique corrélée à l'augmentation de la démographie du continent.

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