Finance verte pour l’Afrique : des incantations aux opportunités réelles !

Le potentiel de l’Afrique dans la réalisation des projets d’économie verte et de résilience climatique serait quasi incommensurable. Mais ce continent peine à attirer de manière constante des financements verts, ce qui est un paradoxe. Qui porte la responsabilité de cette carence structurelle ou politico-institutionnelle ? Les gouvernants publics et le secteur privé des pays africains ? La communauté des investisseurs internationaux dont la perception des risques sur l’Afrique peut être souvent biaisés ? Il serait injuste que l’Afrique soit le parent « pauvre » de la finance verte et climatique, alors que sur les autres continents ce type de financement progresse assez rapidement au-delà des critiques sur le « green washing ». Les pouvoirs publics, les entreprises et les ONG d’Afrique, doivent persévérer dans la mise en place de stratégie d’attractivités afin de mieux attirer la finance verte, que celle-ci provienne de capitaux internationaux ou de capitaux africains. Par Roland Portella, Gérant de Dratigus Development, Président de la CADE et Stéphane Brabant, Avocat à la Cour, Senior Partner, Trinity International AARPI.
(Crédits : Reuters)

La COP 28 s'est tenue à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre 2023. Ce fut encore l'occasion de grandes déclarations dont malheureusement trop peu seront mises en application. « Nous habitons la même planète, les problématiques climatiques sont écosystémiques et interdépendantes », n'est-ce pas ce que d'aucuns scandent à satiété ? Les organismes financiers internationaux et nationaux annoncent la croissance et les vertus de la finance verte et climatique, au service des projets de résilience climatique. Est-ce du greenwashing ? Selon certaines ONG, si l'on analyse de près les portefeuilles d'actifs des organismes financiers qui prétendent « verdir » les financements qu'ils octroient aux Etats et aux entreprises, les montants de financements réellement verts seraient finalement très marginaux.

Un besoin de financement vert de 250 milliards de dollars par an

Les projets à forte teneur d'émission de gaz à effet de serre sont toujours prioritaires. Certains discours institutionnels tendent à imposer à l'Afrique un abandon de l'exploitation de ses sources d'énergie thermique. Ce qui serait irréaliste au regard des déficits énergétiques de la plupart des pays africains. L'Afrique doit établir ses propres stratégies de mix-énergétique. L'Afrique serait-elle le « parent pauvre » de la finance verte, malgré les sempiternelles réclamations de justice climatique des acteurs sociaux africains ? Les Etats et les entreprises africaines souffrent-ils d'un manque d'attractivité ? Les chiffres sont éloquents et démontrent cette réalité. Selon la Climate Policy Initiative, l'Afrique aurait besoin de plus de 250 milliards de dollars par an de financement vert, mais n'en capte que 30 milliards de dollars par an. Les flux financiers climatiques mondiaux étant de plus de 630 milliards dollars par an ces dernières années, l'Afrique représente moins de 5 % de ces flux. Ce qui est dramatique au regard de ses urgences environnementales et de développement.

Huit axes pour favoriser la finance verte

Comment inverser la tendance ? Selon nous, huit axes convergents sont à développer, en dehors des questions liées à la gouvernance, pour établir des architectures efficientes de finance verte en Afrique : structurer techniquement les projets d'économie verte afin qu'ils soient attractifs, d'où le nécessité de faire appel à des intermédiaires spécialisés dans la finance dite « verte » ; investir dans le développement des compétences techniques des dirigeants africains en charge de prospecter des financements verts ; réduire les coûts de capital et les taux d'intérêt d'emprunt concernant les projets verts ; mettre les lignes de refinancement des banques à des taux réellement concessionnels ; multiplier les instruments de garantie, de transfert de risque de financement, de « dérisquage » des investissements ; labelliser les projets qui génèrent des crédits carbone dont les prix à la tonne /CO2 pourraient être augmentés sur les marchés volontaires et réglementés de crédit carbone ; clarifier les critères de qualification « vert »  des projets et des produits de financement ; développer des systèmes digitaux de données sur les problématiques environnementales et climatiques, et qui produisent de la prospective sur les opportunités d'activités.

Une banque africaine de transition énergétique ?

Le Fonds Vert pour le Climat et d'autres instruments internationaux sont de « grandes usines à gaz » avec des systèmes d'accréditation. Les Etats africains et les investisseurs privés auraient plus intérêt à créer leurs propres banques et fonds verts, d'autant plus que les opportunités d'activités vertes sont immenses en Afrique : énergies vertes, éco-matériaux, protection de la biodiversité, agroforesterie, tourisme écologique, eau et assainissement, dépollution. La BOAD réussit en 2021 une opération d'émission d'obligations vertes de 800 millions d'euros, afin de financer des projets d'économie verte et bas carbone. La BAD et le Centre Mondial sur l'Adaptation ont lancé une initiative en 2021 qui vise à mobiliser 25 milliards de dollars de financement climatique d'ici 2025. La Kenya Commercial Bank a décidé en octobre 2022 de financer des projets d'adaptation à hauteur de 3 milliards de dollars d'ici 2025, ce qui représenterait 25% du total de ses prêts. Le Rwanda, après avoir créée un fond de résilience climatique de 350 millions de dollars, met en place le projet « Rwanda Catalytic Green Investment Bank ». Afreximbank et l'Organisation Producteurs de Pétrole Africains, travaillent sur la mise en place d'une banque africaine de transition énergétique.

Les initiatives « africaines » de finance verte vont se multiplier. Mais il serait impératif d'éviter que les structures « élitistes » s'accaparent la majorité des flux de fonds verts. La vigilance doit être de mise afin que ce type de financement soit « démocratisé », en impactant ceux qui en ont réellement besoin, les acteurs économiques et sociaux de base, les innovateurs scientifiques et technologiques.

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