Un Rapport en discussion, place à l’action !

Le projet de Rapport d’information sur les relations entre la France et l’Afrique a été débattu fin novembre en commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale. Cette commission a décidé de rendre public ce projet de Rapport. Où l’on remarque l’absence de la contribution du secteur privé. Par Patrice Fonlladosa et Jean-Patrice Poirier*.
(Crédits : Reuters)

Nous nous réjouissons que le continent africain fasse l'objet de discussions à l'Assemblée, les dernières d'importance datent de décembre 2013 à l'initiative d'Hubert Védrine avec ses 15 propositions pour une nouvelle dynamique économique entre la France et l'Afrique. En 2018, le rapport Berville faisait des propositions pour la réforme de l'Aide Publique au Développement. Le projet actuel du Rapport, très documenté, contient beaucoup d'informations et d'analyses, en particulier sur l'origine des difficultés survenues dans la relation de notre pays avec certains pays africains, et sur une nouvelle adaptation de l'Administration française rendue nécessaire pour mieux répondre aux nouveaux enjeux politiques et refonder nos relations. Notre propension très française à l'analyse trouve ici une véritable démonstration de sa mesure. Tout comme la conception des schémas de solutions. Mais quant à l'exécution, la mise en œuvre, nous souffrons historiquement de quelques carences.

Moteur principal du développement

Pourtant une grande absente : la contribution du secteur privé. Dans ce projet, une portion congrue est réservée aux aspects économiques et aux entreprises du secteur privé dont le développement est pourtant d'évidence - et chiffres en main - source de création d'emplois et de richesses. Le PIB annuel par habitant des pays du G7 est de 35 000 $, la moyenne mondiale est autour de 10 000 $, alors que le continent africain stagne à 2 200 $. A l'heure de l'accès débridé à l'information, cet écart est insoutenable et devient dangereux, il nourrit en continu la colère des populations. Le développement économique des pays africains, lié à celui du secteur privé qui en est un des moteurs principaux, est donc un impératif pour « créer les 450 millions d'emplois à l'horizon 2050 » ainsi que rappelé à juste titre dans le document. Et plus précisément, ce sont les PME et les ETI qui occupent aujourd'hui près de 60% des emplois et 90% du tissu entrepreneurial particulièrement vigoureux sur les territoires. Avec une place spécifique réservée au secteur numérique dont un rapport récent de la SFI estime qu'il pourra générer plus de 230 millions d'emplois d'ici 2030. Pour autant, signe d'une réponse inadaptée de l'Union européenne, celle-ci ne prévoit que 7% des sommes allouées dans le cadre du Plan Européen d'investissement -le Global Gateway- à ces mêmes PME d'ici 2030.

Les bailleurs de fonds tentent une incursion encore bien timide pour ajouter au binôme classique « Rentabilité/Gestion des risques » le 3ème élément devenu pourtant central : la mesure d'impact. Ainsi, il est intéressant de noter que l'AFD (Agence Française de Développement) consacre dans son Plan 2021/2027 près de 495 millions d'euros (la plus grande part de ses appuis) au secteur de l'Energie, dans l'interconnexion des réseaux, les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. 600 millions d'Africains n'ont toujours pas accès à un réseau sécurisé d'électricité. Ici les mesures d'impact seront visibles, concrètes et réellement d'utilité publique.

L'Afrique, en attente d'investissements

Il est indispensable que soient renforcés, dans ce Rapport, les trop rares paragraphes évoquant le l'économie et le secteur privé. Certes, sont cités les domaines de la biodiversité, du réchauffement climatique et de la responsabilité sociétale des entreprises, mais ces activités indiquent bien le champ des priorités que nous, Français, souhaitons privilégier, et qui intéressent principalement les pays développés dans un alignement Nord-Sud dépassé. Les Africains, eux, attendent prioritairement des investissements industriels, d'infrastructures et d'équipements dans des usines (seulement 1% de la production manufacturière mondiale est africaine) et dans le secteur agricole (60 % des terres arables mondiales encore disponibles sont en Afrique et la balance commerciale alimentaire africaine est déficitaire). Mais, la croissance économique du continent stagne, ces dernières années, autour de 4% par an, alors que pour sortir de la pauvreté il faudrait un taux autour de 10%. Les nécessaires investissements industriels et agricoles constituent une extraordinaire opportunité pour les entreprises françaises de toute taille dont l'excellence historique et présente dans ces domaines n'est plus à démontrer. Les outils spécifiques de protection des investissements des entreprises françaises (systèmes de garanties etc..) sur ce continent doivent aussi être renforcés et une partie largement plus importante de l'Aide Publique au développement (dont il faudra résolument changer la dénomination) doit être consacrée au secteur privé africain.

Il est naturel et légitime que ce Rapport se concentre essentiellement sur la politique et la diplomatie. Mais le rôle du secteur privé, africain, français et international, est indispensable pour le développement des « Afriques ». Nos voisins européens sont d'évidence beaucoup plus à l'aise avec ces aspects économiques. Afin de participer au développement du continent africain et booster sa croissance, les entreprises françaises se doivent d'être accompagnées par le politique de façon dynamique, décomplexée, les yeux ouverts sur l'avenir en gardant son originalité et ses racines, afin de stimuler leurs investissements locaux, partager les résultats, et ainsi participer à l'amélioration des relations entre l'Afrique(s) et la France.

-----------------------

*Patrice Fonlladosa est ancien Administrateur et Président Afrique de Medef International. Il est également ancien administrateur de l'AFD. Jean-Patrice Poirier est consultant international Eau et Environnement, membre du Groupe Initiative Afrique et de Fraternité Afrique

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.