Mieux choisir nos ambassadeurs pour une meilleure diplomatie économique

Madagascar a lancé un appel à candidatures pour recruter ses ambassadeurs et représentants auprès des Organisations Internationales. Une démarche atypique qui peut s'avérer salutaire en termes de renouvellement des profils et d'ouverture sur des univers comme celui du monde des affaires. Et si la diplomatie économique s'invitait dans la campagne présidentielle française ? Il serait peut-être temps de s'inspirer en France des belles idées issues de l'espace francophone.
(Crédits : DR.)

Recruter des ambassadeurs sur lettre de motivation, curriculum vitae et entretiens... Voici l'idée détonante du ministre des Affaires étrangères malgache !

Une démarche atypique

Le ministère des Affaires étrangères malgache a publié un appel à candidatures d´ambassadeurs et de représentants auprès des Organisations internationales. Cette approche s'inscrit dans la continuité d'un discours du ministre des Affaires étrangères malgache, l'ancien haut fonctionnaire français, Patrick Rajoelina, prononcé en septembre. Ce dernier avait « présenté la politique étrangère de Madagascar basée sur le renforcement de la diplomatie économique, le rayonnement de Madagascar à l'international, l'intensification des liens avec la diaspora et la lutte contre la corruption », rappelle la délégation de l'Organisation internationale de la francophonie dans l'Océan Indien.

Le ministre avait également invité l'ensemble des partenaires et la communauté internationale à soutenir ce vaste chantier et insisté sur la nécessaire implication du partenariat institutionnel public-privé dans le développement de Madagascar.

Objectifs clairement revendiqués : mettre en place des représentations diplomatiques crédibles, efficaces, pro actives et impliquées, grâce à une veille économique et une connaissance du terrain.

On notera toutefois que le ministre a pris soin de prendre l'engagement de ne pas perturber le système de rotation et d'avancement traditionnel des agents diplomatiques du ministère. Il a également précisé sa volonté d'opérer dans la plus grande transparence et dans le respect des lois et règlements en vigueur dans le pays.

Une approche inspirante pour les candidats à l'élection présidentielle française ?

L'ambassadeur de France dans un pays étranger est nommé par le président de la République en conseil des ministres sur proposition du ministre des Affaires étrangères ; une procédure extrêmement solennelle. C'est un des « emplois supérieurs à la décision du gouvernement », qui peut donc, en droit, nommer qui bon lui semble.

C'est d'ailleurs la coutume aux Etats-Unis où les ambassadeurs changent avec les présidents. On se souvient par exemple de Joseph Patrick Kennedy le père de JFK, ambassadeur des Etats-Unis d'Amérique en Grande-Bretagne de 1938 à fin 1940.

En France, cette situation est rare. Le choix se porte quasiment toujours sur des diplomates chevronnés ayant une bonne expérience du métier ; c'est-à-dire ayant le grade de ministre plénipotentiaire ou de conseiller des Affaires étrangères de première classe. Souvent, des anciens élèves de l'ENA.

Un pourcentage des nominations d'ambassadeurs se déroule au tour dit extérieur. C'est ainsi que dans la tradition des écrivains-diplomates, il peut y avoir des surprises comme ce fut le cas de Jean-Christophe Rufin l'ancien médecin, humanitaire et ancien conseiller ministériel.

Une approche à l'américaine ou à la malgache permettrait clairement de varier les profils et de disposer de compétences et de talents dont ne disposent les diplomates issues d'un cursus de haut fonctionnaire classique notamment en matière d'expertise économique. Les grandes business school ont autant la capacité à fournir des profils compétents que les écoles en charge de la formation en administration publique. La vente avortée des sous-marins français à l'Australie doit nous faire comprendre que la diplomatie française gagnerait à s'appuyer davantage sur les compétences des acteurs du secteur privé et sensible aux enjeux économiques et commerciaux.

On notera que les exemples de cette implication économique des ambassades de culture anglo-saxonne en soutien plus ou moins voilé aux firmes de leur pays sont légion : accueil de conférences de presse, prise de parole de l'ambassadeur, facilités administratives...

Par ailleurs, et sans sombrer dans un « wokisme » caricatural, il contribuerait à faire émerger des profils issus de la diversité française.

Des écueils à éviter

Si la démarche est intéressante et peut se révéler efficiente, il convient de se prémunir contre toute déviance ou manque de transparence. Les processus de sélection annoncés par l'Etat malgache devraient être supervisés par un huissier de justice comme suggéré par le célèbre le BIANCO malgache, Bureau Indépendant Anti-Corruption.

Il est vrai que ce type de pratique administrative peut rapidement sombrer dans le népotisme ou le clientélisme et que par le passé le pays et ses différents régimes en place en furent coutumiers.

En France, le contrôle d'une autorité administrative indépendante comme la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ou du Parquet national financier (PNF) pourrait constituer un premier pare-feu à de mauvaises pratiques et une garantie à toute entrave à un recrutement équitable et juste. En somme, voici une voie de réforme à creuser à l'approche de la présidentielle 2022.

(*) Elu municipal à Poissy (Yvelines) en charge de la Citoyenneté, de la francophonie et des relations avec les cultes.

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