L’hétérogénéité de l'Afrique, une complexité passionnante [Tribune]

"L'Afrique ? Un «pays» immense où tous les gens se ressemblent ont le même mode de vie, la même culture et par conséquent, peut s'appréhender de manière parfaitement homogène. Une telle affirmation, quelquefois formulée d'un ton fort péremptoire en Europe, constitue l'une des idées préconçues les plus erronées que six années vécues et travaillées à l'île Maurice, au Maroc, au Kenya, au Togo, au Mali et au Burkina Faso m'autorisent à réfuter énergiquement"... Tribune de Christian Kazumba, directeur régional Afrique du Nord et de l'Ouest du Congo Millenium Business Club.
(Crédits : DR)

Cinquante-quatre états, deux mille langues, mille groupes ethniques, trente millions de kilomètres carrés constituent les principales caractéristiques d'un continent qui s'étend sur plus de 20% des terres émergées de la planète.

Ces chiffres impressionnants permettent de mieux comprendre les disparités importantes en termes de mentalité, d'histoire et de développement économique (l'IDH varie quasiment du simple au double entre le Tchad et le Botswana), que l'on ne manquera pas de relever d'un pays à l'autre.

De plus, l'Afrique noire est composée de nations dont les caractéristiques géographiques diffèrent grandement.

A titre d'exemple, 32% des états africains sont enclavés (ce qui constitue d'ailleurs le pourcentage le plus élevé du monde). Cette situation fait peser sur certaines entreprises, qui y sont implantées, de lourdes problématiques de coût et de délai d'approvisionnement des marchandises, liées à des infrastructures parfois fort dégradées (routes et chemins de fer). A contrario, les pays côtiers (Togo, Djibouti, Côte d'Ivoire) verront dans la mise aux normes et l'optimisation de leurs installations portuaires une formidable opportunité pour optimiser leurs recettes fiscales et douanières (plus de 90% des importations et des exportations en Afrique transitent encore par ce biais).

Malgré la «ténacité» de certains préjugés, les disparités démographiques en Afrique méritent également d'être soulignées ! Avec une population quarante-cinq fois plus nombreuse que celle du Gabon, la RD Congo peut être définie comme l'un des marchés de consommateurs les plus prometteurs. Les taux de fécondité ne suivent pas non plus les mêmes tendances, puisque les femmes du Niger et du Mali mettent au monde, en moyenne, plus de six enfants contre moins de quatre ou de trois pour celles du Kenya et du Botswana.

Bien évidemment, le monde des affaires enregistre, lui aussi, des contrastes fondamentaux que les investisseurs étrangers feraient bien de prendre en considération, avant toute décision d'implantation locale ou de mise en place de stratégie marketing.

Des marchés présentant des niveaux de maturité divers et variés

Le secteur banque-finance et assurance subsaharien ne manque pas de cas concrets permettant d'illustrer une telle affirmation.

Ainsi, le taux de bancarisation est cinq fois plus élevé au Togo qu'au Niger, pays qui appartiennent tous deux à la même sous-région (Union économique et monétaire ouest- africaine).

Par ailleurs, les statistiques officielles démontrent que le chiffre d'affaires du marché des assurances « vie » et « non-vie » en Côte d'Ivoire dépasse de 70% celui du Cameroun, pourtant peuplé sensiblement du même nombre d'habitants.

De fortes dissemblances se retrouvent également dans le domaine des « télécoms », dont le développement en Afrique est parfois évalué, à tort, de manière uniforme. Si le taux de pénétration de la téléphonie mobile peine à atteindre les 50% en RD Congo, le Mali et le Sénégal ont d'ores et déjà franchi le cap des 100%. Alors que le Rwanda peut se féliciter d'avoir le taux de couverture «4G» (95% de la population) le plus élevé du Continent, le Togo vient juste de procéder au déploiement de cette technologie...

Un environnement juridique proposant une attractivité très inégale

Les nations d'Afrique noire assainissent et améliorent leur climat des affaires, et en particulier leur régime fiscal, à un rythme et sur des bases fortement inégales.

Ainsi, la Zambie et la RD Congo partagent une frontière commune mais visiblement pas la même conception de l'imposition sur les entreprises. En effet, la pression fiscale qui pèse sur les PME à Lusaka représente 18% du résultat commercial de ces sociétés contre...54% à Kinshasa.

Les facilitations proposées aux investisseurs étrangers sont également loin d'être identiques.

Un entrepreneur français, en court voyage d'affaires, devra avant toute chose « subir » l'étape de l'obtention du visa, quelques fois chronophage, auprès des chancelleries malienne ou congolaise à Paris. Fort heureusement, le « précieux sésame » pourra lui être délivré dès son arrivée à l'aéroport au Kenya ou au Burkina Faso sans démarche préalable.

Au Togo, les entrepreneurs réalisant au moins 70 % de leurs chiffres d'affaires à l'exportation bénéficieront du régime de la «zone franche» (fiscalité très allégée) et surtout d'un dispositif d'accompagnement pragmatique et efficace, mis en place par les autorités locales via des organismes internationaux. De telles initiatives de soutien opérationnel tardent, hélas, à se mettre en place dans certains pays limitrophes.

Comme on peut le constater, rien ne surpasse l'Afrique en termes d'hétérogénéité et de nuances. Accepter et comprendre l'ensemble de ces dissimilitudes constitue, selon mon retour d'expérience, un véritable facteur clé de succès professionnel sur le continent.

Bon nombre de mises en situation sur le terrain me permettent d'affirmer que le management des équipes opérationnelles et l'approche commerciale des clients finaux diffèrent sensiblement entre le Togo, le Mali et le Burkina Faso.

Non, décidément, l'Afrique n'est pas une masse homogène et c'est notamment pour cela que les nombreux défis qu'elle propose sont aussi passionnants que complexes !

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