Tchad : la virulente riposte du gouvernement à Amnesty International

Pendant une semaine, les officiels tchadiens sont restés mutiques sur le rapport sévère d’Amnesty International. Un silence qui acquiesce face à l’exposé de l’ONG basée à Londres ? Sans doute un temps mis à profit par le gouvernement tchadien afin de mûrir sa riposte. Dans un communiqué-fleuve de trois pages, le Tchad dénonce des «accusations graves» destinées à «saper» les efforts de son gouvernement. Détails.
Ibrahima Bayo Jr.
Fin novembre 2017, le président tchadien, Idriss Déby (ici en Kaptani, l'habit traditionnel tchadien), est cité dans un rapport du Secrétaire d’Etat-adjoint américain à la Justice, l’accusant d’avoir bénéficié d’un prétendu pot-de-vin versé par une entreprise chinoise dans le cadre de l’attribution d’un marché public.
Fin novembre 2017, le président tchadien, Idriss Déby (ici en Kaptani, l'habit traditionnel tchadien), est cité dans un rapport du Secrétaire d’Etat-adjoint américain à la Justice, l’accusant d’avoir bénéficié d’un prétendu pot-de-vin versé par une entreprise chinoise dans le cadre de l’attribution d’un marché public. (Crédits : Reuters)

Réaction tardive, mais une riposte coup pour coup ! Une semaine après le rapport accablant d'Amnesty International, le gouvernement tchadien a porté une charge rétorsive à l'ONG basée à Londres. A la limite de l'accusation d'acharnement et de travail de «sape», les autorités tchadiennes ont pris le temps de trouver leur stratégie.

Trois pages de riposte

«(...) Dans son rapport, Amnesty International parle avec inconscience et légèreté de violations des droits humains, de détérioration des droits à la santé et à l'éducation en passant par le manque des libertés fondamentales, notamment les libertés d'expression, syndicale, d'associations, d'interdiction de manifestations à caractère pacifique et autres», répond le ministère de l'Information pour le compte du gouvernement dans un point de presse écrit de 3 pages.

Le 16 juillet dernier, Amnesty International rendait public un rapport dont la teneur est presque condensée dans le titre : «Budgets en chute, répression en hausse : le coût humain des mesures d'austérité au Tchad». L'ONG britannique y dénonce une dégradation des services sociaux de base pendant que le régime d'Idriss Deby applique des mesures d'austérité sous le bâton de la répression. Une image dont le gouvernement tchadien a voulu se départir.

«Le Tchad a accompli des progrès considérables, notamment dans le domaine de la santé, de l'éducation et des infrastructures», sans compter «l'îlot de sécurité» qu'il constitue face aux «groupuscules terroristes», répond le gouvernement qui met en avant ses efforts dans les droits humains et conteste même les méthodes d'enquête d'Amnesty International qui ne l'aurait pas associé aux enquêtes.

« En produisant à dessein son rapport à charge, dans le seul but de décourager les partenaires techniques et financiers du Tchad, Amnesty International ne cherche-t-elle pas à jeter du discrédit sur le Tchad et à plonger sa population, dans un désarroi total ?», rapporte encore le document. Entre la forme interrogative et l'accusation de travail de sape volontaire envers l'ONG britannique, il n'y a qu'un pas que le gouvernement a franchi en jouant sur les circonvolutions rhétoriques. Mais confronté à la réalité du terrain, l'argument s'éclipse comme bougie au vent.

Le contre-argument consommé de la «déstabilisation»

Même s'il faut reconnaître que, bien souvent, les ONG internationales appliquent des grilles de lecture occidentales à des Etats africains tenus à la gorge par les priorités sociales, le régime tchadien n'est pas exempt de toute critique. Son allergie à la contestation de mesures souvent imposées se traduit par la répression violente des manifestants qui ne font que chercher un exutoire à la colère sociale.

Plus loin, les multiples scandales de corruption, que l'ONG Swissaid sur la corruption et aujourd'hui Amnesty International sur le coût humain de la pilule de l'austérité ont consignés dans des rapports, ne sont que la manifestation d'un défaut dans la gestion d'Idriss Deby, lui-même cité dans des scandales. Pour camoufler ce déficit de bonne gouvernance, le régime userait-il de la canne présidentielle pour faire taire les voix discordantes ?

L'argument du travail de sape n'est pas nouveau pour expliquer une réalité. Face à l'accusation dans la ténébreuse affaire des pots-de-vin  prétendument reçus par le président tchadien, Idriss Deby avait aussi sorti son joker de la déstabilisation en guise de contre-argument. Celui-ci s'avère désormais consommé. Il est peut-être temps de répondre aux problèmes par de véritables mesures. Non par un ping-pong de communiqués aux rapports.

Ibrahima Bayo Jr.

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