Coronavirus : l’Afrique subsaharienne exposée à une première récession en 25 ans

La Banque mondiale se montre alarmiste sur l’impact économique de la crise sanitaire du coronavirus en Afrique subsaharienne. L’institution de Bretton Woods prévoit une récession en 2020 où la croissance du PIB régional plongerait de 2,4% en 2019 pour se situer entre -2,1% et -5,1% en 2020. Si ces pronostics se vérifient, ce serait une première en 25 ans.
Ristel Tchounand
Kigali, capitale du Rwanda.
Kigali, capitale du Rwanda. (Crédits : DR)

En 2020, l'Afrique subsaharienne pourrait entrer en récession pour la première fois en 25 ans. C'est le pronostic alarmiste de la Banque mondiale dans son rapport Africa's Pulse dévoilé ce jeudi. L'institution financière internationale s'attend à une plongée de la croissance du PIB régional entre -2,1% et -5,1% en 2020, contre 2,4% en 2019.

Le COVID-19 est venu déjouer tous les pronostics de croissance à travers la planète, alors que les prévisions étaient plus ou moins optimistes pour l'Afrique. Début janvier, la Banque mondiale elle-même prévoyait une tendance haussière de la croissance du PIB au sud du Sahara à 2,9% en 2020.

Jusqu'à 79 milliards de dollars de pertes potentielles

Selon l'Institution de Bretton Woods, la région pourrait compter entre 37 et 79 milliards de dollars de pertes de production, en raison notamment des perturbations commerciales et du chamboulement des chaines de valeurs. Les experts de la Banque mondiale, comme beaucoup d'autres, imputent cette contre-performance attendue à « la chute brutale de la croissance du PIB des principaux partenaires commerciaux de la région, particulièrement la Chine et la zone euro, à la baisse des prix des matières premières, la réduction de l'activité touristique dans de nombreux pays ainsi que les effets des mesures destinées à maîtriser la pandémie mondiale du COVID-19 ». Tout cela expose la région à d'importants risques macroéconomiques.

Naturellement, les pays dépendant des exportations de matières premières, en particulier le pétrole et les mines, seront les plus touchés. Leur croissance du PIB pourrait fléchir « jusqu'à 7 points de pourcentages » pour les pétroliers, et « jusqu'à 8 points de pourcentage » pour les miniers, relève le rapport. Le Nigéria, l'Angola et l'Afrique Sud serraient les plus grandes victimes de cette crise. « Les simulations des modèles suggèrent que, comparée à un scénario de base sans COVID-19, la croissance moyenne du produit intérieur brut (PIB) réel dans ces trois pays pourrait connaitre une réduction allant jusqu'à 6,9 points de pourcentage en 2020 dans le scénario de base, et jusqu'à 8 points de pourcentage dans le scénario pessimiste », expliquent les analystes.

Ces sombres années d'avant 1995

Historiquement, l'Afrique subsaharienne est restée un maillon peu performant sur le plan économique jusqu'au début des années 1990. La croissance économique régionale dépassait difficilement et la région, pourtant riche en ressources naturelles, était globalement caractérisée par l'extrême pauvreté. Mais à partir de 1995, grâce à la vision et au courage de certains leaders politiques, les performances de plusieurs pays sortent du lot, tirant ainsi toute la région.

Une note des experts du Fonds monétaire international (FMI) datant de décembre 2000 note que c'est à partir de cette période qu'on assistera à une progression du revenu réel par habitant et que certains pays rompront avec le cycle vicieux d'une croissance faible. « Si le redressement des termes de l'échange y a aussi contribué, cette embellie a été possible avant tout parce que de nombreux pays se sont engagés à mener une politique macroéconomique saine, à s'ouvrir davantage sur l'extérieur, à mieux gérer leur économie et à relever le formidable défi économique et social », commentent les auteurs de la note. « Là où les autorités ont tenu ce cap, ajoutent-ils, la croissance s'est accélérée et la pauvreté a reculé ». La crise du COVID-19 n'est-elle donc qu'un test du sens visionnaire, de l'audace, de la perspicacité des « autorités » en Afrique subsaharienne ?

Énième appel à geler les dettes

Plusieurs économies locomotives subsahariennes ont annoncé des contractions records de leur croissance. La Côte d'Ivoire à titre d'exemple s'attend à une réduction de moitié de sa croissance à 3,6% en 2020 si la pandémie est maîtrisée à fin juin.

Pour gérer cette crise, au-delà de la stratégie, les pays africains ont besoin de fonds. La Commission économique pour l'Afrique a tablé sur 100 milliards de dollars, qui sont en train d'être débloqués au fur et à mesure par les institutions financières internationales. Au regard cependant du niveau de la dette extérieure de plusieurs d'entre eux, le président de la Banque mondiale David Malpass et la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva, ont demandé la suspension des remboursements des dettes bilatérales. Le président du Sénégal Macky Sall a également abondé dans ce sens. Et dans son nouveau rapport, le bureau Afrique de la Banque mondiale en rajoute une couche. Cesar Calderon, économiste principal de la banque, pense que c'est le moyen de « sécuriser les ressources nécessaires d'urgence pour lutter contre COVID-19 et pour aider à gérer ou à maintenir la stabilité macroéconomique dans la région ».

Avec ses 54 pays et son milliard d'habitants, l'Afrique reste la région du monde la moins touchée par le coronavirus et enregistre plus de guérisons que de morts. Et même si les pays tentent de contrecarrer l'avancée de la pandémie, l'opinion pointe çà et là, un certain manque de rigueur, craignant une prolifération silencieuse de la maladie.

Ristel Tchounand

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