Tech : timide présence de l’Afrique au Mobile World Congress

Du 27 février au 2 mars, le Mobile World Congress de Barcelone présentait les dernières innovations du secteur des télécommunications. Entre IA et métavers, 5.5G et IoT, les professionnels du secteur ont rivalisé d'ingéniosité dans un écosystème où l'anticipation a laissé peu de place à une Afrique encore sous-représentée.
(Crédits : MWC)

La météo n'est pas au beau fixe en ce jour d'ouverture du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone, mais cela n'a pas découragé les professionnels des télécommunications venus des quatre continents. Dès l'ouverture du salon, l'un des grands raouts de l'industrie de la connectivité mobile organisés par GSM Association (GSMA), une file d'attente disciplinée patientait devant les portes du Parc des expositions Fira Barcelona. Quelque 80 000 personnes venues de 176 pays étaient attendues pour cette nouvelle édition. Parmi les sujets phares de 2023, l'intelligence artificielle (IA), l'IoT (Internet des objets) et la 5G se sont taillé la part du lion.

Alors que l'Afrique accélère sa marche vers la 5G, les mastodontes du secteur présentent déjà la 5.5G. « En évoluant de la 5G à la 5.5G, nous allons passer d'une vitesse de 1 gigabit par seconde à 10 gigabits par seconde », explique Adnane Ben Halima, vice-président en charge des relations publiques pour la région Huawei Northern Africa, sur le stand de l'entreprise qui s'étendait sur plus de 24 000m2.

D'après l'Association mondiale des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile (GSMA), les réseaux de téléphonie mobile 5G pourraient représenter une contribution de 26 milliards de dollars en Afrique d'ici 2030. L'Afrique du Sud a ouvert le bal dès 2020 (Vodacom, MTN et Rain). Depuis, le Nigéria (MTN), le Kenya (Safaricom), le Lesotho (Vodacom), le Togo (TogoCom), les Seychelles (Cables and Wireless), Maurice (Maritius Telecom), l'Éthiopie (Safaricom), le Zimbabwe (Econet Wireless) et la Tanzanie (Vodacom) ont franchi le pas de la 5G. « 2023 devrait être l'année de l'accélération des réseaux 5G en Afrique. Huawei va poursuivre ses investissements en Afrique pour soutenir son développement et faciliter la transformation numérique du continent », assure Adnane Ben Halima.

huawei MWC

Le nombre d'abonnements aux réseaux de téléphonie mobile de 5e génération était estimé à 7 millions en 2022 et devrait passer à 150 millions en 2028. D'ici à 2025, la 5G représentera 4% des connexions en Afrique subsaharienne selon le rapport The Mobile Economy Sub-Saharan Africa 2022 publié par la GSM Association, contre une moyenne mondiale de 25 %. Si le coût des smartphones 5G reste prohibitif pour la majorité des foyers africains, la recherche avance à marche forcée. Les experts de Huawei travaillent déjà sur la mise en place de la 6G « Nous sommes encore dans une phase conceptuelle et la 6G ne devrait pas être opérationnelle avant 2030 », souligne néanmoins Adnane Ben Halima.

Pourquoi une si faible présence africaine sur le MWC 2023 ?

« Encore près d'un Africain sur deux n'a pas accès à l'électricité en Afrique, donc la plupart des technologies présentées aujourd'hui à Barcelone ne nous concernent pas directement, qu'il s'agisse du Métavers ou de l'IoT », explique la Burundaise Diane Kaneza qui représente Afric Ethics Finance, dont la mission est de lever des fonds pour développer des projets infrastructurels, énergétiques et technologiques sur le continent africain.

Pour Hassen Manei, directeur exécutif de la Fondation Tunisie pour le développement qui accompagnait cette année une demi-douzaine de startups, « cette sous-représentation de l'Afrique au MWC est regrettable, car il existe un potentiel de développement technologique considérable sur un continent où les besoins sont immenses ». Ce constat ne décourage pas pour autant Hassen Manei qui s'apprête à soutenir l'implantation de nouveaux hubs technologiques au Niger et en Côte d'Ivoire. Depuis quelques années, la Tunisie s'affirme en effet, comme le nouveau provider de compétences technologiques sur le continent africain.

« On parle déjà de 6G alors que les Africains rencontrent toujours des problèmes d'accès à l'énergie ou d'approvisionnement en eau. L'Afrique doit avant tout combler ses fractures humaines et pour ce faire, la technologie a son rôle à jouer », explique-t-il avec pragmatisme.

Alors que plusieurs délégations officielles (Bénin, Rwanda et Tanzanie notamment), mais aussi l'Alliance Smart Africa, avaient fait le déplacement à Barcelone, seulement quelques dizaines de startups et d'opérateurs africains étaient représentés. « Nous accompagnons des startups de pays émergents depuis 2018 sur le WMC », explique Haifa Ben Salem de l'International Trade Center (ITC), une organisation onusienne spécialisée dans le soutien aux entrepreneurs des pays du Sud (dont 80 % en Afrique).

« Sur huit startups sélectionnées, deux n'ont pas réussi à venir, faute d'obtention du visa », regrette la jeune femme. « C'est dommage, car nous avons réalisé plusieurs levées de fonds depuis 2018, grâce à cet évènement (...) La question de l'obtention des visas en Europe pose aujourd'hui un vrai problème. À terme, cela pourrait démotiver les entrepreneurs de l'écosystème digital africain qui n'ont par ailleurs, aucune difficulté à se procurer des visas dans les pays du Golfe par exemple », prévient-elle.

GSMA Fund au service de l'excellence africaine

Au second jour du Mobile World Congress, le GSMA Innovation Fund réunissait les pépites africaines du salon, venues d'une Afrique anglophone toujours aussi dynamique. De la Sierra Leone (Waste Transformers Freetown) au Kenya (Signs Media ou Aquarech) en passant par le Nigeria (CoAmana). « Cette année, notre sélection a mis en avant plusieurs initiatives relatives à l'agriculture, au handicap et à l'environnement », explique Max Cuvillier, responsable du développement mobile de GSMA. « Mi-mars, nous lancerons une nouvelle cohorte d'une douzaine de startups spécialisées sur le climat. GSMA Innovation Fund accompagne les startups sur plusieurs mois, pendant lesquels nous mettons notre réseau à leur disposition et les aidons à développer des partenariats », précise-t-il.

En s'associant à l'Organisation de développement du Commonwealth étranger du Royaume-Uni, à la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit et à l'Agence suédoise de coopération internationale au développement, GSMA Innovation Fund entend tirer le meilleur parti du financement public pour catalyser l'innovation numérique, en particulier sur le continent africain.

Cette année, l'organisation avait sélectionné quelques-unes des startups les plus novatrices du continent comme CoAmana (Nigéria), Signs Media (Kenya) ou encore The Freetown Waste Transformers (Sierra Leone). Aminata Dumbuya Jarr, CEO et fondatrice de Freetown Waste Transformers (FWT), une entreprise qui transforme les déchets organiques en biogaz, en électricité ou en fertilisant agricole, était venue chercher de nouveaux partenariats pour développer ses activités.

Aminata Dumbuya Jarr  Freetown Waste Transformers,

La femme d'affaires cherche à multiplier les sites de retraitement des déchets organiques à travers le processus de digestion anaérobie, en Sierra Leone. « C'est un processus naturel biologique qui dégrade la matière organique en l'absence d'oxygène et la transforme en biogaz. Cette technologie est le résultat des recherches de notre partenaire, The Waste Transformers basé aux Pays-Bas », explique-t-elle.

The Waste Transformers a été récompensé lors de la COP27 de Sharm-el-Sheikh dans le cadre de l'Africa Grows Green Award, pour avoir trouvé une alternative aux effets environnementaux des déchets alimentaires qui produisent du méthane (un gaz à effet de serre près de 30 fois plus puissant que le CO2). Cette solution qui permet la transformation locale des déchets en biogaz représente aussi une alternative aux engrais traditionnels. « Nous cherchons actuellement à renforcer nos activités et à créer une application consacrée à la gestion des déchets (...) Nous avons déjà mobilisé 3,9 millions de dollars pour développer nos installations et aujourd'hui, nous recherchons des expertises spécifiques pour la collecte des déchets ».

L'entrepreneure s'attèle à structurer un réseau de 40 digesteurs de déchets (50-100kW) conteneurisés qui seront gérés directement par les entrepreneurs locaux. « À terme, nous souhaitons étendre cette solution dans plusieurs pays d'Afrique, car les besoins sont considérables », ajoute-t-elle. L'initiative à la croisée des enjeux énergétiques, agricoles et climatiques, a su s'attirer l'attention des représentants de quelques-uns des principaux fonds de capital-risque, réunis ce jour-là à Barcelone...

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