Kiné-Seck Mercier : « Il faut avant tout changer la relation de l'Afrique avec elle-même »

Organisé du 2 au 6 juillet 2021, le « Forum Share Africa » s'est fixé l'objectif de créer de nouvelles synergies entre les générations autour des thèmes relatifs à la technologie, la science, la culture, l'entrepreneuriat ou l'environnement. « Pari réussi » selon Kyné-Seck Mercier, la présidente du Comité consultatif de Share Africa qui s'attèle déjà aux prochains rendez-vous de cette initiative pensée pour réinventer le narratif du continent « in » et « out of Africa ».
(Crédits : Africa Share)

La Tribune Afrique - En substance, que recouvre le Forum Share Africa organisé à Paris du 2 au 6 juillet ?

Kiné-Seck Mercier - Share Africa est née de l'ambition de porter un regard nouveau sur l'Afrique et de mettre le potentiel du continent en lumière. Le forum est la synthèse de plusieurs initiatives dont les « Soirées de l'Innovation », lancées en décembre 2020. Ces rencontres sont l'occasion de débats qui réunissent entrepreneurs, artistes, agents d'innovation et créateurs de contenus, autour de questions africaines. Nous avons abordé des thèmes comme l'industrie du jeu vidéo, l'entrepreneuriat ou encore le cinéma. L'idée était de créer un pont entre les générations pour impulser de nouvelles synergies. Nous avons également organisé des « Entretiens  Share Africa » avec des acteurs locaux et des membres de la diaspora. Ces entretiens ont mis en exergue des rôles-modèles comme Jay Naidoo, l'ancien ministre de Nelson Mandela, l'écrivain Tahar Ben Jelloun ou encore le chef étoilé Mory Sacko. Share Africa est une synthèse de ces initiatives.

Le forum digital avait pour objectif d'offrir un espace de visibilité aux entrepreneurs, économistes, scientifiques, designers ou étudiants africains, qui proposent des solutions innovantes [...] Nous avons eu la chance d'être accompagnés par de nombreux partenaires institutionnels, privés ou médiatiques comme l'Agence française de développement (AFD), Business France, le CIAN, le groupe Huawei, la Fondation L'Oréal, HEC-Paris, Balenciaga, AAC55 (Action Africa Culture), mais aussi France 24, RFI ou TV5 Monde...

Quels ont été les temps forts de Share Africa et quel est le bilan de cette édition 2021 ?

Pour le moment, le bilan de cette édition est très positif, car nous avions 500 inscrits sur notre plateforme et une quarantaine d'intervenants ont participé au forum. Nous attendons encore les chiffres, mais nous sommes satisfaits [entretien réalisé le 7 juillet, ndlr]. Il a été question d'entrepreneuriat, de technologie, de culture, de développement durable, de science et de santé notamment. En période de pandémie, nous avons cherché à mettre en exergue la résilience du continent africain. Par ailleurs, nous voulions donner la parole à des créateurs, des entrepreneurs et des acteurs de la société civile, porteurs de projets à impact, pour inspirer la jeunesse africaine. Nous avons cherché à faire se rencontrer différentes générations afin de favoriser les transferts d'expériences et c'est en cela que se distingue Share Africa.

La cérémonie d'ouverture qui a rassemblé Jay Naidoo, figure sud-africaine de la lutte anti-apartheid, Coumba Touré, coordonnatrice du mouvement African Rising pour la paix, la justice et la dignité et deux jeunes lauréats du « Hackathon » et de la « machine à rêves », Chloé Bertrand, la fondatrice de Afrorama et Ghislain Izakoze, fondateur de Wastezone, a constitué l'un des temps forts du forum. Le panel « Women in Sciences » qui a réuni Valérie Gbonon, chercheuse et médecin biologiste à l'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire, Francine Ntoumi, présidente de la Fondation congolaise pour la recherche médicale, Meriem Chadid, astronome, exploratrice et enseignante-chercheuse à l'Université de Côte d'Azur, Fatoumata Ba, médecin et chercheuse à l'UGB de Saint-Louis et Karine Ndjoko, directrice du BEBUC et professeur de chimie, a également représenté un autre temps fort de ces rencontres. Les filles africaines sont encore trop peu nombreuses dans les sciences et manquent de rôles-modèles féminins scientifiques, d'où l'importance de ce type de panel.

Quelles seront les suites données au forum Share Africa ?

Nous avons multiplié les appels à l'engagement et aux investissements. Nous avons posé les premiers jalons d'une aventure qui est appelée à se pérenniser dans le temps. Les lauréats du Hackhaton recevront des bourses pour mener leur projet à bien. Dans le cadre de l'initiative « Africa Fashion Up » soutenue par Balenciaga, les jeunes créateurs lauréats recevront un accompagnement et participeront à un défilé de mode à Paris, le 17 septembre prochain, à l'Hôtel Salomon de Rothschild. Parallèlement, les « Soirées de l'Innovation » vont se poursuivre.

Dans quelle mesure la pandémie de Covid-19 a-t-elle impacté le forum Share Africa ?

Nous avons longuement réfléchi avant de dématérialiser le forum. Nous avons finalement pris le parti de maintenir la date de la rencontre et de l'organiser de façon 100% digitale, compte tenu du contexte sanitaire. Nous pensons que c'est maintenant qu'il faut réagir au monde post-Covid pour proposer des solutions, car nous nourrissons une vision sur le temps long. Share Africa est un concept appelé à se poursuivre et nous espérons pouvoir organiser des éditions en présentiel, dès que les conditions sanitaires le permettront.

Share Africa s'inscrit-elle dans une démarche de renouvellement de la relation Afrique-France, appelée de ses vœux par le président Macron ?

Il faut avant tout changer la relation de l'Afrique avec elle-même. Jay Naidoo déclarait lors du forum que : « To solve african problems, we need african to find solutions » [« Pour résoudre des problèmes africains, nous devons trouver des solutions africaines », ndlr]. Notre destin nous appartient. En parallèle, nous cherchons à faire évoluer le narratif autour de l'Afrique, en exposant les initiatives de la jeunesse africaine à l'international. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette première édition du Forum Share Africa, bien que dématérialisée, s'est tenue à Paris. Nous voulions démontrer que l'Afrique a toute sa place dans l'écosystème global, tout en créant du lien entre les pays.

Comment dépasser la surestimation des risques qui freine encore les investissements vers l'Afrique ?

Je travaille dans un cabinet de recrutement [Egon Zehnder, ndlr] et à ce titre, je vois une évolution sensible en matière de perception des risques en Afrique. Pour investir, il faut une « equity story » attractive afin que le risque perçu, soit au moins égal au risque réel. Trop souvent, le risque perçu est surestimé. Les initiatives comme Share Africa permettent de mettre en lumière la réalité des potentiels africains [...] Si des fonds de private equity investissent désormais sur le continent, les grands investisseurs mondiaux n'ont pas encore cette passion pour le continent, mais nous pensons que cela ne saurait tarder, au regard des activités de Goldman Sachs en Afrique actuellement...

Propos recueillis par Marie-France Réveillard

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