Abigail Assor : « Le sable dans lequel on est né, on ne peut pas le changer…»

C’est l’une des révélations de cette rentrée littéraire. « Aussi riche que le roi » est un premier roman écrit par une jeune auteure d’origine marocaine, Abigail Assor. Difficile de lâcher cet ouvrage d’un peu plus de 200 pages dont le rythme s’accélère au fur et à mesure de la progression, avec une écriture nervurée, qui raconte avec des mots simples des choses compliquées, puisqu’il est question d’argent, d’amour, de classes sociales, de barrières invisibles, de transmission. Écrit comme un film, cet objet littéraire est au croisement de « Casanegra », « Much Loved » et « La Courtisane », dans le Casablanca des années 90 qui n’a pas encore connu l’alternance politique de 1998, la réforme du code du statut personnel, et dont les disparités sociales sont décrites comme autant d’abîmes entre les personnages. L’intrigue, quant à elle, est intemporelle, mais également d’une actualité saisissante. Entretien avec la romancière.
Abigail Assor
Abigail Assor (Crédits : Francesca Mantovani)

Sarah, seize ans, est belle à se damner et fauchée comme les blés, vivant dans un quasi-bidonville dans le quartier populaire de Hay Mohammadi. Française de naissance, elle est scolarisée gratuitement au sein du lycée français et fréquente la haute société de Casablanca. Sa beauté, elle le sait, lui permet d'obtenir des avantages matériels de la part de garçons. Mais elle veut plus. Elle veut tout. La richesse immense de la famille de Driss, un héritier ployant sous le poids de la transmission d'un empire industriel du textile. Driss est laid, et n'a pour lui que des yeux « verts comme le thym ». Ce livre, "Aussi riche que le roi" raconte l'histoire d'une ambition, celle qui permettrait à Sarah d'accéder à la richesse et à la morgue qui l'accompagne, afin de s'extraire de sa condition.

La Tribune Afrique - La narration de « Aussi Riche que le Roi » se situe dans le Maroc des années 90, avec son café billard, son sandwich thon tomate et son portefeuille a scratch. Or cette époque n'est pas celle de votre génération. Comment avez-vous construit le décorum du livre ?

Abigail Assor  - J'étais assez très attachée aux années 90, et effectivement j'étais très jeune, puisqu'en 1994 j'avais trois ans. Je n'ai donc pas énormément de souvenirs de cette année en particulier, mais c'est vrai qu'il y a quelque chose de sensoriel qui m'était resté de ces années 90 : les objets, les odeurs...

Je travaille beaucoup avec les images et je suis aussi très attachée aux photos, que ce soit les photos familiales, ou celles que je trouve sur internet. Il y a donc cette esthétique des années 1990 qui me tenait à cœur. Mais c'est d'abord pour des raisons presque égoïstes que le livre se situe à cette époque, puisque c'était une esthétique sur laquelle j'aimais écrire, que j'aimais décrire. Et puis, il se trouvait que l'histoire trouvait mieux sa place sous la sorte de « pesanteur politique » de ces années. C'était un heureux hasard. Mais effectivement, j'étais très jeune et pour me documenter j'ai beaucoup discuté avec mes parents, les amis de mes parents, j'ai regardé des photos, des films et c'est ainsi que j'ai construit cette esthétique qui me revenait « par flashs » de l'enfance, mais qui n'était pas forcément celle que j'ai connue.

En ces temps d'hégémonie du politiquement correct, croisée avec les mouvements "Metoo, "Me too inceste", raconter l'histoire d'une jeune femme qui veut prendre l'ascenseur social en usant de sa beauté physique va à l'encontre du discours ambiant. Surtout que l'héroïne est une « technicienne » de la relation amoureuse, qui dissèque, conceptualise, comprends et agit selon des schémas masculins qu'elle décode au scalpel. Est-ce que vous vous êtes posé la question de la confrontation de ces deux réalités ?

Je ne suis pas sûre que cela aille à l'encontre du discours ambiant. Car, si on se met vraiment à la place du personnage de Sarah qui a 16 ans et qui vit dans les années 90 au Maroc, elle n'a pas forcément les ressources psychologiques, financières et émotionnelles pour se dire que le système doit être déconstruit, afin qu'elle en sorte. Elle est tout simplement « victime du système » et elle cherche des moyens de s'en sortir à l'intérieur de ce système. Aujourd'hui il y a une grande différence entre ce qu'on appelle « female empowerment » et le féminisme « radical ». Le « female empowerment » est à peu près ce que fait Sarah, ce n'est pas tout à fait du féminisme, mais ça en quand même tout l'air. Elle essaie de trouver les moyens de s'en sortir dans un système patriarcal. A 16 ans dans les années 90, Sarah ne peut pas prétendre à plus que cela. Elle n'est pas dans une époque où les avancées sociales lui permettent d'avoir ces ressources psychologiques et ce regard critique. Elle n'a pas tellement de choix.

Ce n'est certes pas le chemin que prennent les femmes en ce moment avec le mouvement "Metoo" ou "Me too inceste" ..., mais c'est aussi une manière de montrer que quand on n'est pas dans la déconstruction, on n'a pas énormément de moyens en tant que femme pour s'en sortir. Il s'agit aussi de montrer ce que sont les femmes lorsqu'elles sont victimes d'un système patriarcal. Pour moi, Sarah n'est pas non plus dans la conceptualisation, mais plus dans la connaissance empirique des garçons et du système amoureux dans lequel elle a le droit d'exister.

Donc c'est de l'instinct ?

Pour moi c'est de l'instinct, c'est un apprentissage empirique, social : « voilà comment les choses marchent, voilà comment je les ai expérimentées et qui, à mon avis, fonctionne. Effectivement je suis maligne, j'ai mieux compris que les autres ». Il faut dire qu'elle a une mère qui déjà se comporte de la sorte et utilise le système patriarcal de cette manière-là. Finalement, c'est comme un sorte de langue qu'elle a apprise avec les garçons, mais je ne suis pas sûre que ce soit quelque chose qu'elle a conceptualisé. Pour moi c'est quelque chose de très empirique.

Driss c'est un peu Louis XVI avec son obsession pour la mécanique, l'horlogerie. Comme si pour éviter le poids énorme de la succession qui lui pèse sur les épaules il a besoin de découper le temps, de se plonger dans les mécanismes complexes pour surmonter son sentiment d'imposture. Comment avez-vous composé ce personnage ?

Je suis assez fascinée en littérature et dans la vie par les personnes qui ne sont pas adaptées aux codes sociaux, qui sont légèrement en décalage. En littérature par exemple, on va avoir le personnage de Lennie dans « Des souris et des hommes », qui m'a marqué. Et c'est vrai que j'ai une grande affection pour ces personnes qui ne comprennent pas forcément les codes, qui n'ont pas l'intelligence sociale et empirique qu'a Sarah et qui sont légèrement en décalage. C'est vrai que naturellement j'ai construit Driss comme cela. Je crois qu'il y a une partie de moi qui est ainsi et que je fais taire pour m'intégrer dans le social.

On va donc dire qu'il y a comment je ressentais Driss ,un peu en décalage, il ne comprend pas vraiment comment les choses marchent, le reste du monde est l'étranger ultime pour lui et lui-même est l'étranger ultime du monde, il ne rentre pas dans les codes. Et il y a la manière dont je voulais l'exprimer. Et je fais attention en écriture à ne jamais expliquer, mais tout simplement montrer. Il m'a donc fallu trouver des actions, des images qui montraient Driss en décalage. L'idée de ce que j'appelle la « surchauffe », le fait de ne pas s'exprimer normalement, pas comme il est attendu, ne pas avoir une manière lisse de s'exprimer. La manière de se tenir, les obsessions, tout cela sont des images que j'ai construites petit à petit pour dire les décalages par rapport au monde que je ne voulais pas expliquer, mais que je voulais montrer.

Cela va donc bien au-delà du syndrome d'imposture, parce qu'il a une forme d'intelligence, il a par exemple tout de suite reconnu que Sarah était pauvre. Il y a donc une forme d'intelligence instinctive de sa condition ?

Un conseil qu'on m'a donné en écriture il y a très longtemps et que je n'ai jamais oublié, c'est que l'auteur doit disparaitre. Il ne doit vraiment pas se mettre en avant. Ce qui doit rester, c'est l'histoire. J'essaie donc d'éviter l'emploi de formules parfois très belles, parfois un peu « chocs » qu'on aurait envie de souligner, parce que pour moi c'est l'auteur qui se met en avant et ce n'est pas du tout ce que je recherche. Je voudrais que l'on oublie que je suis là. Ainsi, je fais attention à ne surtout pas dire le message que je veux faire passer. Bien sûr qu'il y a un message et je l'ai noté dans mon petit carnet, mais je ne vais surtout le mettre en mots, plutôt en images. C'est peut-être pour cela que vous disiez que c'est construit comme un film. C'est peut-être la volonté de ne jamais expliquer. Le lecteur est intelligent, il comprendra.

Votre livre, c'est aussi une certaine histoire de la condition féminine au Maroc. Des ouvrières dont le père ou le mari récupère la paie. De femmes riches trompées et battues par leurs maris mais qui acceptent tout pour conserver leur statut social.  Le tout dans ce Maroc des années 90 qui n'a encore connu ni l'alternance ni la réforme de la Moudouwana. Vous décrivez presque « Une société assoupie au bord d'un volcan ». A ce titre, c'est presque un document sociologique. Quand, dans votre parcours, avez-vous commencé à prendre conscience de ces déterminismes sociaux qui caractérisent cette société marocaine si singulière ?

Très tard, malheureusement. Enfant et même adolescente, on a l'impression que ce qu'on vit est normal. Je pense que c'est ainsi que se passe la construction de l'identité de l'enfant en général. Ce qu'on vit est la normalité suprême, ce qu'on apprendra est la vérité suprême.

Pendant longtemps donc, il y a une phrase qui pour moi représentait bien le Maroc : « C'est comme ça » il n'y a de recul critique possible . Je suis arrivée en France à mes 17 ans après le Bac. Je pense que c'est en étant éloignée du Maroc que j'ai commencé à ressentir qu'il y avait surtout ce déterminisme social extrêmement fort. J'en parle dans le livre avec la métaphore du sable : le sable dans lequel on est né, on ne peut pas le changer. C'est vraiment très fort au Maroc. Il est difficile de sortir de son destin social. Mais c'est difficile partout y compris en France. Mais peut-être que dans l'hexagone il y a un peu plus de mesures mises en œuvre pour sortir du destin social qui nous est assigné. Et c'est une fois en France que ce déterminisme m'est vraiment apparu.

En parallèle, c'est l'histoire d'un déclassement. D'une descente aux enfers sociale pour Sarah et sa mère, ce qui rajoute une autre dimension sociologique à votre ouvrage à un moment de l'histoire du monde où le déclassement est devenu central dans les conversations autour des politiques publiques. La tentative de Sarah d'accéder à la richesse à travers une alliance, en contournant le « Système » est-ce en quelque sorte la « revanche des humiliés », de ceux qui veulent contourner le système, ruser, pour accéder à la prospérité ?

C'est la revanche des humiliés. Je l'ai pensé ainsi en écrivant. Après, Sarah n'a pas vécu en déclassement en tant que tel, elle a grandi -même pendant sa période en France- dans des conditions qui étaient quand même défavorisées, mais pas aussi défavorisées que dans la situation qui est la sienne au Maroc à laquelle évidemment elle ne s'attendait pas, parce qu'il y a cette histoire de magasin qui n'a jamais vu le jour.

Il y a quand même quelque chose d'un peu colonial dans la raison pour laquelle Sarah et sa mère arrivent au Maroc. Elles y vont parce que « c'est mieux là-bas », elles auront plus d'argent, elles seront les Françaises au milieu des Marocains, puis ces idées s'effondrent. Il y a aussi de cela dans le livre, on peut renverser cet imaginaire colonial que peuvent avoir les Français par rapport au Maroc, puisqu'on a été sous protectorat.

Le renversement est de ce côté-là, peut-être cette volonté de devenir « Roi de son petit royaume ». Mais en fait ce n'est pas ce qui se passe. Non pas que je nourrissais de la méchanceté envers Monique et Sarah ou que j'avais envie de les voir souffrir, loin de là. Mais il y avait quelque chose que je voulais dire de façon subtile : la volonté de régner en tant qu'Occidental sur cet imaginaire de l'Orient qu'on peut encore se faire en Occident. J'ai trouvé intéressant d'avoir Sarah comme inférieure socialement à Driss pour également montrer cela. En fait, au Maroc le pouvoir c'est l'argent, ce n'est pas la nationalité. Et je trouve que c'est toujours le cas aujourd'hui.

Sarah, c'est un peu comme une startup, elle est disruptive, innovante, elle apporte de nouvelles choses, puis à un moment à la fin de l'arc narratif elle rencontre le « marché », elle rencontre la mère de Driss qui, en dix minutes va lui expliquer les règles du jeu. C'est vraiment un choc une fois qu'elle est confrontée à la réalité...

C'est intéressant comme analyse. Il y a dans le livre une image qui, pour moi, représente la quête de Sarah, c'est quand Driss essaye de casser un vase, mais qu'en fait il est en bois. Il y a une sorte de gesticulation de Driss et Sarah dans la volonté de changer les choses, mais qui s'avère assez vaine. Le système est trop bien installé.

En entame de cet interview, je disais que l'écriture de ce roman fait penser à un film. On voit presque les plans-séquences, les gros plans, les regards, les yeux des personnages. Comme il n'y a pas de « B.O » qui est livrée avec, on a envie de vous demander si vous avez écouté de la musique quand vous écriviez, et si oui, quel serait la bande-son de ce livre ?

C'est amusant, je me disais que j'aimerais bien que quelqu'un me pose cette question. Effectivement j'ai écouté en boucle une chanson de Hoba Hoba Spirit qui s'appelle « Mchat ». C'est une chanson avec énormément d'énergie. C'est vrai que quand j'imaginais Driss et Sarah sur la moto dans la ville, je pensais à cette chanson qui a beaucoup d'énergie, presque une sorte de violence joueuse que je retrouvais en eux.

Quand on examine un peu votre parcours, on voit que vous n'êtes pas uniquement une romancière, mais que vous avez un peu « cassé les murs ». Vous avez participé à un dialogue littéraire-artistique avec l'artiste photographe Marina Vitaglione en mars 2019 dans le cadre de l'initiative c.e.l.a (cadavre exquis littéraire et artistique), qui est en quelque sorte, le « double européen » de 7×7, une revue née en 2015 aux Etats-Unis, crée par Amy Bonnaffons et Axel Wilhite. Mais vous avez aussi joué dans un court métrage « The Folding » en 2018. Comment vous en êtes arrivée à explorer ces différents univers ? Quelle était la démarche ?

Je me considère romancière. C'est l'activité dans laquelle je mets le plus d'énergie et qui me transporte le plus. J'ai vraiment vécu avec Driss et Sarah quand j'écrivais et la fin du livre a vraiment été douloureuse pour moi. C'est comme si j'avais un autre monde autour de moi, un autre monde dans le monde. L'écriture est donc très centrale dans ma vie, dans mon identité. Et c'est vrai que j'ai touché à plusieurs formes d'art (et c'est toujours le cas), mais peut-être avec un engagement moindre. J'ai fait beaucoup de théâtre et j'en fais toujours. J'ai d'ailleurs plusieurs scénarios qui sont dans les tiroirs, j'ai joué dans un court métrage, j'en ai également réalisé un qui sortira un jour. Je joue du piano, je chante, je peins, ... et j'ai toujours été dans le monde ainsi, peut-être un besoin de s'exprimer de cette manière. Mais j'aborde tous ces autres arts avec un côté plus joueur, avec très peu de pression. Pourtant l'écriture, je ne la considère plus comme un art, plutôt comme un engagement, je dirais même une mission pour laquelle j'ai énormément d'exigences. Il y a quelque chose d'absolu que je recherche dans l'écriture que je ne recherche pas forcément dans les autres arts.

Intéressons-nous à la technique, à la manufacture du roman, d'autant plus qu'il s'agit d'un premier roman. Vous étiez en résidence à la Scuola Holden à Turin. Est-ce là que vous avez écrit ce livre ?

Je n'ai pas écrit ce livre quand j'étais en Italie, mais plutôt un tout autre livre, un roman assez vaste et ambitieux que je n'ai pas terminé. L'histoire de « Aussi riche que le roi », c'est que j'étais tellement fatiguée de cet autre roman qui me prenait tellement d'énergie, de recherche historique, qu'à un moment je me suis dit que je vais faire une pause et écrire une petite histoire d'amour, une nouvelle de deux ou trois pages. Puis, j'avais vu cette photo de mes parents qui étaient à la plage, j'ai donc commencé à écrire une scène qui se passait sur la plage et qui est en fait la première scène du roman. Je me suis dit, je m'accorde deux ou trois mois pour écrire autre chose et ce deux-trois mois est devenu un an, puis un roman dans lequel je me suis engagée.

Je dirais que j'ai en écriture l'envie d'être lue, pas par orgueil (même s'il y a de l'orgueil dans tout), mais j'aime l'idée un peu bête et galvaudée de raconter des histoires. Si je pouvais commencer toutes mes histoires par « il était une fois... », je le ferais. J'aime donc l'idée d'avoir réussi à faire plonger quelqu'un dans une histoire en lui faisant oublier l'auteur.

En revanche, je suis assez exigeante, donc l'écriture est laborieuse. Je fais très attention à ne pas tomber dans le cliché, ne pas trop expliquer. Je veux que la personne se plonge dans l'histoire, alors je cherche à vraiment créer une fluidité qui reste poétique. J'écris, je réécris. J'écris sur un ordinateur pour éviter les ratures à la main, en revanche je tiens à côté un journal d'écriture. Je n'y inscris pas le texte en lui-même, mais où j'en suis, pourquoi je suis bloquée, ce que je pense des personnages, ce que je cherche à dire, pourquoi ça n'avance pas, ... Tenir ce journal m'aide parce qu'empiriquement, on débloque toujours les blocages.

Pour penser à l'histoire, j'ai besoin de marcher. Je ne peux pas être assise devant mon ordinateur ou mon carnet et réfléchir à où va mon personnage, comment je vais finir ce chapitre, etc. Je marche donc beaucoup, puis en marchant, je pense, j'imagine...

Lors de cette rentrée littéraire, il y a un autre livre, « L'historiographe du Royaume », qui se déroule au Maroc, qui est sorti et dont l'on a beaucoup parlé, d'autant plus que l'auteur ne s'est jamais rendu au Maroc, mais qu'il réussit le tour de force de raconter ce peuple insulaire, tribal, ombrageux, florentin. Pensez-vous que vous auriez pu écrire ce livre si vous n'aviez pas été marocaine ? Quelle part d'autofiction est présente dans l'ouvrage ?

J'ai vécu très peu de choses contenues dans le livre, pour la simple raison que j'ai plutôt vécu dans les conditions de Driss que celles de Sarah. Etant une femme au Maroc, je ne me suis pas beaucoup promenée. Et certes je n'ai pas personnellement arpenté la ville, mais je l'ai fait à travers Sarah. Il y a vraiment plein de choses que je n'ai jamais vues. Je n'ai par exemple jamais mis les pieds sur l'îlot de Sidi Abderrhamane. Il a fallu quand même faire un mix entre la recherche, l'inspiration, la créativité, les photos... Il y a donc beaucoup de choses que j'ai écrites sans jamais avoir ne serait-ce que vu, ou à travers la vitre d'une voiture ou en photo.

En revanche, je pense que je n'aurais jamais pu écrire ce livre sans être marocaine. Je dirais que ce qu'il y a de marocain dans le livre, c'est une forme d'amertume par rapport à des inégalités qu'en réalité j'ai vu se dérouler sous mes yeux. Je dirais que ce qu'il y a de réel, c'est l'émotion un peu douce-amère qu'on peut avoir en lisant le livre, mais il y a 1% d'autofiction. Ce que j'ai vécu c'est beaucoup plus les maisons, les noms de rue, des physiques. Le physique de Driss par exemple m'est inspiré de quelqu'un, idem pour Alain. C'est plus cela que de l'autofiction à proprement parler. C'est vrai que c'est triste, mais quand on est une femme au Maroc, on n'arpente pas la ville, on ne vit pas la ville, l'espace public n'est pas pour les femmes.

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Commentaire 1
à écrit le 06/02/2021 à 19:49
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Je trouve que cette jeune romancière ( artiste...) travaille beaucoup et qu ' elle va réussir ça c' est sûre , Bon courage . L' espace public n est pas aux femmes dans beaucoup de pays ....ehh oui .....

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