Présidentielle RDC : l’UA veut geler «la proclamation définitive des résultats»

Par Ibrahima Bayo Jr.  |   |  615  mots
(Crédits : DR)
Leur communiqué final est tombé tard dans la nuit de jeudi 17 janvier. Au terme d'un conclave de plus de cinq heures, la dizaine de chefs d'Etat issus des organisations sous-régionales de la SADC, de la région des Grands Lacs (CIRGL) a convenu avec l'UA de demander un gel de la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle du 30 décembre 2018.

Jusqu'ici, l'UA semblait ne vouloir prendre en compte que les résultats émanant de l'organe officiel qui organise les élections en RDC, la Ceni. Depuis son communiqué paraphé par la SADC, de la région des Grands Lacs (CIRGL), on sent une petite inflexion dans sa ligne.

«Sérieux doute quant à la conformité des résultats»

«Les chefs d'État et de gouvernement présents à la réunion ont conclu à des doutes sérieux quant à la conformité des résultats provisoires proclamés par la Commission électorale nationale indépendante avec les suffrages exprimés», peut-on lire dans le communiqué final de la réunion du jeudi 17 janvier, convoquée et présidée par Paul Kagame.

«En conséquence, les chefs d'État et de gouvernement ont appelé à la suspension de la proclamation des résultats définitifs des élections», réclame la dizaine de représentants d'organisations continentale à laquelle appartient la RDC.

Les révélations de l'enquête des journaux sud-africain Daily Maverick, britannique Financial Times, et français RFI et TV5 Monde, ont fait mouche. Sur la foi d'une fuite de données qui émanerait de serveurs de la Ceni et portant sur 86% des votes, ces médias révèlent que le réel vainqueur de la présidentielle est le porte-étendard de la coalition Lamuka, Martin Fayulu. Ce dernier aurait remporté l'élection présidentielle avec plus de 60% des voix devant Félix Tshisekedi, le vainqueur proclamé par la Ceni lors de la proclamation des résultats provisoires.

Dans son communiqué, l'Union africaine (UA) réclame le gel de la proclamation définitive des résultats que la Cour constitutionnelle devrait rendre publique, dix jours après les proclamation des résultats de la Ceni. A cet effet, l'organisation panafricaine enverra dans les prochains jours, une mission d'urgence en RDC pour faciliter le dialogue. «La réunion a exhorté tous les acteurs concernés en RDC à interagir de manière positive avec la délégation africaine de haut niveau dans l'intérêt de leur pays et de ses habitants».

Changement de la gestion des crises post-électorales de l'UA?

L'attitude de l'Union africaine interroge. Sa mission de scrutateurs électoraux dirigée par Dioncounda Traoré a validé le déroulement des élections. Mais l'UA semble aligner sa position sur celle de la France, de la Belgique, des Etats-Unis et de plusieurs pays occidentaux, très critiques envers l'organisation d'élections desquelles ils ont été écartés. Dans un langage diplomatique mais ferme, la communauté internationale rejette les résultats proclamés par la Ceni. Des résultats qui s'opposent à ceux de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) qui dénonce des résultats non conformes avec les échantillons de ses 40.000 observateurs.

Euphoriques à l'idée d'une alternance même supposément «trafiquée», les Congolais semblent ne pas s'intéresser au débat. Les chapelles politiques du FCC et de l'UDPS qui rappellent la primauté de la Cour constitutionnelle pour solder les contentieux électoraux, s'opposent à la coalition Lamuka et certains mouvements citoyens qui réclament la publication des procès-verbaux bureau de vote par bureau.

Chez certains commentateurs, l'UA adopte une position de circonstance pour la RDC, là où elle n'a pas condamné les défaillances des processus électoraux au Zimbabwe, au Kenya, au Togo, au Gabon, au Cameroun... Pour l'heure, tous les yeux sont rivés vers la Cour constitutionnelle de la RDC qui entamé depuis mardi dernier l'examen du recours de Martin Fayulu dénonçant un «hold-up électoral». De cette décision, dépend peut-être un changement d'attitude de l'UA dans son mode de gestion des crises post-électorales sur le Continent.