Placé sous mandat de dépôt à la prison de Rebeuss, Kémi Séba risque 5 à 10 ans de prison

Par Aboubacar Yacouba Barma  |   |  885  mots
L’activiste panafricain Kémi Séba, interpellé le vendredi 25 Août à Dakar sur plainte de la BCEAO pour avoir publiquement brûlé un billet de 5000 Fcfa quelques jours auparavant, a été placé sous mandat de dépôt à la célèbre prison de Rebeuss. Poursuivi pour avoir enfreint les dispositions du code pénal sénégalais, il encourt une peine de 5 à 10 ans de prison. Son procès va s’ouvrir le mardi prochain, mais en attendant l’affaire a enflammé la toile entre les soutiens et les détracteurs de celui qui fait désormais figure d’icône de la contestation du franc CFA en Afrique.

Kemi Seba vient de passer sa première nuit à la fameuse prison de Rebeuss de Dakar. Les choses se sont vite accélérées en effet dans la journée du vendredi 25 Août après l'interpellation de l'activiste, aux premières heures de la journée, à son domicile dakarois. Entendu plusieurs heures durant par les agents de la Division des investigations criminelles (D.I.C) puis placé en garde en vue, il a été par la suite présenté au parquet dans la soirée avant de se voir placé sous mandat de dépôt en attendant son jugement dont l'ouverture est prévue pour le mardi prochain.

Poursuivi avec comme chef d'accusation: "destruction volontaire et publique d'un billet de banque", le leader d'Urgences Panafricaines a été placée en détention préventive en compagnie d'un autre membre de la société civile dakaroise, Aboutalib Sow, poursuivi pour complicité pour avoir fourni le briquet avec lequel Kemi Seba a publiquement brûlé un billet de 5.000 Fcfa, le 19 Août dernier à la place de l'Obésilique de Dakar, à l'occasion d'une manifestation contre le Franc CFA.

C'est ce qui lui a valut la plainte de la Banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) dont le siège se trouve justement dans la capitale sénégalaise qui a déposé une plainte ayant débouché sur l'ouverture de l'instruction judiciaire en cours.

Un acte symbolique mais puni par la loi sénégalaise

S'il qualifie de «symbolique »  l'acte qu'il assume toutefois, Kemi Seba a anticipé lui-même cette tournure que prennent désormais ce qui était au départ un mouvement de contestation et de dénonciation du Franc CFA. Le code pénal considère en effet la destruction des billets de banque comme une infraction selon un des premiers alinéas de son article 411 qui se réfère à « quiconque aura brûlé ou détruit, d'une manière quelconque, des registres, minutes ou actes originaux de l'autorité publique, des titres, billets, lettres de change, effets de commerce ou de banque contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge ».  Circonstances aggravantes encore en l'espèce, le même article  précise que « si les pièces détruites sont des actes de l'autorité publique ou des effets de commerce ou de banque, la peine sera d'un emprisonnement de cinq ans à dix ans de prison ».

Kemi Seba encours donc une peine de 5 à 10 ans de prison selon les dispositions de la loi sénégalaise et s'il maintien qu'il a agit seul, son présumé complice ne serait pas au courant de ses intentions, le procès qui est prévu pour s'ouvrir le mardi prochain à Dakar risque de coûter cher au  franco-béninois, qui a élu domicile depuis quelques temps à Dakar. Ses partisans considèrent qu'il s'agit d'une occasion pour le faire taire, pointant du doigt la banque de France ainsi que certains leaders de la zone franc qui partage en commun l'utilisation de cette monnaie et que la levée de bouclier contre le « FCFA » a mis dans une mauvaise posture, d'étouffer le vent de contestation porté par l'activiste qui n'est pas à son premier coup d'essai.

La toile s'enflamme sur un nouveau challenge

Comme à son habitude, Kemi Séba n'a encore pas fait recours à un avocat même s'ils sont nombreux à se porter bénévole pour sa défense. C'est surtout la mobilisation que cette affaire a suscité au sein des ONGs et autres structures de la société civile que l'activiste pourrait voir venir son salut.

La toile s'est en effet enflammée sur cette affaire qui porte un mauvais coup à l'image Sénégal même si jusque-là, les autorités n'ont fait aucun commentaire tout comme la BCEAO, laissant la justice faire son travail. Cependant, la tournure prise par les événements risque de peser fort dans cette affaire qui s'étend désormais au delà du Sénégal, lequel se trouve au centre d'une polémique qui risque d'irriter les autorités qui auraient bien voulu certainement s'en passer.

En signe de solidarité avec Kemi Seba, plusieurs activistes d'autres pays se sont joints au mouvement à travers ce qu'il convient désormais de qualifier de « Kemi Seba Challenge » et qui consiste à brûler publiquement des billets de Fcfa et de poster les images sur les réseaux sociaux.

Le mouvement s'est même étendu en France, ce qui actualise de nouveau le débat sur l'opportunité ou non de la monnaie commune à la « Zone Franc » même si face à l'amplification des phénomènes, d'autres voix s'élèvent pour condamner l'acte.

Le fait est que Kemi Seba est adepte de ces « buzz »  médiatiques qui ne font qu'amplifier son mouvement et partant de sa notoriété d'autant qu'il en a l'habitude des procédures judiciaires surtout en France où il a gagné ses galons «d'agitateurs de conscience".  C'est peut-être ça l'objectif visé mais il faudrait reconnaître que grâce à ces actions de contestation, la question du FCFA est désormais au centre des débats qui agitent le continent.