Exclusion de l'opposition au Bénin : Patrice Talon cherche une issue à la crise politique

Par Ibrahima Bayo Jr.  |   |  582  mots
(Crédits : DR)
Ses pourfendeurs commençaient à soulever une soudaine fièvre dictatoriale qui se serait emparée de Patrice Talon, habituée à des négociations souvent menées au forceps. Pour parer à cette représentation peu flatteuse, le chef de l’Etat béninois a confié une mission de bons offices à Adrien Houngbédji, président de l’Assemblée nationale, qui s’entretient depuis vendredi avec les présidents des groupes parlementaires. Le conclave pourrait livrer ses conclusions ce mercredi 13 mars pour permettre des ajustements dans la loi afin de remettre l’opposition en lice pour les législatives du 28 avril 2019 qui pourraient par la même occasion être reportées.

A l'extérieur, colère gronde. A l'appel des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE) de l'ex-président Thomas Boni Yayi et l'Union sociale libérale (USL) de Sébastien Ajavon, l'opposition a lancé à Cotonou sa protestation contre son exclusion des législatives prévues le 28 avril 2019. A Parakou ce vendredi 15 mars, l'on s'achemine peut-être vers un bras de fer dans la rue avec une double manifestation parallèle prévue aussi bien par le pouvoir que par l'opposition.

Révision du code ou gel des réformes, la fumée attendue du conclave

A l'intérieur pourtant, les négociations avancent. L'on attend du conclave entamé vendredi dernier entre Adrien Houngbédji, président de l'Assemblée nationale, et les présidents des groupes parlementaires, une fumée blanche qui pourrait permettre d'apaiser le climat délétère d'avant-campagne. La rencontre devrait accoucher, dès ce mercredi 13 mars, de propositions concrètes visant à remettre les partis exclus en lice pour l'élection des 82 députés siégeant à Porto-Novo, la capitale administrative du pays.

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Parmi les pistes étudiées, le gel des réformes du nouveau code électoral qui impose désormais aux partis de présenter un quitus fiscal et un certificat de conformité pour pouvoir aller aux élections. Plus problématique, l'on parle aussi d'une modification de la loi électorale pour permettre de faire revenir les partis recalés par la Commission électorale nationale autonome(CENA). La semaine dernière, cette dernière n'avait validé le dossier que de deux partis sur les sept appartenant à la mouvance présidentielle. Recalée, l'opposition parle d'une mise sur la touche pilotée par le pouvoir de Patrice Talon.

«C'est une incongruité de mon point de vue de parler de gel des réformes. Lorsqu'on fait une réforme, on doit aller de l'avant. On ne fait pas une réforme pour y renoncer. Ces réformes ont été votées par l'Assemblée nationale. Aujourd'hui je ne vois pas pourquoi il faut les remettre en cause parce qu'il aurait certains partis qui seraient en retard», tranche au micro de nos confrères de RFI, Sévérin Quenum, ministre de la Justice, qui affirme que la transparence des élections est la seule donnée importante.

Une élection sans opposition, un coup à la démocratie béninoise

Pourtant, cette guerre psychologique à coups de déclaration a laissé place à l'ouverture de négociations entre pouvoir et opposition à l'initiative d'un Patrice Talon soucieux de ne pas se voir étiqueter de «dictateur». Tous les regards se tournent maintenant vers ce conclave des différentes forces politiques présentes au parlement.

«Mon souhait, ma prière est qu'ensemble nous puissions examiner les voies et moyens qui nous permettraient éventuellement d'avoir une participation plus large des formations politiques», a fait savoir Patrice Talon lors d'une rencontre avec la classe politique boycottée par les principaux partis de l'opposition.

Les pourfendeurs du chef de l'Etat béninois commençaient déjà à pointer une dérive dictatoriale dans son exercice du pouvoir. C'est sans doute pour conjurer cette image que celui-ci a passé la main au parlement afin de trouver une issue à la crise larvée entre pouvoir et opposition. Une élection sans l'opposition, cela n'était plus arrivé depuis 1990. Un remake de ce triste fait ferait prendre un sérieux coup à la démocratie béninoise.