Expulsion de 2.000 subsahariens d’Algérie : un « profilage ethnique », selon Amnesty International

Par Ibrahima Bayo Jr.  |   |  663  mots
Officiellement pour l’Algérie, il s’agit de mesures de protection des frontières et de sécurisation du pays. En moins d’un mois, l’expulsion de 2.000 migrants subsahariens s’est faite via un « profilage ethnique » selon Amnesty International qui dénonce une « répression discriminatoire ». Des mots sévères pour un pays multi-récidiviste qui n’en est pas à sa première vague d’expulsion d’Africains.

L'Algérie a-t-elle eu recours au « profilage ethnique », cette technique d'identification au faciès d'un groupe ethnique, pour expulser des migrants subsahariens ? L'accusation est lourde, mais pour l'ONG Amnesty International qui dénonce des « arrestations arbitraires » et des expulsions massives et « illégales », réponse est sans doute affirmative.

« Profilage ethnique », « arrestations arbitraires », Amnesty International s'insurge

Dans un communiqué incendiaire, l'ONG britannique dénonce l'expulsion de plus de 2000 migrants subsahariens débutée le 22 septembre dernier, le plus souvent en ayant recours à un « profilage ethnique », sans vérification de leur identité ni leur situation de séjour.

Plusieurs de ces personnes refoulées, issus du Niger, de la Guinée, du Burkina Faso et du Benin ont été arrêtées à Alger avant d'être conduites par bus, de nuit vers Tamanrasset (sud) pour être débarquées de l'autre côté de la frontière avec le Niger. Certaines, dont des mineurs et des femmes, ont dû marcher « plus de six heures dans le désert » pour atteindre la ville la plus proche.

« Rien ne saurait justifier d'arrêter et d'expulser de force des centaines de personnes en fonction de leur couleur de peau ou de leur pays d'origine présumé. Il s'agit d'un cas flagrant de profilage ethnique de grande ampleur », dénonce dans le communiqué, Heba Morayef, directrice des recherches pour l'Afrique du Nord à Amnesty International.

« Ce profilage ethnique et l'ampleur des arrestations arbitraires et des expulsions massives et sommaires ces dernières semaines témoignent de l'attitude discriminatoire des autorités algériennes à l'égard des migrants d'Afrique subsaharienne. Elles doivent de toute urgence mettre un terme à ces arrestations et expulsions illégale », complète-t-elle.

Pour l'heure, l'Algérie n'a pas encore réagi aux accusations de l'ONG britannique. Depuis Kigali au Rwanda où il participait, le 20 octobre 2017 à la 2e réunion de l'Union Africaine (UA) consacrée à la migration, Tayeb Louh, le ministre algérien de la Justice, a eu comme une réponse prémonitoire au communiqué.

Justificatif sécuritaire pour l'Algérie, silence dans les pays des expulsés

« L'Algérie n'a pas fermé ses porte devant les migrants et les ressortissants étrangers issus des pays africains, mais elle a œuvré à concilier la nécessité de protéger ses frontières et de sécuriser le pays avec le devoir de solidarité envers les frères africains, notamment les ressortissants des pays voisins », a déclaré le ministre lors ce conciliabule africain.

Et pourtant, malgré cette déclaration de bonne intention, l'Algérie est régulièrement épinglée pour ses expulsions jugées « arbitraires » par les défenseurs des droits de l'Homme, si ce n'est pour des déclarations à l'emporte-pièce et sans tact diplomatique des plus hauts commis de l'Etat. En juillet dernier, sous une levée de boucliers des associations algériennes, Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet du président indexait déjà « ces étrangers en séjour irrégulier [qui] amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux » en Algérie.

Le moins que l'on puisse dire c'est qu'avec cette nouvelle vague d'expulsions, l'Algérie récidive dans les reconduites massives à la frontière. Rien qu'en août dernier, près de 1.000 migrants, Nigériens pour la plupart, ont été expulsés selon les mêmes scénarios. L'expulsion sans véritable explication de 1.500 migrants subsahariens en décembre 2016 avait poussé le Mali -dont plusieurs ressortissants avaient fait part de brutalités policières-,à réclamer l'ouverture d'une enquête.

Le plus sidérant dans ces expulsions de subsahariens par l'Algérie est la « froideur » et le silence interrogateur, à la limite coupable des pays dont les ressortissants expulsés sont issus. Aucun mot de condamnation encore moins une réaction des diplomates en poste à Alger. Mutisme également au niveau des instances continentales notamment l'Union africaine qui hésite à réagir face ce pays d'Afrique qui expulse des fils d'Afrique en violation de leurs droits les plus élémentaires.