Rapport : les pôles de croissance menacent les petits agriculteurs

Par Khadim Mbaye  |   |  512  mots
L'agriculture vivrière, traditionnellement tournée vers la consommation domestique est plus que jamais menacée par les agro-pôles industriels.
Présentés comme unique solution pour mettre fin à la faim et à la malnutrition en Afrique, les pôles de croissance sont les causes mêmes de ce qu’ils sont censés combattre. Le modèle qui repose sur l’expropriation des terres des petits producteurs est sévèrement décrié par trois ONG dans un rapport. Elles demandent aux bailleurs, en particulier les agences de développement comme l'AFD en France, de cesser leur soutien au développement des pôles de croissance agricoles en Afrique.

Le développement de l'agriculture par les pôles de croissance hypothèque l'avenir des petits producteurs et menace la sécurité alimentaire. C'est le constat fait par Action contre la Faim, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France. Ils publient d'ailleurs un rapport intitulé  Agriculture africaine : l'impasse des pôles de croissance agricoles le 12 juin 2017 à Berlin dans lequel ils listent les maux de l'approche basée sur les pôles de croissances. Dans ce document, les ONG dénoncent les mauvaises pratiques «peu agricoles» des investisseurs privés dans l'agriculture en Afrique. Présentés comme des solutions miracles pour lutter contre la faim, les partenariats entre pouvoirs publics et secteur privé ne font qu'aggraver en réalité «l'insécurité alimentaire et nutritionnelle des populations». Ce n'est pas par ce qu'on produit plus qu'on produit pour tout le monde.

Un modèle qui exproprie les exploitants familiaux

«L'approche par les pôles de croissance agricole n'est basée que sur l'urgence de produire plus, d'investir toujours davantage et de moderniser à tout prix. Pourtant, ce n'est pas en produisant plus que nous réglerons le problème de la faim, et surtout pas en écartant les petits agriculteurs locaux !» déplore Peggy Pascal, chargée de plaidoyer sécurité alimentaire chez Action contre la Faim.

S'inscrivant dans la même logique, Clara Jamart d'Oxfam France estime très élevée la menace que représentent les pôles de croissance agricoles sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

«Sans évaluation possible de leurs impacts environnementaux et sociaux, ils continueront d'aggraver dans les prochaines années la vulnérabilité des populations d'Afrique subsaharienne», prévient-elle.

Pire encore, alertent les ONG, les grands exploitants exproprient les petits producteurs «sans indemnité adéquate», alors que ce sont eux seulement qui peuvent assurer la sécurité alimentaire.

D'après le rapport, l'agriculture paysanne familiale en Afrique subsaharienne représente 70% des emplois, 40% des exportations de marchandises, 33% du PIB et nourrit 80% de la population. La multiplication des pôles de croissance agricoles met donc en danger l'autonomie alimentaire des populations locales. En plus de s'approprier les terres des petits exploitants, les investisseurs privés bénéficient de régimes douaniers et fiscaux particulièrement avantageux.

Concentrer les investissements sur les petits producteurs

Selon les rédacteurs dudit rapport, ces avantages destinés à attirer les investisseurs privés «créent en réalité à court terme une concurrence déloyale entre multinationales et petits producteurs».  Par la même occasion, cette politique incitative fait perdre aux Etats africains leur capacité à investir dans l'agriculture afin de nourrir leurs populations.

Pour couper la racine du mal, les défenseurs des petits producteurs préconisent une réorientation stratégique des parcs agro-industriels qui se sont généralisés sur le continent durant ces cinq dernières années. Il s'agira concrètement de «concentrer les efforts sur les productrices et producteurs à petite échelle face aux défis du développement agricole pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique », concluent Action contre la Faim, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France.