Agriculture : les céréales africaines prises en otage par la chenille légionnaire

Après l’Afrique australe en début d’année, c’est l’Afrique de l’Est qui est désormais menacée par la chenille légionnaire d’automne, ce parasite qui ravage les cultures céréalières. Alors que l’ensemble de la sous-région a déjà dû faire face à une sécheresse quasi-généralisée, ces invasions pourraient paralyser la filière céréalière. L’heure est au combat.
Ristel Tchounand

Hier, mercredi 19 avril, le gouvernement rwandais annonçait la découverte de la chenille légionnaire d'automne dans la plupart des 30 districts du pays. Si pour l'instant le maïs et le sorgho sont les cultures les plus touchées avec 15 699 ha infectés, les autorités craignent que les autres céréales les plus cultivées dans le pays (blé, riz, sorgho) n'en soient également affectées. Qualifiant ce fléau de « menace réelle pour la sécurité alimentaire nationale », Kigali a réalisé ces derniers jours le transport par avion d'environ 4 500 litres de pesticides utilisés pour contrer la propagation de ces parasites à travers le pays.

Des pertes estimées à 193 millions de dollars en Ouganda

Le Rwanda est ainsi le quatrième pays de la sous-région est-africaine à se déclarer touché par la chenille légionnaire d'automne. Au Kenya, les cultures de maïs sont ravagées dans 11 comtés sur les 47 que compte le pays. Alors qu'ici les agriculteurs ont déjà dû faire face à la sécheresse, le coup est assez dure.

En Ouganda où la présence de la chenille légionnaire d'automne s'est confirmée le mois dernier, ces insectes auraient ravagé les cultures dans la moitié des districts du pays. Le gouvernement chiffre les pertes à plus de 193 millions de dollars US.

En Ethiopie, les chenilles légionnaires d'automne ont déjà ravagé 10 700 hectares de terres dans le sud du pays, a annoncé le ministère de l'Agriculture dans un communiqué la semaine dernière. Selon les autorités, 35 000 litres de produits chimiques y ont été acheminés pour le traitement des zones touchées. Et ici, l'invasion de ces parasites est d'autant plus inquiétante que le pays croule déjà sous une sécheresse persistante qui prive 5,6 millions de personnes de nourriture.

Un papillon agressif

Pour rappel, la chenille légionnaire d'automne, de son nom scientifique Spodoptera Frugiperda, est une espèce de papillon originaire d'Amérique du Sud où elle a fait d'énormes dégâts, s'attaquant traditionnellement aux culture céréalières : maïs, sorgho, mil, blé, riz. L'espèce active est si agressive qu'elle est capable d'engloutir jusqu'à 90% d'une culture et résiste aux insecticides. Un pays comme le Brésil dépense plus de 600 millions de dollars par an pour lutter contre cette invasion. Il est même d'ailleurs dit que ce fléau est à la base de l'introduction de la production d'OGM au Brésil. Capable de progresser de 2 000 km par an grâce au vent, c'est cette espèce en particulier qui serait en action en Afrique cette année.

Jusqu'en 2009, la chenille légionnaire d'automne n'avait jamais fait parlé d'elle en Afrique. L'Angola, seul pays touché à l'époque de surcroît par une espèce moins virulente, le parasite avait été neutralisé. Mais depuis 2016, l'on assiste à un véritable fléau. C'est d'abord au Nigéria que la chenille légionnaire d'automne fait son apparition, puis au Bénin, Togo, au Niger et Sao Tomé et Principe. Depuis début 2017, les cultures de maïs d'Afrique australe sont devenues des nids pour le Spodoptera Frugiperda. D'abord en Namibie, puis au Mozambique, au Zimbabwe, au Malawi et début février en Afrique du Sud. Ici, le parasite est rebelle, résistant même parfois aux insecticides. La situation conduit, le même mois, à une réunion d'urgence des 13 pays d'Afrique australe à Harare pour discuter des voies et moyens pour lutter efficacement contre ces parasites.

carte afrique

Cette invasion subite et peu à peu généralisée suscite des avis divergents quant à l'origine de ces parasites sur le continent. Si certains soutiennent la thèse de la capacité de vol de la chenille légionnaires d'automne, d'autres en revanche accusent le transport de produits végétaux infestés en provenance d'Amérique latine et à destination de l'Afrique.

Urgence

Quoiqu'il en soit, le mal est fait et l'heure est aux solutions et précautions. Et les recommandations, en février dernier à Harare, du Coordonnateur Afrique australe de la FAO, David Phiri seraient valables pour tous :

« Les pays doivent maintenir et, au besoin, élargir leur laboratoire de diagnostic, leur capacité de surveillance et d'intervention, et doivent également mener des évaluations et des recherches afin d'intervenir rapidement contre les menaces récurrentes et nouvelles. »

Au Rwanda, dont l'agriculture bénéficie d'un nouveau programme onusien pour faire reculer la pauvreté dans le monde agricole, les autorités assurent tout mettre en œuvre pour neutraliser le fléau.

« Nous consentons à de gros efforts pour maitriser [le fléau] », a déclaré à l'AFP Telesphore Ndabamenye, chef de la production agricole au Conseil rwandais de l'Agriculture.

Les Etats d'Afrique australe de l'Est sont entrain de mobiliser d'importants budgets pour éloigner la menace. La Zambie a déjà dépensé 3 millions de dollars US pour assainir près de 130 000 hectares de cultures. Désormais des mesures préventives s'imposent pour les autres sous-région du continent.

Ristel Tchounand

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Commentaire 1
à écrit le 20/04/2017 à 20:22
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faire pousser du maïs qui demande beaucoup d'eau sur une terre qui en a peu c'est vraiment une idée pour consommer plein de pesticides, pas pour nourrir les hommes.

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