Au Maghreb, la Banque mondiale promeut la croissance par l’inclusion économique des femmes

Par Ristel Tchounand  |   |  867  mots
Xavier Reille, directeur IFC pour la région Maghreb. (Crédits : IFC)
Pour avoir fait de la participation des femmes à l’économie une «priorité» en raison de son impact positif sur la croissance, la Société financière internationale, filiale du Groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, a organisé ce vendredi à Casablanca, en collaboration avec la Confédération marocaine des entreprises du Maroc, une conférence mettant les projecteurs sur le Maghreb. Pour une région qui connaît l’un des plus faibles taux d’activité des femmes au monde, l’IFC crie à l’urgence. Les détails.

L'activité des femmes dans le monde de l'entreprise est un impératif pour booster la croissance économique et tout devrait être mis en œuvre pour que le maximum d'entre elles soient à contribution. C'est en substance ce qui ressort de la conférence régionale organisée ce vendredi 27 avril à Casablanca par la Société financière internationale (IFC) -bras du Groupe de la Banque mondiale dédié au secteur privé- et la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) sous le thème «Favoriser la croissance grâce à la participation des femmes à la vie économique au Maghreb».

«C'est par la contribution des femmes à l'économie qu'on peut réduire les inégalités sociales», a déclaré Xavier Reille, directeur IFC pour la région Maghreb, soulignant que l'institution a fait de la participation des femmes à l'économie «sa priorité».

«Il ne peut y avoir de croissance économique sans autonomisation des femmes», a pour sa part estimé Leyla Channawi, présidente de la Commission Financement des entreprises de la CGEM, arguant que l'accent sur des politiques favorisant une meilleure intégration des femmes dans l'économie permet de booster la croissance des pays.

Les «Restrictions» toujours d'actualité

Ayant vocation à mettre en lumière les freins à cette participation féminine à l'économie sous-régionale tout en débouchant sur des pistes de solutions pratiques et l'apport capital que peut représenter l'appui des banques aux projets des femmes entrepreneurs, l'événement -qui a réuni des personnalités issues du milieu des affaires, des gouvernements, des secteurs bancaire et juridique- a été l'occasion pour le Groupe de la Banque mondiale de présenter la 5e édition de son rapport Les femmes, l'entreprise et le droit.

Couvrant 189 pays à travers le monde, le document de 187 pages dresse un rapport mi-figue mi-raisin de la situation des femmes dans les économies de la planète. D'une part, les pays occidentaux se démarquent dans l'évolution de leurs pratiques et la valorisation de la femme dans le monde de l'entreprise, d'autre part, de nombreux pays peinent encore à performer en la matière, parmi lesquels ceux du Maghreb. Des conclusions tirées à partir de l'analyse combinée de sept indicateurs, à savoir l'accès aux institutions, l'obtention d'un emploi, les incitations au travail, la protection des femmes contre les violences, la jouissance de propriété, l'action en justice et l'accès au crédit.

Les détails de l'étude montrent que certes de grands pas ont été franchis ces dernières années au nord de l'Afrique, notamment en matière de juridiction dans la pénalisation des violences faites aux femmes -tout particulièrement au Maroc et en Tunisie, mais beaucoup reste à faire pour permettre aux femmes de s'épanouir dans le monde de l'entreprise, que ce soit en tant que salarié ou entrepreneur.

«Dans la région, des restrictions pèsent encore sur le travail des femmes -à l'instar du travail de nuit- ou dans certains secteurs d'activité», a indiqué Paula Pavares, spécialiste du développement du secteur privé, experte en genre et co-auteur du rapport.

Le document évoque d'ailleurs la différence de genre dans la réglementation de l'impôt sur le revenu des particuliers dans une quinzaine d'économies, dont le Maroc et la Tunisie. Les autres freins qui renforcent le plafond de verre imposé aux femmes touchent, entre autres, l'accessibilité au top management des entreprises ou la facilité de crédit pour les femmes entrepreneurs.

«Il n'y a parfois un manque d'éducation financière parmi les femmes entrepreneurs. Il peut donc leur être difficile d'exploiter les offres à leur portée», estime Karim Moutakki, PDG du cabinet de conseil juridique en droit des affaires, Mouttaki & Partners, et président de la Commission juridique et modes alternatifs de règlement des conflits à la CGEM.

Pouvoirs publics et banques, actions requises

Que faut-il donc faire ? Au-delà de ces problématiques soulevées, les participants à cette rencontre ont évoqué quelques pistes de solutions. Une fois de plus, les pouvoirs publics au Maroc, en Algérie et en Tunisie sont appelés à réformer, notamment leurs systèmes éducatifs afin de susciter une prédisposition naturelle de la jeune fille à l'activité professionnelle. Un accent a également été mis sur le rôle que peuvent jouer les institutions financières pour l'amélioration de la participation des femmes à la vie économique, notamment en facilitant l'accès au financement des entrepreneures.

Rappelant que le taux d'activité des femmes au Maghreb «est l'un des plus faibles au monde autour des 20%», Xavier Reille, insiste :

«Répondre aux besoins croissants des femmes en matière de services financiers n'est pas seulement un impératif moral ; c'est aussi une logique commerciale, car cette démarche permet aux banques de cibler une clientèle délaissée, mais rentable».

Pour l'heure, quelques banques locales s'illustrent, à l'instar de la Caisse centrale de Garantie (CCG) au Maroc, ou la Banque de l'Habitat en Tunisie, multipliant les projets tant dans leur organisation en interne que dans le développement de leur offre pour favoriser l'inclusion financière des femmes maghrébines. Et l'IFC appelle à une plus grande mobilisation du secteur dans ce sens.