Présidentielle française : les soutiens africains de Marine Le Pen

Par Ibrahima Bayo Jr.  |   |  713  mots
Le « capital sympathie » de la candidate du Front national (FN) connaît une spectaculaire montée en flèche sur le continent. Son discours en faveur de la pleine souveraineté de l’Afrique, sa position tranchée sur l’épineuse question du Franc CFA séduisent de plus en plus d’Africains au point que des Ivoiriens ont monté un comité de soutien ouvertement pro FN. Ils envisagent même une grande manifestation de soutien à la candidate d’extrême droite. On en oublierait presque ses diatribes xénophobes contre les immigrés en France.

La vague bleue Marine est-elle en train de séduire l'Afrique ? Loin de l'épouvantail des sondages et de la guerre médiatique et politique de la campagne pour la présidentielle française, la perspective effrayante pour certains Français de voir Marine Le Pen entrer à l'Elysée, ne semble pas inquiéter outre mesure une partie des Africains.

Floraison de comités de soutien à Marine Le Pen

Certains d'entre eux, convaincus que Marine Le Pen est en quelque sorte l'incarnation d'un nouveau départ pour l'Afrique, ont même lancé un mouvement de soutien à la candidate d'extrême droite. A Abidjan, en Côte d'Ivoire, c'est Emile Kima, le très controversé président de la Fondation pour la paix et la réconciliation en Afrique de l'Ouest (FPAO) qui coordonne cette caisse de résonance. Et les arguments mis en avant ont de quoi séduire, au moins en apparence.

Pour « enrôler » des sympathisants à Marine Le Pen, les partisans de ce mouvement surfe sur la lassitude de ne voir ni la gauche ni la droite françaises avoir un réel projet pour l'Afrique et leur reprochent d'avoir été les artisans même de la très controversée FrançAfrique. Les adhérents rappellent également la pleine souveraineté des Etats défendue par la candidate FN à propos de l'Afrique mais également son inclination pour l'indépendance économique et le retrait du Franc CFA, ce débat houleux qui suscite la controverse sur le continent.

Point d'orgue de ce comité de soutien à Marine Le Pen, le mouvement d'Emile Kima compte organiser une grande manifestation de soutien à la candidate FN. On y signale même la présence de cadres du parti d'extrême droite ! Rien de surprenant au vu de la floraison de comités de soutiens ouvertement pro Marine Le Pen comme cette cellule de soutien lancée à Parakou au Bénin qui détaille même « les cinq raisons qui font que l'élection de Marine Le Pen est une chance pour l'Afrique ».

La vague bleue Marine est un raz-de-marée sur les rives du continent au point de faire oublier le discours xénophobe de Marine Le Pen ? Au sein des mouvements de soutien, on répond que la candidate FN arrive avec un discours clair et sans langue de bois pour une prise en main de l'avenir des Africains par les Africains. Chiche !

Naïveté des "faiseurs de président"

Encore une fois, naïfs ou abusés, les Africains - une partie en tout cas- se rêvent en « faiseurs de président » dans une élection qui se passe sur un autre continent et qui ne les concerne que très peu. L'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche avait suscité un espoir de sortir l'Afrique de l'ornière. Deux mandats plus tard, la déception ou la lucidité de découvrir que « ce cousin éloigné » était avant tout le président des Américains avait remis les idées en place à ses cousins outre-Atlantique.

Dans le cas de Marine Le Pen ni son discours xénophobe, ni ses positions antérieures sur les noirs et les Arabes, n'incommodent les soutiens de la blonde de 48 ans que l'on donne déjà présente au second tour de la présidentielle française. Cette dernière concerne avant tout les Français. Les Africains, pour concernés qu'ils se sentent par cette élection, devraient d'abord s'occuper de leurs élections. Eux qui crient souvent à l'ingérence lorsque Paris se prononce sur telle ou telle échéance.

D'un autre côté, la ligne politique, diplomatique et économique de Marine Le Pen et les promesses qui l'accompagnent sont destinées avant tout à convaincre les Français de lui accorder leurs suffrages. Une fois élue à l'Elysée - à supposer qu'elle le soit-, elle défendra d'abord les intérêts de ses électeurs. Sans douter de son intérêt soudain pour l'Afrique, il serait naïf de croire que Marine Le Pen fera de l'Afrique, une de ses priorités. Lancera-t-elle ou pas un nouveau partenariat avec le continent, débarrassé de son lourd passif colonial, une fois élue ? Là est la question. Et ça, il faut attendre l'issue de l'élection présidentielle pour le savoir.