Pourquoi la Zlecaf peut changer la donne commerciale entre l’Europe et l’Afrique

Par La Tribune Afrique  |   |  796  mots
(Crédits : LTA)
Opérationnelle depuis le 1er janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) entend non seulement révolutionner le commerce entre les 54 pays, mais aussi les échanges du continent avec le reste du monde dont l’Europe. Le sujet a fait l'objet d'un débat lors du deuxième Forum Europe-Afrique le 16 mai à Marseille.

« Zlecaf : l'union fera-t-elle la force de l'Afrique de demain ? ». Ce thème abordé mardi 16 mai à Marseille lors de la deuxième édition du Forum Europe-Afrique - organisé par La Tribune et La Tribune Afrique en partenariat avec la Métropole Aix-Marseille-Provence - est une question à laquelle experts et hommes d'affaires répondent, à l'unanimité, par l'affirmative. Signé par tous les pays du continent excepté l'Erythrée, l'accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) a déjà été ratifié par 47 pays, les derniers en date étant les Comores, le Botswana et le Mozambique.

Opérationnelle depuis le 1er janvier 2021, la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) entend non seulement révolutionner le commerce entre les 54 pays, mais aussi les échanges du continent avec le reste du monde dont l'Europe.

Concrètement, il s'agit d'une plateforme commerciale géante -avec plus de 1,2 milliard de consommateurs et un PIB combiné de 3,4 milliards de dollars.- Son objectif : donner la priorité au développement du commerce intrafricain qui ne représente que 18% du commerce de l'Afrique, mais dont 50% concernent des produits transformés, selon le Secrétariat de la Zlecaf. Cependant, l'un des autres grands objectifs du projet est de révolutionner les échanges du continent avec le reste du monde, lesquels ne représentent que 2 à 3% du commerce mondial et ne concernent majoritairement que les matières premières. « C'est un accord ambitieux parce qu'il va permettre aussi de renforcer la compétitivité de l'Afrique », souligne Gilberto Antonio, conseiller principal du Secrétaire général de la Zlecaf.

Selon la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), le continent africain est en effet un réservoir de ressources. A lui seul, il détient 78 % des réserves mondiales de diamants, environ 60% de cobalt (ce métal si précieux pour la transition énergétique), 54 % de platine, 40 % de chrome, 40% d'or, 28 % de manganèse...  Ces dernières années, les exportations de matières brutes n'ont fait que grimper, affichant notamment un bond de 40% en octobre 2021 en glissement annuel, indique l'OCDE dans une étude publiée en janvier de l'année dernière.

Pour renforcer la compétitivité des pays africains sur les marchés en marge du déploiement de la Zlecaf, la Banque africaine d'import-export (Afreximbank) a lancé le Fonds pour le développement des exportations (FEDA). Basée au Rwanda, l'entité gère 750 millions de dollars qu'elle investit dans des entreprises qui contribuent au développement de la production industrielle comme au Gabon ou au Togo. Insistant sur le fait que la dynamique industrielle voulue en Afrique dans le cadre de la Zlecaf implique des investissements longs, cette organisation panafricaine, estime impératif, pour le « Vieux Continent » en l'occurrence, un changement de paradigme. « L'Europe a un avantage historique grâce à la langue, la culture... Il faudrait en profiter. Mais je pense qu'il faudrait avant tout changer de mentalité. On ne peut plus investir aujourd'hui en se disant : ''j'y vais quand c'est bien, je repars quand ce n'est pas bien''. Ce temps est révolu. Aujourd'hui les interlocuteurs sont différents, bien formés aux mêmes grandes écoles, il faut donc établir un partenariat qui serve les intérêts de chacun. Il faut s'engager sur le long terme ».

En raison de leur proximité géographique et de l'histoire, l'Union européenne et l'Afrique ont développé de fortes relations commerciales. Les deux régions échangent beaucoup plus les produits manufacturés, les produits chimiques, les machines ou les véhicules côté européen, et les matières premières minières et les ressources énergétiques côté africain. En 2018, la balance commerciale qui a atteint un déficit de 26 milliards de dollars en 2016, est passée à 1 milliard de dollars suite à la baisse des commandes européennes de ressources énergétiques. Une tendance cependant renversée par la guerre en Ukraine.

Frédéric Ronal, vice-président de la Chambre de Commerce et d'industrie d'Aix-Marseille en charge de l'ouverture au monde estime que la Zlecaf renforce l'attractivité du continent africain. Cependant, il préconise le « pragmatisme » et le « bon sens » pour permettre à l'Europe et l'Afrique de mieux coopérer dans le contexte du libre-échange africain. « Il faut qu'on emmène nos compagnies européennes en Afrique et les entreprises africaines en Europe. Et il faut que les chefs d'entreprises se connectent entre eux », explique cet homme d'affaires marseillais habitué des capitales d'Afrique de l'Ouest.

En tant qu'entrepreneur africain investi en Europe, Ylias Akbaraly, PDG de Redland, pense que les deux continents devraient davantage partager les forces afin de tirer parti des opportunités de la Zlecaf. « Il n'est pas question de nous développer la Zlecaf tous seuls entre nous Africains », déclare-t-il, insistant sur l'importance de mobiliser les investissements industriels.