Quelles priorités pour une coopération renforcée entre l'Europe et l'Afrique ?

Dans un monde qui change, l'Europe et l'Afrique sont de plus en plus liées par un avenir qu'elles s'efforcent de bâtir sur de nouvelles bases. Entre aide publique au développement, partenariats « gagnant-gagnant » et une Asie qui renforce sa présence sur le continent, quel visage devra prendre la coopération de demain entre l'Europe et l'Afrique ?
Mounir El Figuigui
(Crédits : LT/LTA)

La récente sortie du président comorien et président en exercice de l'Union africaine sur les colonnes de La Tribune Afrique est pleine d'enseignements pour les dirigeants africains et européens. Interrogé sur l'avenir des relations entre les deux continents, le président Azali Assoumani, guest-star de la 2e édition du Forum Europe-Afrique qui se tient les 15 et 16 mai à Marseille, pose - et loin de tout angélisme - le cadre dans lequel devrait s'insérer cette coopération : « La relation Europe-Afrique doit être renforcée, mais dans une même direction. Pour les Européens, il existe une obsession sur les migrations et les problématiques démographiques. De notre côté, les enjeux reposent avant tout sur la souveraineté alimentaire, la paix, la sécurité, l'économie et sur les enjeux liés au changement climatique, en particulier dans les pays insulaires touchés de plein fouet par la montée des eaux ».

Un peu plus loin, le président en exercice de l'UA répond sans détour : « L'Afrique ne doit pas être seulement un pourvoyeur de matières premières. L'Europe doit nous accompagner dans notre industrialisation et dans notre diversification économique ». Le ton est donné.

Un Sommet de toutes les promesses et une redistribution des priorités...

Au mois de février de l'année dernière, lors du Sommet UE-UA, les dirigeants africains et européens s'étaient mis d'accord sur une vision commune pour un partenariat renouvelé basé notamment sur un paquet d'investissements Afrique-Europe d'au moins 150 milliards d'euros d'ici à 2030 ; une coopération plus poussée au service de la paix et de la sécurité ; un partenariat renforcé en matière de migration et de mobilité ; et un attachement au multilatéralisme.

Avec les conséquences persistantes de la crise de Covid-19 et les effets de la guerre ukrainienne qui planent sur l'Europe, mais aussi sur les autres régions du monde, notamment l'Afrique, cette série de priorités se voit bousculée, puisque les pays des deux régions cherchent d'abord à sécuriser leurs approvisionnements en matières premières.

Sur ce volet, l'Afrique reste indéniablement la région la plus riche en ressources naturelles : le sous-sol africain regorge de divers métaux (fer, cuivre, aluminium, platine, chrome...) et d'hydrocarbures (pétrole, gaz naturel). À l'échelle mondiale, l'Afrique représenterait 40 % des réserves d'or, 30 % des réserves de minerais et 12 % des réserves de pétrole.

Face à ce continent aujourd'hui au centre de l'économie mondiale, l'Europe et ses États membres constituent son principal partenaire commercial. La valeur de leurs échanges a augmenté en 2021 pour atteindre 288 milliards d'euros, contre une valeur de 225 milliards d'euros en 2020. Le déficit commercial en faveur de l'UE a diminué, passant de 24 milliards d'euros en 2020 à 4 milliards d'euros en 2021.

De plus, et dans le cadre des accords commerciaux existants et des préférences unilatérales de l'UE pour les pays en développement, 90 % des exportations africaines bénéficient d'un accès en franchise de droits et sans contingent au marché unique de l'UE. En 2021 d'ailleurs, plus de 65 % des marchandises importées dans l'Union depuis l'Afrique étaient des produits de base, tels que des produits alimentaires et des boissons, des matières premières et de l'énergie, alors 68 % des marchandises exportées de l'Union vers l'Afrique en 2021 étaient des produits manufacturés.

Rationaliser l'aide au développement ?

Ce déséquilibre dans la balance commerciale entre les deux continents trouve d'abord son origine dans la lenteur des stratégies de transformation des économies africaines, mais également dans une aide publique au développement (APD) dont l'utilité fait aujourd'hui débat.

L'année dernière, l'aide publique délivrée par les donneurs publics a atteint un niveau sans précédent de 204 milliards de dollars, contre 186 milliards de dollars enregistrés en 2021. L'UE et ses États membres restent les premiers donateurs de l'APD à l'échelle mondiale. Accordée aux pays partenaires, celle-ci est passée à 66,8 milliards d'euros en 2020 selon les chiffres de l'OCDE.

En France, la hausse de l'APD était portée par l'aide bilatérale (+20,8% par rapport à 2019). L'Afrique subsaharienne, au cœur de la politique de développement française, était destinataire d'un tiers des montants consacrés, soit 2,9 milliards d'euros, en hausse de 40 % par rapport à 2019.

« Verser des milliards de dollars dans des pays au sein desquels des questions aussi importantes que l'efficacité des institutions et des politiques publiques ne sont pas résolues peut évidemment conduire au gaspillage, voire à l'aggravation de la situation », avertit Nicolas Normand, ancien diplomate français et auteur de Le grand livre de l'Afrique.

Un rapport équilibré avec l'Europe...

Pour le président Azali Assoumani, les priorités de l'Union africaine dans l'élaboration des nouveaux accords de partenariats économiques avec l'Europe sont axées sur la réussite du projet de la Zone de libre-échange commerciale africaine (ZLECAf) et le développement de la production pour renforcer les échanges interafricains et garantir un rapport économique équilibré avec l'UE.et établir une coopération à double sens.

Avec la progression d'une Asie - surtout de la Chine et de l'Inde - plus que présente en haut de la liste des « nouveaux » partenaires de l'Afrique, l'Europe devra désormais composer avec l'adage africain « La sagesse du lion n'est pas la sagesse de la panthère ». L'Europe a plus que jamais besoin de l'Afrique qu'elle devra coûte que coûte accompagner dans sa transformation économique pour bâtir ce « New Deal » tant promis.

Mounir El Figuigui

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Commentaire 1
à écrit le 15/05/2023 à 14:54
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La priorité, ce sont des régimes démocratiques favorables aux démocraties autre que celles supposées de Chine ou de Russie. Conclusion...on est pas arrivé !

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