WeLight lève 19 millions d'euros auprès de la BEI, EDFI ElectriFI et Triodos Investment

Par Marie-France Réveillard  |   |  1044  mots
Romain de Villeneuve, Chief Executive Officer de WeLight Madagascar. (Crédits : WeLight)
Née en 2019, à l'initiative d'Axian Group, de Sagemcom et de Norfund, WeLight exploite 40 mini-réseaux en Afrique subsaharienne qui alimentent près de 9 000 foyers en électricité. Entre renforcement de sa présence à Madagascar et expansion régionale, WeLight annonce une nouvelle levée de fonds de 19 millions d'euros. Entretien avec Romain de Villeneuve, CEO de WeLight Madagascar.

La Tribune Afrique : WeLight vient de lever 19 millions d'euros auprès de la Banque européenne d'investissement (BEI), de l'European Dévelopment Finance Institution (EDFI ElectriFI) et de Triodos Investment. De quelle façon seront-ils répartis ?

Romain de Villeneuve : Une grande étape pour WeLight est franchie avec cette levée de fonds. BEI, EDFI ElectriFI et Triodos comptent parmi les meilleurs experts mondiaux dans le domaine du financement de l'électrification rurale dans les pays émergents. Cette levée de fonds représente pour nos équipes, au-delà du montant des investissements, un grand encouragement pour poursuivre le déploiement de notre approche singulière en Afrique. Cette levée de fonds va permettre à WeLight de déployer 120 nouveaux mini-réseaux pour 120 villages à Madagascar, étendant la couverture de WeLight de 8 à 17 régions dans le pays. Les ouvertures de villages vont intervenir à partir du second semestre 2023 et seront finalisées sur l'année 2024.

Quels sont les impacts attendus suite à cette levée de fonds ?

WeLight apporte une électricité productive dans des villages qui en étaient jusqu'ici privés. C'est une petite révolution à l'échelle de ces villages qui va avoir un impact dans de nombreux domaines : expansion économique, amélioration de la sécurité (éclairage public), amélioration de la qualité de vie dans les foyers (réfrigérateur, cuisine électrique, électroménager, Internet...), amélioration de la santé, de l'éducation et de la vie en communauté.

Les 700 000 habitants de ces 120 villages vont directement ou indirectement voir leur vie changée par l'arrivée de l'électricité de WeLight. On prévoit de connecter à peu près 6 000 petites industries et business units ainsi que 50 000 foyers d'ici à 2025, en plus de l'installation de 1 200 lampadaires et de la connexion des mairies, des écoles, des centres de santé et autres centres communautaires.

WeLight s'est implanté au Mali en 2022 en installant des mini-centrales solaires et des micro-réseaux associés dans cinq villages. C'est la première fois depuis sa création en 2019 que l'entreprise déployait ses services d'électrification rurale en dehors de Madagascar. Où en est votre stratégie de développement au Mali ?

Ces cinq villages représentaient un test pour WeLight au Mali. Aujourd'hui, les résultats sont très encourageants avec déjà plus de 700 foyers raccordés en un an, soit plus de 7.000 personnes électrifiées qui sont satisfaites du service.

Une relation de confiance avec les partenaires institutionnels maliens, notamment l'Agence d'électrification rurale (AMADER) et le ministère de l'Énergie, a été créée. Notre équipe opérationnelle locale est montée en compétence et, avec le support de notre partenaire opérationnel (Sagemcom), nous sommes prêts à accélérer notre déploiement. Nous allons lancer très vite une dizaine de mini-réseaux additionnels et nous sommes en train d'identifier des partenaires financiers pour nous accompagner dans la mise en place d'une nouvelle phase d'une cinquantaine de villages à court terme.

Dans quelle mesure la situation sécuritaire impacte-t-elle vos activités au Mali ?

WeLight est implanté dans la région sud du pays qui est moins exposée aux problématiques sécuritaires. Nous sommes naturellement solidaires avec les Maliens, en particulier avec les populations rurales qui en sont les premières victimes. Nous pensons que des projets comme les nôtres leur apportent un soutien concret en leur permettant de poursuivre le développement économique et social. En fin de compte, la situation ne nous empêche pas d'opérer, car les habitants ont plus que jamais besoin d'accès à l'énergie et de conduire leurs activités quotidiennes indépendamment des problèmes politiques.

Quelles sont les prochaines étapes de votre développement ?

Une fois que nous aurons mené à bien les projets à Madagascar et au Mali, ce sera plus d'un million de personnes qui verront leur vie transformée directement ou indirectement par l'arrivée de l'électricité dans leur village. Nous explorons par ailleurs des nouveaux pays comme le Nigeria et la République démocratique du Congo, entre autres destinations. Nous discutons également avec des partenaires industriels et financiers potentiels pour nous accompagner dans notre expansion. Notre ambition est de poursuivre une croissance multi-pays en Afrique, partout où nos solutions peuvent contribuer à résoudre le défi énergétique.

Quels ont été vos principaux impacts en matière d'électrification rurale depuis la création de WeLight ?

À fin 2022, soit en trois ans, nous sommes présents sur 40 villages, et environ 200 000 personnes profitent directement ou indirectement de l'électricité de WeLight. Au-delà des nombreux foyers connectés, environ 1 500 business et petites industries ont électrifié leur modèle de production. Nous avons par ailleurs accompagné et formé plus de 150 entrepreneurs dans de nouveaux projets, connecté 150 bâtiments publics (écoles et centres de santé) et installé 400 lampadaires.

C'est bien grâce au soutien stratégique, financier et opérationnel de nos actionnaires, Axian, Sagemcom et Norfund, et à leur complémentarité, que nous pouvons nous réjouir de ces premiers résultats prometteurs, notamment en termes d'impact social et environnemental. Nous sommes très heureux de continuer à bénéficier de leur confiance, notamment à travers un investissement supplémentaire d'environ dix millions d'euros sur le projet des 120 villages additionnels à Madagascar.

En dépit de l'engouement suscité par les projets d'électrification solaire via les mini-grids auprès des bailleurs internationaux, le retour sur investissement reste faible. Comment garantir la soutenabilité nécessaire à pérenniser ce type de projets ?

Les modèles d'électrification rurale en Afrique sont souvent des modèles où les investissements sont subventionnés avec un prix faible de l'énergie. Cette approche n'a clairement pas permis de répondre aux besoins des 700 millions de personnes toujours privées d'accès à l'électricité productive sur le continent africain

Il y a une urgence à électrifier ces populations et il est nécessaire de trouver des modèles de rupture en fonction des besoins et des particularités de chaque pays. Il faut donc continuer à chercher des solutions innovantes et concrètes comme WeLight est en train de le faire à Madagascar et au Mali. Il n'y a aucune raison que le marché ne trouve pas les solutions pérennes à même de répondre au défi énergétique des populations rurales en Afrique.