Les villes africaines pérennisent encore l’agonie du paysage

Quand la ville africaine tue le paysage, il vient le moment de le réinventer. Afin que l’urbanité pactise avec la nudité des lieux désertés pour réhabiliter le paysage dans son intacte majesté.
(Crédits : DR)

On pourrait dire que le paysage agonise dans de nombreuses villes d'Afrique, au moins au plan géographique, et cela pour deux raisons. La première est celle du retrait de l'homme qui naguère chérissait une nature qui en tout point lui était consubstantielle. Aujourd'hui il s'en éloigne de plus en plus en multipliant des formes urbaines, qui, dans leur croissance, détruisent le paysage et entraînent la désertion des villages où le naturel reste encore sacré. La seconde tient pour sa part du déploiement d'infrastructures (nécessaires et utiles à tous égards mais rarement écoresponsables) qui blessent et souillent l'ordre jadis établi des ensembles paysagers. Il devient alors évident que le retour de la nature en ville (peu importe la forme) ne saurait se faire sans y réinventer le paysage. Il faut donc substituer au paysage urbain, contenu en substance dans le charme que les visiteurs y trouvent, un paysage néo-urbain qui apporterait sans doute plus de charme, mais qui serait par-dessus tout, un défi crucial de l'aménagement des territoires africains : créer de l'ombre, de la beauté et de la fascination.

Contrairement aux échappatoires aisées que représentent les paysages urbains africains, face aux réalités paysagères traditionnelles, il est bon d'y créer la marque d'un horizon enchanteur, où s'accostent le ciel et la terre pour rayonner la vie dans l'intégrité du naturel qui empoche en un lieu, l'inspiration et le désir d'abandon que la ville africaine contemporaine ne révèle pas assez. Cette forme de paysage, pour donner mille nouveaux visages aux villes, doit incorporer les critères d'un réel « milieu », un assemblage parfait de différents éléments qui s'entredéterminent et qui, au travers de leurs alliances créent une unité sensible, marquant ainsi une rupture avec ce que renvoie de terne, la ville manufacturée, pur artéfact.

Aux acteurs publics de jouer !

S'il n'y a de véritable beauté dans le paysage que dans celui qu'on a perdu, faisant de nous des nostalgiques de la nature que nous avons détruite en ville; il y a certainement dans le paysage à construire, l'empreinte de la renaissance de cette nature porteuse de sens et de « vie ». Mais alors, les organismes d'Etat africains en charge de l'aménagement sauraient-ils redonner une âme à la ville en y construisant un « paysage vivant » ? Sauraient-ils se départir des « modèles » importés, plaqués et uniformisés à volonté pour y injecter un langage, qui donne au paysage de s'adresser au cœur humain ?

Pour cela, il faudrait certainement, en accord avec les Goncourt, accepter que la nature ne soit jamais aussi présente que lorsque nous la sentons menacée et entamée de toute part, notamment par un déploiement architectural et urbanistique insensible au naturel. Il faut faire de la nature la puissance de la création paysagère néo-urbaine africaine. Aussi vrai, que l'arbre, selon le proverbe africain, suive toujours sa racine.

C'est ici que la volonté politique est attendue pour créer une culture du paysage sous-tendant l'aménagement du territoire. Il est temps d'entendre les voies de la nature, dont Balzac pressentait déjà que lorsqu'elle s'adresse à nous, elle ne fait jamais que répondre à notre propre voix. Ceci permettrait de créer une continuité de liaison dans le tissu urbain, tendant à faire du renouement de la ville avec la nature, l'évidence de la métamorphose des villes africaines. C'est ainsi qu'on pourrait éviter de faire de nos villes, les lieux de prolifération de « l'anti-vivant » au sens de François Béguin, mais au contraire, des lieux d'exaltation de l'allégresse à laquelle nous convie constamment la nature et dont le paysage est le plus beau des clins d'œil.

(*) Ingénieur du bâtiment. Il se définit davantage comme un « socioingénieur » du fait de son engagement au profit du développement des bâtiments et villes durables en Afrique. Président de Construire pour demain, association de promotion des bâtiments et villes durables en Afrique, il est aussi cofondateur de Starksolutions, cabinet de conseil en intelligence territoriale.

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Commentaire 1
à écrit le 23/08/2022 à 21:03
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Il est vraiment temps de penser à la reconstruction adéquate des villes africaines, nos chères villes en tenant compte de nos réalités considérées sous toutes les facettes . Bravo aux oeuvres , aux recherches qui s'investissent dans ce domaine.

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